Pourquoi il est urgent de découvrir le photographe Chris Killip
Culte pour beaucoup, encore inconnu pour d’autres, le travail du photographe Chris Killip est exposé à Paris. À ne pas rater.
Une révélation : on ne voit pas d’autres termes pour qualifier notre découverte de l’œuvre de Chris Killip. Disparu en 2020, ce photographe a capté les années 1970 et 1980 d’une Angleterre se délitant, inéluctablement, sur fond de désindustrialisation. Tout un monde - économique, humain, social - semble agoniser sous son regard, empreint autant d’un souci documentaire, pour saisir au plus près du réel ce qui se joue, que de la volonté de rendre leur humanité à ceux et celles dont la vie s’effrite. La galerie Magnum, qui représente désormais son travail, a eu l'excellente idée de proposer à Paris une sélection d'œuvres réalisées dans les années 70 et 80, jettant sur cet artiste une lumière éclatante, ne laissant aucun doute : il était un immense photographe. Ce ne sont pas des cas d’étude sociologique qu’il photographie, mais des êtres singuliers, regardés avec attention. Sens de la composition et des contrastes, couvrant le spectre du gris, du noir charbonneux, barrant ce ciel qui semble n’avoir jamais connu le soleil, empathie du point de vue : son approche artistique, sans affectation, ni coquetterie misérabiliste, sidère par son âpreté et sa délicatesse humaniste. Ses images ont le lyrisme blafard, glacé, des premiers albums de The Cure ou de Joy Division, partagent leur puissance révoltée, intemporelle. Une colère résignée, une rage sourde mais éloquente se dégagent de ces photographies, poigntantes par leur mélancolie sèche, sans pathos, digne. Elles regardent leurs sujets les yeux dans les yeux, avec respect, on le souligne car c’est l’essence même de l’œuvre de Killip, cette attention portée aux naufragé-es, qui la méritent - , leur offrent une puissance viscérale - dans tous les sens du terme, tant elles prennent aux tripes et renversent le cœur. « Un livre doit-être la hache qui brise la mer gelée en nous.», écrit Kafka à son ami Oskar Pollak le 27 janvier 1904 : c’est précisément à cette exigence que répond Chris Killip, avec son œuvre, tranchante, dont il est impossible de ne pas la considérer comme essentielle.
Exposition Chris Killip : An Anthology. Jusqu’au 6 mai. Galerie Magnum Photos. 68 Rue Léon Frot 75011. Du mardi au samedi, de 10h00 à 19h00.