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Squid Game, The Glory, My Name… Pourquoi les films et séries coréennes cartonnent autant ?

Longuement attendus par les fans, une découverte pour d’autres, les films et séries sud-coréennes obtiennent un franc succès auprès des spectateurs. Mais comment expliquer que ces productions plaisent autant ? 

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Au cinéma comme sur les plateformes de streaming, les œuvres hollywoodiennes aux scénarios similaires sont omniprésentes : un américain sauve sa famille des griffes de la mafia, des supers héros américains protègent le monde, l’apocalypse s’abat sur le monde… qui se résume en fait aux États-Unis. Avec cet américano-centrisme présent dans la plupart des films et séries, le public est lassé. C’est face à ce constat que la montée en puissance des productions coréennes sur les plateformes de streaming offre un nouveau panel d’histoires aux spectateurs… qui font un carton. Pour rappel, la saison 1 de Squid Game s’est positionnée en haut du classement des séries les plus regardées sur Netflix en 2022, avec 1,65 milliards d’heures de visionnage. Ces succès aident à la visibilisation de productions sud-coréennes et popularise le 7e art de la péninsule. Sur la plateforme au logo rouge, on compte près de 300 productions coréennes, un chiffre qui ne fera qu’augmenter, selon le géant américain. 

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"Squid Game"

Les séries coréennes aux influences hollywoodiennes

Les films et les séries coréennes s’inspirent des États-Unis pour créer des œuvres plus innovantes. Les genres des films et séries sud-coréennes sont aussi variés qu’aux USA, une ressemblance qui est le fruit de la mondialisation d’après Benjamin Joinau, chercheur en anthropologie culturelle spécialisé dans les korean studies au CRC (EHESS) :Avec la mondialisation des modes de productions à plusieurs niveaux, et la création de Netflix, il y a une internationalisation de la diffusion et de la production, et le lien étroit entre ces deux pays est accentué par une diaspora coréenne”. Le 7e art coréen est une industrie à plusieurs niveaux, les films et les séries sud-coréennes sont destinées à plusieurs publics : national, continental, et international : Il y a une histoire proprement sud-coréenne et traditionnelle, par exemple ce qu’on va appeler Drama, les séries. Il y a une part décroissante de produits culturels de type de travail alternatif “art et essai”, il va y avoir une production populaire et un autre type de production qui est destiné au public intérieur mais aussi  à l’international à destination des grands festivals comme Parasite”, explique Benjamin Joineau.

Dans les années 80, l’importation des produits culturels sud-coréens rassemblait souvent des films et des séries romantiques, au cours d’une période appelée Hallyu, représentant cette vague de diffusion de produits sud-coréens sur la scène internationale. En Asie et surtout au Japon, la série romantique Winter Sonata était ultra populaire en 2002 : A ce moment-là toute la presse internationale pensait que les séries coréennes concernaient seulement des histoires d’amour. C'était la réputation de la Corée du Sud. Maintenant avec Squid Game, Hellbound, on pense que c’est très violent. On voit une variété différente”, estime Jimmyn Parc, professeur associé à l'Université de Malaisie.

Aujourd'hui, les productions disponibles sur Netflix cassent cette tendance et les préjugés longtemps présents. Contrairement aux séries destinées au marché local, les séries sud-coréennes de Netflix sont plus violentes pour convenir au public international. Les scénaristes et les producteurs sud-coréens adaptent leur scénario en fonction de l'audience, et détiennent une liberté de production beaucoup plus vaste : Netflix investit beaucoup dans les productions sud-coréennes, il y a beaucoup de liberté de production, c’est une raison pour laquelle les cinéastes et les directeurs veulent produire des séries”, ajoute Jimmyn Parc. Certaines séries comme Squid Game n’auraient jamais été produites en Corée du Sud sans le soutien de Netflix, justement à cause de leurs scènes violentes et explicites.

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"The Glory"

L'Ère K, un style made in Korea

K-Pop, K-Drama, K-Food, K-Beauty… Sur les réseaux sociaux et surtout TikTok, ces produits coréens sont mis en avant par des vidéos reacts, des extraits de films/séries ou des challenges. Réel atout marketing pour les industries de la péninsule, les réseaux sociaux tendent à la promotion de ces produits : “La Corée du Sud est aussi réglementée qu’en Europe avec les copyrights, mais s’il y a des fandoms qui utilisent les images de films ou de séries, ce n’est pas un problème pour les compagnies, au contraire, ça aide à la promotion du produit”, précise Jimmyn Parc.

Le succès de la K-pop influence la popularité des K-Drama, les producteurs coréens emploient des Idols (chanteurs ou chanteuses K-pop) pour des caméos dans des films ou des séries, cette stratégie mise en place par les industries cultive la popularité de certains K-dramas puisque ces figures emblématiques de l’industrie musicale disposent d’une résonance à l'internationale grâce à leurs horde de fans. “On s’est rendu compte que les interprètes deviennent de grands acteurs du succès du produit. L’idole s'est amplifiée avec la montée en puissance de la K-pop, et on a cette capacité à faire du multi produit, où une star de K-pop sera présente ou un groupe pourra faire la bande originale d’un film ou d’une série. Ces stratégies mises en place par les compagnies, sont un tremplin pour les K-drama”, affirme Benjamin Joinau. Les K-drama s'appuient sur des scénarios basiques et universels à l’instar d’une jeune fille de classe sociale populaire rencontrant un jeune homme de la haute société. Chacun peut s’y identifier, quel que soit le pays : “C’est un contenu qui est assez facile à recevoir dans beaucoup de pays”, d’après Benjamin Joinau.

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"Parasite"

Entre réalisme social et exagération

Les films et les séries de la péninsule reflètent des réalités sociales encore présentes aujourd’hui comme le suicide, le harcèlement, la corruption, les inégalités des classes sociales. La série Netflix The Glory, sortie en 2022, met en avant une héroïne essayant de se venger de ses anciens harceleurs au lycée. On peut y voir des scènes poignantes de harcèlement scolaire, moral et physique, à l’instar d’une des scènes de torture inspirée de faits réels, où l’actrice principale se fait brûler les membres au fer à friser. En 2006, une jeune étudiante de l'école pour fille de Cheongju avait subi des brimades par ses camarades, notamment des brûlures au fer à friser et des griffures sur la poitrine. Avec cette scène, la réalisatrice de la série Kim Eun-sook voulait sensibiliser sur cette problématique encore présente aujourd’hui, la série Netflix avait relancé le débat sur le harcèlement scolaire en Corée du Sud.

Pour Benjamin Joinau, ces productions reflètent des critiques du système néo-liberal coréen, mais elles restent divertissantes avant tout : “Ces films veulent montrer une certaine réalité sociale tout en empruntant la voie de la fiction, il n'y a pas de recherche de réalisme social, on emprunte la voie de l’exagération”. Les formes utilisées pour représenter ces réalités sont soit directes comme le harcèlement, soit indirectes et métaphoriques :La série Hellbound est une manière de  montrer le rapport complexe de la société sud-coréenne à la religion, aux phénomènes de sectarisme, de la culpabilité collective”, explique Benjamin Joinau.

La violence physique et symbolique, le drame et l’exagération qu’on retrouve dans nos films et séries sud-coréennes préférées, retiennent ainsi notre attention pour nous divertir au maximum et toujours plus binge-watcher ces séries qu’on adore…

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