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Quelle exposition de photographies faut-il absolument voir ce printemps ?

Une sublime rétrospective récente au Musée Maillol rappelait, s’il en était besoin, l’extraordinaire génie du photographe Elliott Erwitt. La galerie Magnum présente une sélection de ses œuvres les plus emblématiques.

Elliott Erwitt. Berkeley, California, USA, 1956. ©Elliott Erwitt/Magnum Photos
Elliott Erwitt. Berkeley, California, USA, 1956. ©Elliott Erwitt/Magnum Photos

La trentaine de photographies choisies composent un portrait juste d'Elliott Erwitt, observateur discret et fin de la comédie humaine, captant ses vibrations amoureuses, contemplatives, prosaïques, poétiques. Son sens des contrastes en noir et blanc, sensuels, étirant la palette du charbonneux et de l’opalescence, son génie du cadrage, entre captation intuitive et scénographie précise, sont idéalement mis en valeur par la qualité des tirages, réalisés de son vivant sous sa supervision. Disparu en 2023, cet immense artiste semble avoir inscrit son œuvre dans la droite ligne de la formule, chère à Montaigne, du poète latin Térence  « Je suis un homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger. » A quelques jours de l’inauguration de l’exposition But Seriously, la directrice de l’antenne parisienne de la galerie Magnum, Samantha McCoy, a répondu à nos questions.

Que représente Elliott Erwitt dans l’histoire de Magnum ?

Elliott Erwitt était une véritable force au sein de Magnum. Il a été l’un des premiers membres de l’agence (fondée en 1947), rejointe en 1953. Il était une figure très importante au sein même des photographes. Il était proche de Bruce Davidson et Josef Koudelka, parmi tant d’autres, et il a toujours aimé discuter de photographie avec ses contemporains. Avec sa sensibilité humaniste, il incarne l’esprit même de Magnum.

Comment construire une exposition présentant au plus juste son travail qui est d’une extraordinaire richesse et variété ? 

Le travail d’Elliott Erwitt parle vraiment de lui-même et ne demande pas énormément de contexte. Ses images se suffisent à elles-même. Pour être honnête, cela a rendu mon travail très facile ! En plus des œuvres, nous avons décidé d’inclure quelques citations d’Elliott, qui, je trouve, permettent de mieux cerner sa personnalité, sa philosophie, et l’incroyable regard qu’il portait sur ses sujets.

Sur quels critères avez-vous choisi les œuvres présentées ?

D’une part, je voulais choisir des œuvres qui célèbrent sa vie, ce qui a été facile car ses images sont généralement très joyeuses. D’autre part, je voulais aussi présenter des œuvres qui mettent en avant toute la maîtrise de sa technique photographique. Je me suis aussi permise d'ajouter quelques trésors, moins connus, capturés lors de ses voyages en France. 

Justement, au regard de cette diversité d’expressions, quelle serait la signature Erwitt ?

Elliott Erwitt maîtrisait l’art du cadrage, c’est sûr et certain. Mais ce qui fait sa signature, sa singularité avant toute chose, c’est sa capacité à déceler de brefs moments exceptionnels dans le quotidien et l’ordinaire. Avoir ce regard, cette appétence pour l’exceptionnel dans l’ordinaire, c’est un véritable don et c’est ce qui rend sa photographie elle-même extraordinaire.

Comment définir son impact sur l’histoire de la photographie ?  

Je pense qu’on peut difficilement surestimer l’impact qu’Elliott Erwitt a eu sur ses contemporains et sur les nouvelles générations de photographes. Ses images sont intemporelles, restent pertinentes même avec les années qui passent. Elles ont de l’impact car elles sont universelles. Ce sont des photographies qui parlent à tous, sans prétention, et peuvent émouvoir ou faire rire un connaisseur aussi bien qu’une personne qui ne s’intéresse pas du tout à la photographie. 

L’omniprésence des images dans nos quotidiens oblige-t-elle à penser différemment l'organisation d'une exposition, pour rendre à une œuvre précisément son identité d’œuvre d’art ? 

Je ne crois pas. En tout cas, ce ne sont pas des considérations qui influencent notre manière de concevoir des expositions à la Galerie Magnum. Peut-être que le fait de voir constamment des images au quotidien, et notamment de la photographie, nous pousse à être plus exigeants dans l'idée que nous nous faisons de ce qu’est une œuvre d’art. Mais pour autant,  je n’ai pas l’impression que nous soyons dans une démarche active qui consisterait à rendre aux tirages leur qualité d'œuvre d’art. Je pense qu’une œuvre d’art reste une œuvre d’art peu importe la manière dont elle est présentée. Notre rôle consiste bien sûr à mettre les tirages en valeur mais surtout à les organiser de manière cohérente afin de rendre hommage au travail de nos artistes. Mais, finalement, je pense que les tirages que nous exposons n’ont pas besoin de nous pour conserver leur identité d'œuvre d’art à part entière. 

Exposition Elliott Erwitt, But Seriously. Du 8 mars au 25 mai. Galerie Magnum, 68 Rue Léon Frot 75011 Paris.

Horaires d’ouverture :

Mardi - Vendredi : 10h - 19h

Samedi : 11h - 19h

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Elliott Erwitt. New York, USA. c. 1950. ©Elliott Erwitt/Magnum Photos
Elliott Erwitt. Eiffel Tower. 100th anniversary. Paris, France. 1989. ©Elliott Erwitt/Magnum Photos
Elliott Erwitt. Bridgehampton, New York, USA. 1990. ©Elliott Erwitt/Magnum Photos

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