7 livres à emporter au coin du feu cet hiver
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Une nuit après nous (Delphine Arbo Pariente)
Il y a des grands livres prétentieux qui pensent être le symbole d’une époque et l’étendard d’une cause. Les auteurs prennent leur rancœur personnelle pour un combat universel alors qu’il n’en est rien. Puis, il y a des petits livres qui apparaissent discrètement, doucement sans rien prétendre, qui osent à peine exister sur les piles des librairies et qui s’excuseraient presque d’avoisiner des écrivains célèbres. Il y a des phrases jetées sur un clavier d’ordinateur, pianotées à tout allure sur un smartphone ou griffonnées dans un cahier, qui mises bout à bout, créent un miracle.
Ce magnifique roman est bien plus qu’un déclic d’écriture, c’est une vocation qui a éclos et avec elle, une œuvre indispensable !
L’histoire de Mona emmène avec elle toutes ces enfances meurtries, ces cœurs brisés et ces petits corps souillés par des monstres aux allures d’hommes. Elle leur rend hommage et leur parle de sa petite voix frêle au nom de nos yeux qui se détournent trop souvent. Mais elle emporte aussi avec elle l’épopée des juifs sépharades, grands oubliés de l’exil qui portent en eux cette douleur à la fois commune et irréversible.
Une nuit après nous, écrit l’essentiel de ces traversées et du déracinement, au gré de métaphores aussi douces que leur réalité est âpre et brutale.
Il est des hommes qui se perdront toujours (Rebecca Lighieri)
Coup de cœur unanime pour ce livre à couper le souffle. Une succession de mots forts et incisifs qui décrivent à merveille la misère et l’horreur vécues par une fratrie, dont la vie n’est que survie.
Dans les cités de Marseille, sous l’égide d’un père tortionnaire aux vices innombrables, deux frères et une sœur tentent de vivre leur enfance en faisant fi de l’horreur de leur existence. Entre coups, humiliations et drogues les souvenirs qui leur restent ne sont que mépris et soumission faisant d’eux des adultes brisés aux repères fragiles. Le livre aussi envoutant que percutant nous embarque en quelques lignes dans le logement crasseux de la cité Artaud, et au cœur du passage 50 où les gitans règnent en maître avec leur musique joyeuse et leurs traditions si chaleureuses.
Rythmé par la bande son de Michael Jackson et IAM, à l’aube des années 2000, se déroule la vie de ceux qui ne sont pas nés sous une bonne étoile et qui combattent des démons immortels.
Premier sang (Amélie Nothomb)
Bonheur immense de retrouver Amélie Nothomb dans la peau ou plutôt sous la plume de son père, décédé lors du premier confinement et auquel elle n’a pu dire au revoir.
La fille ressuscite le père et lui rend un hommage poignant même s’il n’est pas présenté ainsi. Trop intelligente, malicieuse et drôle pour écrire des lignes grandiloquentes ou larmoyantes sur le père disparu, l’écrivaine lui offre une gloire posthume à travers un exercice de style aussi original que remarquable ! L´auteure dresse le portrait à la première personne du singulier, de cet héros hémophobe et atypique, protagoniste principal et pourtant méconnu de l’histoire de la décolonisation.
Un roman cinématographique qui nous transporte d’une prise d’otage sanguinaire au Congo aux turpitudes de la haute société belge entre vie mondaine en ville et éducation darwinienne dans un château en décrépitude. L’hémoglobine est aussi omniprésente qu’elle terrorisait le père. Tout un symbole sur nos liens de sang et la valeur de celui-ci lorsqu’il coule encore dans nos veines.
La définition du bonheur (Catherine Cusset)
Vaste sujet que celui auquel s’attaque l’auteure : le bonheur. Notre perception de celui-ci, notre aptitude à en saisir l’essence puis à en profiter pleinement. L’histoire qui se déroule nous confirme qu’il n’y a pas de mode d’emploi et que les clés du bonheur sont innombrables et propres à chacun.
