Peter Knapp, exposition inaugurale de la galerie Oana Ivan
Du 17 janvier au 17 avril 2025, la galerie Oana Ivan, qui vient d’ouvrir dans le huitième arrondissement de Paris, présente une quinzaine de créations du photographe et graphiste Peter Knapp.
Le fringant artiste de quatre-vingt-treize ans était présent au vernissage, le 14 janvier, au cours duquel il a présenté des photos de mode comme des créations récentes, des collages scannés puis imprimés via la procédé de l’« inkjet » sur toile.
Sur quelles photographies notre œil s’est-il donc posé ? On pense immédiatement à celle d’une Françoise Fabian méconnaissable, masquée par une sorte de voilette sur le visage (1967). Nous avons été aussi séduits par une œuvre représentant Azzedine Alaïa et le mannequin Marcy Hunt (1982) pour le magazine allemand Stern. Le premier est de face, la seconde de dos, et la différence de taille entre les deux s’en voit renforcée. Dans une monographie signée Gabriel Bauret, on peut y lire les indications que le photographe avait laissé à Stern pour la publication : « Plus doux voir le contact. Garder le grain dans les parti claire ». Phrase que nous laissons à l’exégèse du lecteur. Elle illustre que, pour Peter Knapp, une photographie de mode est un maillon dans un magazine, une partie d’un tout cohérent.
L’artiste suisse a étudié le graphisme et la photographie à Zürich où il a été influencé par la pensée du Bauhaus et l’œuvre de Mies van der Rohe. Il entame alors une carrière de graphiste dans le Paris des années 1950. Peter Knapp est alors en charge de la composition des affiches des Galeries Lafayette et crée des logos pour les plus grands, les Disques Barclay, la Nouvelle Revue Française, et le magazine ELLE. Hélène Lazareff le nomme directeur artistique du magazine féminin en 1959. Il y officie d’abord comme graphiste où il se fait remarquer pour son iconoclasme, préférant les diagonales aux angles droits, alors bien plus en vogue. Il aime que les textes soient présentés en trois colonnes, manière « d’évoquer les trois langues officielles de la Suisse » dit-il. Il prend ensuite ses galons de photographe et quitte ELLE en 1966. Peter Knapp travaille alors pour des journaux comme Vogue ou le Sunday Time. Tandis qu’il suit les collections de Courrèges et d’Alaïa, il part pour le Zeit Magazin dans les steppes afghanes en 1970 et publie un livre sur Osaka la même année.
Nous avons eu la chance de le rencontrer. « J’ai déjà travaillé pour vous » nous dit-il. Il s’explique. En 1953, Georges Jalou, alors à la tête de L’OFFICIEL lui demande de réaliser des croquis d’intention pour inspirer des photographes en mal d’idées. C’est un premier pas pour lui dans le monde de la mode : « le patron était assez libéral. Il m’a dit qu’il y avait trop de photos de mode statiques. J’y ai ajouté du mouvement ».
Après ces digressions passionnantes, le photographe théorise pêle-mêle toute son œuvre. Son usage du noir et blanc ? C’était pour des raisons techniques, la plupart des photos dans les magazines étaient en noir et blanc. Un problème se posait : on ne savait pas de quelle couleur était le gris dans la vraie vie. Vraiment gris ? Bleu ? Rouge ? C’est ainsi qu’il a proposé une solution. À photo en noir et blanc, habits en noir et blanc. Il a convaincu les créateurs. Et le noir et blanc prit alors tout son sens.
Ses récentes créations picturales ? Un moyen pour lui de rompre avec la « photographie appliquée », c’est-à-dire la photo de mode, au profit d’un art dont il est le seul créateur : « je fais du collage, ensuite on fait un scan et on imprime sur du inkjet sur toile. J’avais envie de retrouver la couleur après tous ces noirs et blancs ».
Ces deux œuvres datées de 2024 sont bien les seules touches de couleur de la galerie, qui ne connaît, dans son architecture, que le noir et le blanc.
L’architecte Eugenio Rebuzzi, présent à l’occasion de cette journée inaugurale, explique avoir réalisé un cadre aussi sobre « pour mettre en valeur les œuvres » et « s’effacer un peu ». Il s’agit de la première galerie d’art conçue par ce dernier qui, habituellement, travaille pour de grandes maisons de mode comme Hermès, Dior, Fendi ou encore Prada.
Tandis que Peter Knapp est photographié de toute part, et déambule parmi les invités, nous rencontrons enfin Oana Ivan. Ancienne rédactrice en chef du confidentiel magazine américain Frame qu’elle décrit comme un « coffee table book », sa rencontre avec Peter Knapp est née d’un « coup de foudre » qui a pleinement justifié le fait que la première exposition de la galerie le mette à l’honneur. En outre, elle nous explique que si elle s’est installée à Paris, c’est parce qu’on y trouve « peu de galeries de photos » et dit avoir choisi le huitième arrondissement pour sa proximité avec les grands hôtels de la capitale.
Il sera loisible aux amateurs de photographie et de mode de découvrir l’exposition Peter Knapp jusqu’au printemps à la galerie Oana Ivan, 93 rue du faubourg Saint-Honoré.