Portugal : croisière au fil du Douro, sur le Queen Isabel
Bienvenue à bord du Queen Isabel à la découverte des pépites de la vallée du "fleuve d’or", du palais de Mateus à Guimarães, le berceau historique du Portugal.
Le jour vient de se lever sur Porto. Pourtant, sur la rive du Douro, les tours de l’église São Lourenço et le palais épiscopal sont encore nimbés de brume... Juste en dessous, sur le Cais da Ribeira, les terrasses se remplissent vite. Les touristes sont ici nombreux à profiter d’une tasse de café et d’une généreuse "torrada" (un pain de mie toasté sur lequel est étalé du beurre salé, un classique du petit-déjeuner au Portugal). Un peu plus loin, la silhouette métallique du pont Luis se détache sur l’horizon. En y regardant de plus près, on devine les passants qui le traversent à pied pour rejoindre le quartier historique de la Ribeira depuis Vila Nova de Gaia. Quelques barques, qui jadis transportaient encore des barriques de porto, véhiculent leur flot de passagers sur un Douro aujourd’hui assagi grâce à une série d’écluses qui ont domestiqué le fleuve... Sur le Cais de Gaia, le M/S Queen Isabel, hôtel flottant haut de gamme de 59 cabines exploité par Rivages du Monde, s’apprête à appareiller pour une croisière de six jours qui nous mènera jusqu’à la frontière espagnole avant de rejoindre à nouveau son port d’attache. Une croisière pas tout à fait comme les autres, au fil du Douro.
SLOW MOTION
Qu'il est doux, le nom de ce fleuve né dans les monts de la vieille Castille espagnole pour ensuite se jeter dans l’Atlantique, non loin du cœur de Porto ! Doux et tranquille - parce que régulé par des barrages aux dimensions impressionnantes et des écluses gigantesques (les plus hautes d’Europe) -, le Douro fait l'admiration des ingénieurs en hydraulique et de tous les amoureux des voies d’eau. Sur près de 240 km, il traverse le Portugal d'est en ouest et constitue un itinéraire initiatique varié, sauvage, enchanteur... Le tourisme fluvial y a donc trouvé là un bon terrain de jeu. "La croisière fluviale permet de découvrir une région et sa population en profondeur. Découvrir le Douro par la voie d'eau intérieure a quelque chose de plus subtil, intime et sensuel que si on le découvre par la route...", nous explique Laurent Baetens, directeur de Rivages du Monde Belgique, tour-opérateur français spécialisé dans les croisières intimistes sur les mers, les côtes et les fleuves. Selon lui, ce genre de croisière au fil de l’eau fait écho à une société en crise, où tout va de plus en plus vite. "Un bateau hôtel de charme comme le Queen Isabel est d'abord un vecteur de rêve, d'exotisme au sens propre, un moyen idéal d ’ être dépaysé sans renoncer à son confort." Et d’ajouter : "Ce mode de navigation permet aussi de retrouver le plaisir de la lenteur."