On fait ainsi la rencontre de deux femmes, Clarisse et Ève, aux vies diamétralement opposées. De leurs origines à leurs constructions, on identifie leurs failles et leurs forces tout au long du livre, à travers des moments de vie et du quotidien. L’une capture chaque moment de joie aussi fugace et instantané soit-il, tandis que l’autre se projette sur une construction à long terme qui implique patience et renoncement. Les destins des deux protagonistes se croisent et s’entrechoquent dans un récit émouvant.
Une belle lecture où on se laisse porter par ces vies dessinées et racontées avec talent.
Une vie (Maupassant)
On ne présente plus cette œuvre classique et fondamentale de Maupassant.
Il s’agit bien sûr du talent d’écriture, de ces mots qui n’ont l’air de rien mais qui réussissent au travers de la description de feuilles d’un arbre à rendre une émotion vivante. L’amour réel que l’auteur porte à cette terre normande faite de grisaille, de pluie, de froid contraste avec un dédain mêlé d’admiration pour une Méditerranée et une Corse qui représentent l’aventure, l’espoir d’un bonheur possible, l’exaltation et les frissons de la vie.
Cette métaphore est bien celle de la vie de notre héroïne, Jeanne, qui s’était permise, encore enfant, à rêver d’un bonheur absolu, pur, propre. Son destin ne sera finalement que trahisons, déceptions, douleurs et amertume. On pourrait lire dans cette œuvre le destin malheureux mais assez banal d’une noble enfant de campagne qui n’a pas su faire face aux affronts de la vie. Pourtant il y a autre chose qui questionne et qui est d’une actualité affolante: faut-il espérer? Comment protéger ses enfants tout en les préparant aux coups de la vie ? Les salauds gagnent-ils toujours ? Comment préserver son intégrité? Faut-il toujours choisir la vie ?
Carte postale (Anne Berest)
Que la littérature peut être belle lorsque maniée à la perfection, celle-ci se dénude et se dévêtit de ses fioritures! Quelle poésie sublime se niche derrière des phrases simples et des descriptions qui semblent si évidentes ! Quelle idée saugrenue, absurde et géniale de dépeindre la monstruosité avec nos mots comme pour nous avertir que l’horreur est d’abord et avant tout une affaire de quotidien. Un siècle d’Histoire traversé au côté de la talentueuse Anne Berest ne peut laisser aucun lecteur indemne.
La Carte Postale nous entraine sur les routes de l’exil juif avec les Rabinovitch, Emma et Ephraïm, arrières grands parents de l’auteure et de leurs enfants Noémie et Jacques dont les noms figurent à côté de celui de leurs parents sur la fameuse carte postale anonyme ainsi que sur la liste des déportés à Auschwitz et de Myriam, aînée de cette fratrie et unique survivante d’une famille décimée par l’horreur, à laquelle on s’identifie si facilement. La plume d’Anne Berest nous transporte, nous alerte sur notre échine qui se courbe face à l’antisémitisme moderne, nous éclaire sur un passé qu’à force de commémorer on a fini par oublier et nous interroge sur la notion d’identité. Myriam, vit ses premiers balbutiements, cachée à l’arrière d’une charrette sur les routes de Moscou en 1919. Sa vie débute comme un roman russe et se termine dans la langue dans son enfance.
S’adapter (Clara Dupont-Monod)
L'émotion qui nous gagne à la lecture de ce récit, est assortie de larmes, celles qui accompagnent les absents. Celui que Clara DM appelle l’enfant nous laisse un vide immense.
Par ses mots si puissants, l'auteure nous invite dans sa fratrie, sujet finalement peu développé en littérature. On lit souvent le lien mère fille et si peu celui des frères et sœurs, d'autant plus lorsque le frère est « inadapté » et deviendra prématurément l'absent, un absent dont la présence habite tout le récit.
Avec courage et sincérité, Clara DM aborde un sujet essentiel et nous livre un récit d’une honnêteté immense et bouleversante.
Elle rend ici un vibrant et poignant hommage à son frère disparu trop jeune.
Son regard bienveillant sur la fratrie n’est pas sans nous rappeler les mots tendres que la grand-mère confie à sa petite fille : « si un enfant va mal, il faut toujours avoir un œil sur les autres ». Une lecture puissante et nécessaire…