Marion Cotillard : "La danse est une forme d’art qui raconte beaucoup sans les mots"
Le parfum N°5 de Chanel, iconique, fête ses 100 ans l’année prochaine. Que représente-t-il pour vous ?
Pour moi, c’est une partie de la culture française, il a révolutionné le monde du parfum. Il a une singularité qui lui a fait traverser les âges et qui fait qu’aujourd’hui il est d’une modernité absolue. Il est mystérieux de par sa complexité mais possède aussi une certaine pureté. La première fois que je l’ai senti j’étais adolescente, et ce côté mystérieux m’a fait rêver.
Qu’est-ce que vous ressentez en succédant à Marilyn Monroe, Catherine Deneuve, Carole Bouquet qui ont incarné le N°5 ?
Continuer à écrire l’histoire de ce parfum, cela fait vibrer des choses en moi. Effectivement il a été porté par des femmes que j’admire, des femmes libres qui ont cassé les codes et ont inspiré d’autres femmes à être elles-mêmes, à ne pas rentrer dans des carcans. Je suis heureuse de faire partie de ce groupe.
Dans le nouveau film Chanel N°5 vous dansez et chantez, vous avez abordé cela comme une comédie musicale ?
Avec l’équipe créative de Chanel, on a exploré plusieurs chemins pour raconter cette femme, avec une envie de simplicité, d’un mouvement assez pur, avec cette énergie du corps qui raconte beaucoup. La danse est une forme d’art qui raconte beaucoup sans les mots. Et quand le chorégraphe Ryan Heffington est entré dans l’aventure, j’étais très heureuse car j’admire son travail, un travail élégant et viscéral en même temps, qui passe par le corps et les expressions du visage. Il m’a dirigée comme un directeur d’acteur pour raconter cette histoire d’amour et tout ce par quoi on passe quand on est amoureux. Pour la musique, je ne chante pas à l’écran mais la cohérence de la voix et du corps nous paraissait un beau chemin à explorer.
Par contre, vous chantez à l’écran dans votre prochain film, Annette de Leos Carax, un opéra-comédie musicale extrêmement attendu où vous jouez le rôle d’Anne...
Je n’en ai pas encore parlé... Anne est une chanteuse d’opéra. C’est une histoire assez complexe sur les relations humaines – il y a une histoire d’amour à l’intérieur – et sur comment des êtres désespérés peuvent dévier et devenir sous certains aspects monstrueux. C’est une comédie musicale effectivement, un opéra, assez profond et sombre et en même temps avec des éclats de lumière. Comme dans tous les films de Leos Carax, il y a une magie qui apporte de la lumière à cette dimension très sombre de l’histoire. On a l’impression que l’idée de challenge guide vos choix de carrière et vos engagements personnels (Greenpeace, etc.) depuis toujours... Dans le cinéma, j’aime les choses qui me déstabilisent, je suis attirée par des rôles qui ne vont pas être confortables pour moi, qui vont me questionner sur ma capacité à les incarner ou pas. Maintenant, dans la dimension environnementale ou sociale, le défi, il est à relever tous ensemble, ce n’est pas un défi personnel. J’ai du mal à m’empêcher de parler et j’aime mettre en lumière des gens qui font des choses formidables, tant dans le domaine de l’écologie que dans le domaine social. Je ne me considère pas comme une activiste, et pour défendre des causes je suis portée par les merveilleuses personnes que je rencontre. Le but, c’est de voir la fin de ces problèmes.
Qui sont vos héros aujourd’hui ?
Tout d’abord Satish Kumar, un penseur indien qui prône l’écologie spirituelle en partant du fait qu’il sera très complexe, voire impossible, de changer le monde extérieur si l’on ne fait pas un travail, chacun, à l’intérieur de soi, de reconnexion fondamentale à nous- mêmes et ce qui nous entoure. C’est quelqu’un qui est très important pour moi, mais il y a aussi, et c’est sûrement banal, ma mère. C’est une femme qui a traversé une vie faite de joies et de tumultes, et qui a gardé tout ça en elle pour avancer et être de plus en plus connectée aux autres, inspirante et bienfaitrice pour les gens qui l’entourent. Cette femme est une héroïne pour moi.