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Dali Benssalah : "j’aime bien circuler entre des univers différents"

Athena, le film de Romain Gavras, s’est imposé comme l’un des films les plus forts de l’automne, un récit de colères en deuil, de rage froide, haletant et saisissant. Rencontre avec un des acteurs principaux, le puissant Dali Benssalah. 

Chemise en popeline de coton et pantalon cargo en toile de coton, DIOR HOMME. Montre, OMEGA. Bague, perso.
Chemise en popeline de coton et pantalon cargo en toile de coton, DIOR HOMME. Montre, OMEGA. Bague, perso.

Photographie LEON PROST - Stylisme JENNIFER EYMÈRE

L’OFFICIEL HOMMES : Quel film, ou acteur, vous a donné envie de faire du cinéma?
DALI BENSSALAH : Je n’avais pas de volonté précise de faire du cinéma. Quand j’ai vu “Casino Royale” avec Daniel Craig, je rêvais surtout de la vie du héros, même si elle n’était pas forcément joyeuse. J’étais plutôt à fond dans le théâtre. Lors d’un stage avec Nathalie Donnini au Cours Florent, on avait improvisé face caméra, après on débriefait ce qu’on voyait à l’écran, c’était un peu gênant... Il n’y avait pas de volonté d’en faire une profession, plus un désir d’apprentissage.

L’OH : Vous faisiez aussi beaucoup de boxe thaïe (Dali Benssalah a été champion de France de cette discipline à 19 ans, ndlr), avez-vous continué en arrivant à Paris ?
DB : J’ai essayé, mais j’ai commencé à travailler de nuit, c’était compliqué de tout faire. Je pensais faire le Cours Florent après trois ans de combats, mais je me suis blessé, cela m’a ralenti dans ma progression. J’ai réfléchi et suis parti directement à Paris. Aujourd’hui, je fais encore un peu de shadow boxing, mais mettre les gants me manque un peu...

L’OH : Cette double formation, le théâtre et les sports de combat, vous a-t-elle servi dans votre travail de comédien ? DB : Ça aide forcément, comme pour chaque acteur qui a son bagage personnel. Le théâtre apporte beaucoup de rigueur, sur l’apprentissage du texte, la ponctualité.

L’OH : Comment êtes-vous arrivé sur le casting d’“Athena”? DB : Mourad Belkeddar, un des producteurs du film via la société Iconoclast, m’a envoyé le scénario. J’ai rencontré Romain Gavras, autour d’un café pour en parler, et il m’a fait confiance pour le rôle.

L’OH : Qu’avez-vous pensé de votre personnage à la lecture ?
DB : Je me suis tout de suite projeté dedans, tout en ayant une approche globale du récit. Il m’a évoqué les pièces de Shakespeare, il n’y a pas de petits enjeux dans ce film.

L’OH : Comment avez-vous préparé le rôle avec Romain Gavras ?
DB : Nous avons beaucoup parlé du “scénario invisible”, de l’identité de mon personnage : qui est ce type, pourquoi est-il parti à l’armée ? Ce qui lui donne tout de suite une incarnation à l’écran, c’est son uniforme. Pour la préparation physique, j’ai eu une vie de caserne ! Ce personnage est en quête de justice, ce qui est éreintant, il fallait être prêt pour le faire sentir. Je ne tournais pas tous les jours, mais j’étais disponible tous les jours, même pour deux répliques.

L’OH : Quelle histoire vous êtes-vous racontée pour entrer dans la peau d’Abdel?
DB : Celle d’un grand frère qui, en l’absence de figure paternelle, doit prendre ce rôle. Il s’engage dans l’armée pour avoir une opportunité de carrière, envoyer de l’argent à sa famille, même si c’est aussi une sorte de fuite en avant.

L’OH : Avec le recul, diriez-vous que votre carrière a pris un nouvel essor avec votre rôle dans “Mourir peut attendre”?
DB : Plutôt avec le clip de The Blaze (vu plus de 80 millions de fois sur Youtube, ndlr), ces images ont voyagé et sont arrivées sous les yeux des bonnes personnes, dont Rebecca Zlotowski (la réalisatrice des “Sauvages”) et Cary Joji Fukunaga (le réalisateur de “Mourir peut attendre”), qui ont voulu me rencontrer après l’avoir vu.

L’OH : Avez-vous des envies d’écriture ?
DB : Je prends souvent des notes mais je ne prends pas le temps de revenir dessus. J’ai la chance de découvrir de vrais auteurs, avec Rebecca, Romain ou Sabri Louatah (un des scénaristes des “Sauvages”), qui me transportent. Si un jour je me lance dans l’écriture, je serai très exigeant avec moi-même, pour l’instant je ne gâche pas de papier.

L’OH : Quand vous lisez un scénario justement, qu’est-ce qui retient votre attention ?
DB : Le rythme, les surprises qu’il réserve, ce qui m’attrape par la main et m’emmène vers quelque chose d’inattendu, la qualité de l’écriture des dialogues.

L’OH : Avez-vous encore des envies de théâtre ?
DB : Oui, bien sûr ! Mais cela demande un engagement sur un temps très long, entre les répétitions et les tournées. Aujourd’hui, j’aime bien circuler entre des univers différents, sur des durées limitées.

L’OH : Sur “Athena”, avait-il de la place pour l’improvisation ? DB : Un peu, lorsqu’il y avait plusieurs prises pour ajouter des éléments. Cela échappe, parfois c’est juste un mot, un geste, il faut que cela vienne dans le flux du tournage.

L’OH : Préférez-vous travailler avec des cinéastes qui ont une direction d’acteur très ferme, ou avoir plus de libertés ? DB : À l’école de théâtre, on m’avait appris que tous auraient des approches radicalement différentes. Et cela a été le cas, certains ne disent rien, d’autres quelques mots mais qui nous déstabilisent davantage, et d’autres encore qui pouvent être d’une précision chirurgicale. Je n’ai pas de préférence, du moment que cela reste dans le bon esprit du tournage. Je crois cependant que je préfère quelqu’un qui sait mener sa barque. Mais l’on est d’abord au service de l’auteur, il faut savoir être malléable.

L’OH : C’est important pour vous de tourner encore en Algérie ?
DB : Absolument. 80 % de ma famille y vit encore. Je tiens à rester au contact de mes racines. Jouer dans une autre langue est un exercice que j’aime beaucoup. Mais pour moi un bon film, qu’il soit algérien, américain, italien ou français, est avant tout un bon film.

Chemise en popeline de coton, DIOR HOMME.
Chemise en popeline de coton, DIOR HOMME.
Veste coupe-vent en nylon, MAISON KITSUNÉ.
Veste coupe-vent en nylon, MAISON KITSUNÉ.

Athena. Disponible sur Netflix. Un film de Romain Gavras, avec Dali Benssalah, Sami Slimane, Ouassini Embarek et Anthony Bajon.

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