Les dernières années de Picabia, présentées chez Hauser et Wirth
La galerie suisse Hauser & Wirth présente du 18 janvier au 12 mars 2025, dans sa somptueuse antenne parisienne du 26 bis rue François 1er, des œuvres de Francis Picabia réalisées entre 1945 à 1952.
Lorsque nous arrivons dans la galerie, la grande salle du rez-de-chaussée est vide. Nous n’y trouvons ni bancs ni cartels, les fenêtres sont aveuglées par des rideaux. Cette atmosphère mystérieuse d’un musée sans visiteur pourrait être qualifiée de lynchienne, rendant ainsi hommage au regretté réalisateur et ses univers énigmatiques. Personne n’interfère dans notre découverte des dernières années du peintre que le titre de l’exposition annonce comme un « éternel recommencement ». Les invités du vernissage sont tous à l’étage, où est donné un cocktail.
Qui est donc Francis Picabia en 1945 ? Figure incontournable du monde de l’art, il revient à Paris après vingt ans passés sur la Riviera. Picabia tient salon et des artistes comme Hans Hartung ou le tout jeune Pierre Soulages le fréquentent. Il produit ses œuvres dans son atelier de la rue Danielle Casanova et expose à la galerie Denise René, rue de la Boétie. Ses toiles atteignent alors une abstraction qui témoigne de la diversité de son œuvre. Il a d’abord été proche des impressionnistes avant d’être une figure du mouvement surréaliste.
Ces toiles de Picabia n’ont jamais été réunies dans une le cadre d’une exposition de cette ampleur. Arnauld Pierre, membre du comité Picabia — chargé d’authentifier ses œuvres et de sauvegarder son travail — nous explique que bien que « pas mal de beaux tableaux de cette période sont passés en vente ces derniers années », celle-ci est méconnue. C’est donc pour combler cette lacune que le comité s’est associé à la galerie Hauser & Wirth.
Les yeux d’Arnauld Pierre s’illuminent devant une œuvre sans titre de 1948. Cette œuvre en cache une autre. C’est-à-dire qu’au milieu de la toile se trouve une œuvre et qu’on observe dans les contours les traces d’une œuvre antérieure. Un fil rouge et des portes blanches sur porte noir cachent en fait un paysage de 1938. Pour le chercheur, cela illustre la désinvolture de Francis Picabia qui n’a que faire de la pérennité de son œuvre.
L’œuvre de Picabia est façonnée de symboles et de signes. Parmi les œuvres figuratives les plus marquantes, citons deux œuvres de 1951, qui portent les noms des jours de la semaine Vendredi (un insecte) et Dimanche (un portrait féminin). Cette femme apparaît à nous bien que les couches de couleur qui forment son visage soient extrêmement réduites.
Enfin, citons l’universelle satisfaction consistant à trouver, dans une exposition, l’œuvre qui est reproduite sur l’affiche. Il s’agit de Rapport avec les vertus (1949), portrait déstructuré sur lequel on pourra voir tant un bicorne qu’une trompe d’éléphant. Le titre de l’œuvre est sans doute une référence à Nietzsche, Picabia en étant un lecteur assidu.
L’exposition est immanquable, en raison de la qualité des œuvres présentées mais aussi de l’architecture de la galerie. Les œuvres quitteront leur terre natale, traverseront l’Atlantique, et atterriront dans l’antenne new-yorkaise de la galerie 22 nd Street du 1 er mai au 25 juillet prochains.