Not just a model
“J’adore mon mari, le Président Barack Obama et nos enfants Sasha et Malia” lance Gigi Hadid en imitant Melania Trump lors des derniers American Music Awards. Une référence à un discours prononcé par la nouvelle première dame lors de l’élection présidentielle américaine, copié sur celui de Michelle Obama lors de l’investiture de son mari en 2008. Si, depuis, mademoiselle Hadid a présenté ses excuses, sa prestation marque la nouvelle place qu’occupent les mannequins dans l’espace public. À l’instar des Miss, longtemps leur rôle a été d’être de belles plantes ou de simples portemanteaux. Des objets souriants, flexibles, qu’il est possible de faire tenir dans n’importe quelle pose. Souvenez-vous de l’exposition “Mannequin, le corps de la mode” qui s’est tenue aux Docks, Cité de la mode et du design, à Paris en 2013, et retraçait la place particulière des mannequins dans l’industrie de la mode.
Le communiqué de presse stipulait : “Empruntant son nom au mannequin en osier des salons de couture du xixe siècle, le mannequin vivant a pour fonction de porter les modèles devant les clientes comme devant l’objectif tout en gardant ce statut d’‘objet inanimé’ qui met en valeur les vêtements pour mieux les vendre.” À cette époque, les clientes sont celles dont on retient les noms, femmes de bonne famille ou célébrités, et, si les images d’archives de cette période sont nombreuses, on ne se souvient ni des visages ni des noms des mannequins.
À la fin des années 2000, les mannequins stars et célébrités commencent leur ronde de désintox tandis qu’on découvre avec effroi la vie des top-modèles tendance heroin chic : drogues et anorexie font un carton plein depuis près de vingt ans, mais le sifflet de fin de jeu vient de retentir. Cette même année, la Française Isabelle Caro, mannequin et comédienne, paraît nue dans une double page shootée par Oliviero Toscani pour lutter contre l’anorexie. La campagne No Anorexia provoque un séisme dans les coulisses feutrées de la mode. C’est avec ces images de célébrités désabusées qu’a grandi la génération des millennials (née entre les années 1980 et 2000), et c’est cette même génération métissée, connectée et partageant ses opinions qui aujourd’hui prend les podiums d’assaut. En 2015, Cara Dele- vingne dénonce le harcèlement sexuel dont elle dit avoir été victime depuis ses débuts : “Je suis un peu féministe et ça me rendait malade. C’est horrible et dégoûtant. On parle de jeunes filles. Vous commencez quand vous êtes très jeune et (...) vous êtes soumise à... des choses pas très bien.” La même année, Jourdan Dunn défile pour Fashion for Relief contre le virus Ebola qui frappe l’Afrique.