Louvre Abu Dhabi : quand la réalité dépasse la fiction
Temps de l’Histoire et condensation du temps historique sont souvent troublants. Ainsi, à l’élevage de chameaux, la culture de dattiers et le commerce des perles a succédé ; à partir du début des années 1960, dans ce qui deviendra Abu Dhabi ; l’exploitation d’immenses réserves de pétrole. Transposant cet émirat dans un nouveau cycle socio-temporel. Sa capitale éponyme, postée en façade du Golfe Persique, optant pour une orientation beaucoup moins exubérante que sa sémillante voisine, Dubaï, développe une carte culturelle jalonnée de projets qui, de 2017 à 2021, verra l’éclosion d’un concentré inédit de musées et institutions culturelles dans cette région du monde.
Saadiyat, “l’île aux musées”, rassemblera rien moins que deux emblèmes internationaux conçus par des maîtres de l’architecture : le Louvre Abu Dhabi, donc, et le Guggenheim (ouverture planifiée en 2018), placé sous les auspices de Frank Gehry, déjà auteur de la déclinaison espagnole du musée. A cela, il convient d’ajouter le Musée national Zayed (annoncé pour 2019-2020), orchestré par Norman Foster et dédié au charismatique fondateur des EAU et président visionnaire d’Abu Dhabi, cheikh Zayed ben Sultan Al-Nahyane (1918-2004). Deux autres entités complètent le paysage, le Maritime Museum, aux mains de Tadao Ando, et le Performing Arts Centre : une salle de spectacles désormais menée par l’équipe de feue Zaha Hadid, dont l’inauguration est prévue en 2020-2021. Entre modernisme et tradition, architecture spectaculaire et dunes du désert, le pays est un jeu de contrastes perpétuels.
“Le Louvre Abu Dhabi a établi une nouvelle norme dans la région et agit tel un aimant pour la prochaine génération des professionnels des musées. Il réinvente la notion de musée universel, née au XVIIIe siècle, et la réinterprète pour le XXIe siècle.” Manuel Rabaté, directeur du Louvre Abu Dhabi
600 / 300 / 13 / 10. Tels sont les identifiants du Louvre Abu Dhabi. En d’autres termes, 600 œuvres présentes dans la collection, dont 300 proviennent du Louvre et 300 de 13 musées partenaires, pour un dépôt de 10 ans. La bande des 13 c’est : le Musée du Louvre, bien entendu, le Musée d’Orsay et de l’Orangerie, le Musée du Quai-Branly, la Bibliothèque nationale de France, le Musée des arts asiatiques Guimet, le Château de Versailles, le Musée Rodin, le Musée de Cluny-Musée du Moyen-Age, le Musée des Arts décoratifs, le Musée d’archéologie-Saint-Germain-en-Laye, le Château de Fontainebleau, le Centre Pompidou.
Orchestrées suivant un parcours thématique, les œuvres s’inscrivent dans les 6 400 mètres carrés des 23 galeries permanentes, tout au long de douze séquences qui entendent “explorer un récit universel” en parcourant toute l’histoire de l’humanité. Les chefs-d’œuvre manifestes égrènent le parcours, de La Belle Ferronnière de Leonard de Vinci à un Autoportrait de Van Gogh, en passant par une Princesse de Bactriane composée en Asie centrale à la fin du IIIe millénaire avant notre ère, un Sphynx grec du VIe siècle avant notre ère, ou encore un feuillet du Coran bleu, manuscrit qui doit son nom à l’usage de la teinture à l’indigo. Parmi les œuvres contemporaines, neuf toiles de Cy Twombly, une sculpture monumentale d’Ai Weiwei et des installations in situ par Jenny Holzer et Giuseppe Penone, témoignages d’un programme de commandes en cours.
Au rythme de quatre expositions annuelles, le visiteur sera à même d’évaluer l’ampleur du projet. La première d’entre elles, “D’un Louvre à l’autre”, débute le 21 décembre, sous le commissariat de Jean-Luc Martinez, directeur du musée du Louvre et Juliette Trey et Juliette Trey.