L’ITINÉRANT SANS LES INCONVÉNIENTS
C’est le moment d’embarquer... Autoproclamé le plus beau bateau naviguant sur le Douro, le Queen Isabel promet d’offrir à ses passagers une expérience à taille humaine (il n’y a jamais plus de 118 passagers à bord), ultra-confortable, avec des itinéraires qui allient culture (visites de destinations chargées d’histoire et conférenciers spécialistes de la région à bord), nature, gastronomie et détente. Les amarres tout juste larguées, le navire glisse silencieusement sous les six ponts de la ville de Porto (dont celui construit au siècle dernier par Gustave Eiffel). De sa terrasse au soleil, on regarde le paysage défiler. Le cours d'eau est large, docile et les villas cossues, blotties dans les pinèdes, affichent leur beauté surannée. Plus on se dirige vers l'amont, plus les rives deviennent sauvages... Sur les hauteurs, au milieu des domaines viticoles, les maisons de maîtres, blanches aux toits de tuiles rouges - les "quintas" -, veillent sur la vallée et les alentours. Jadis utilisé pour le transport de marchandises, notamment le granit, le Douro n'a aujourd’hui plus qu'une vocation touristique. Pas étonnant... Sa région regorge de sites époustouflants. Mais attention, certains se méritent. Il faut en effet s’armer de courage pour gravir les 686 marches qui mènent au sanctuaire de Nossa Senhora dos Remédios (Notre-Dame des Remèdes). Lors de l’ascension, profitez de chacune des neuf terrasses qui jalonnent la montée : des pauses bienvenues sous prétexte d’admirer la vue. D’autant que chaque terrasse est agrémentée de fontaines et d’azulejos. Situé à 4 km de Vila Real, le palais de Mateus mérite, lui aussi, le détour. C’est, sans nul doute, l’un des "solares" (manoirs) les plus riches et intéressants du nord du Portugal. Propriété de la famille Albuquerque, l’une des plus anciennes du pays, c’est aujourd’hui une fondation qui organise des conférences, des concerts et des récitals tout au long de l’année. Le jardin, derrière le palais, est un ravissement : buis taillés, roseraies, arbres fruitiers et cèdres plus que centenaires se reflètent dans le bassin de l’entrée. Sortis de notre rêverie par une petite tape amicale, le guide nous rappelle qu’il ne faut pas traîner, car la navigation sur le Douro n'est pas (encore) autorisée la nuit. Il est temps de remonter sur le bateau pour profiter de notre cabine Deluxe dont la baie vitrée est au même niveau que le fleuve. Allongé sur le lit, on a l’impression de flotter et on se dit que changer chaque jour de destinations sans devoir faire et défaire ses valises est un luxe qui n’a pas de prix !
DES VIGNES AUX AZULEJOS
Le lendemain matin, le Queen Isabel poursuit sa navigation vers Barca d’Alva non sans faire une halte à Pinhão. Sa gare est la plus connue de la ligne ferroviaire qui, depuis Porto, suit le parcours du Douro au pied des collines couvertes de vignes. Le jour suivant, on abandonne une nouvelle fois le navire pour prendre un car qui nous mènera à Salamanque, ville espagnole au charme fou, célèbre notamment pour son université, sa grenouille porte-bonheur et son astronaute en pierre sculpté sur la façade d’une cathédrale vieille de plusieurs centaines d’années. C’est à partir de là aussi que le Queen Isabel fait demi-tour et commence le voyage de retour... Prochaine étape, Barca d’Alva ! Et une nouvelle excursion à la découverte d’une autre perle de cette vallée du Douro, le petit village de Castelo Rodrigo. Ce Pérouges à la portugaise compte à peine une cinquantaine d’âmes intra-muros qui continuent à faire vivre le village. On y pénètre par une arche, ouverte sur une ceinture de muraille qui autrefois comprenait 13 tours de guet et un chemin de ronde. S’il ne reste plus grand-chose du château, l’église, bien que très modeste, mérite une vraie visite car elle abrite la statue en calcaire polychrome de saint Sébastien datant du XVIe siècle. Jadis priée par les femmes mûres pour trouver un mari dans l’année, elle est devenue au fil des ans une icône gay ! Une dernière escale avant Porto nous donnera l’occasion d’aller jusqu’à Braga et Guimarães, le berceau du Portugal car Alphonse Ier (Afonso Henriques), le premier roi du pays, y est né au XIIe siècle. La vieille ville, piétonne dans sa quasi-totalité, donne l’occasion d’admirer de très belles maisons gothiques, en granit, qui font sa singularité. Après six jours de navigation, de jolies rencontres, d’apéros Spritz au bord de la piscine et deux romans dévorés, la croisière L’Or du Douro se termine là où elle avait commencé... Nous profitons du temps avant le vol retour pour visiter Porto et la magnifique Fondation d’art Serralves, et nous nous promettons de nous retrouver dans quelques mois sur le Mékong ou le Danube, pour profiter d’une autre douceur de vivre, toujours au fil de l’eau.
