Qui es-tu, Doona Bae ?
Photographe : Danny Lowe
Stylisme : Vanessa Bellugeon
Joaillerie : Tiffany & Co.
Maquillage : Jun Sung Lee
Coiffure : David Delicourt
Assistant hoto : Mehdi Sefrioui
Assistante stylisme : Gabriela Cambero
Vous l’aviez peut-être remarquée dans Sense8, la série à succès signée des sœurs Wachowski dans laquelle elle jouait le rôle de Sun Bak, une femme d’affaires coréenne spécialiste des arts martiaux. Ou repérée sur la campagne de la dernière collection pre-fall Louis Vuitton, où elle pose aux côtés de Michelle Williams et de Léa Seydoux. Les amateurs de cinéma japonais se souviendront de sa performance dans Air Doll, le drame signé Hirokazu Kore-eda dans lequel elle incarne, à la perfection, une poupée gonflable qui prend vie. Doona Bae est une actrice subtile, qui jongle avec brio entre le cinéma d’auteur asiatique et les grandes productions hollywoodiennes. Un succès international qu’elle doit à la confiance du duo Wachowski, qui en 2012 lui confiait son premier grand rôle dans le film de science-fiction Cloud Atlas. Cette année, l’actrice étoffe son catalogue avec #jesuislà, le prochain film d’Éric Lartigau, tourné à Séoul, où elle vit. Elle y partage l’écran avec Alain Chabat. Un duo totalement inattendu qui s’annonce comme une belle surprise. Doona Bae nous a livré sa vision du cinéma, pragmatique et intuitive.
Parlez-nous de #jesuislà...
Doona Bae: J’ai quelques amis français très proches, Éric Lartigau en fait partie. Lorsqu’il m’a présenté son nouveau projet, qui allait se dérouler en Corée du Sud, l’histoire m’a séduite et je lui ai tout de suite dit oui. J’ai beaucoup aimé tourner dans mon pays. Éric était vraiment super et Alain Chabat m’a beaucoup aidé dans mon rôle. Tourner avec eux était une expérience à la fois drôle, inoubliable et émouvante.
Comment s’est passé le tournage avec Alain Chabat ?
Pour être honnête, je regarde peu de films et je ne suis pas une grande connaisseuse du cinéma français (rires, ndlr). Mais j’avais vu Alain dans des films. J’ai maintenant un grand respect pour lui, il est aussi adorable qu’extraordinaire, à la fois en tant qu’acteur et en tant qu’être humain. Je crois qu’il permet aux acteurs d’atteindre un niveau supérieur, il est capable de faire sortir un jeu naturel chez les autres. Il me suffisait de le regarder dans les yeux pour jouer spontanément.
Votre vision de Séoul, où vous êtes née, a-t-elle changé depuis que vous y tournez des films?
J’ai souvent tourné à Séoul, y compris pour chaque saison de Sense8. Mais le tournage de #jesuislà m’a apporté un nouveau regard et un sentiment étrange: j’ai réalisé à quel point les gens qui viennent d’un pays lointain voient les lieux que je traverse tous les jours d’une manière différente de la mienne. Les choses dont je suis très familière pouvaient les amuser. En visionnant certaines scènes, j’ai découvert Séoul sous un œil plus esthétique et exotique (rires). J’étais très à l’aise de tourner là-bas, je me sentais comme une hôtesse, j’avais presque la responsabilité que l’équipe et les acteurs s’y sentent bien. Cela m’a permis de rafraîchir le regard que je porte sur ma ville.
Vous jonglez entre Hollywood et le cinéma coréen. Comment travailler au sein de deux industries différentes influence votre rapport à la profession ?
Je ne suis pas quelqu’un d’ambitieux, je n’avais pas l’intention de faire carrière à Hollywood. J’ai eu la chance de recevoir beaucoup de propositions intéressantes et j’y travaille avec la même curiosité, sans approche stratégique. Peut-être est-ce un manque de sensibilité, mais je n’ai ressenti aucune différence, si ce n’est bien sûr au niveau des budgets. Pour créer un bon film, chacun fait de son mieux en faisant confiance à un bon leader. En tant qu’interprète, je me mets à son service, c’est ma conviction en tant qu’actrice.
Comment voyez-vous évoluer le cinéma coréen ?
Je crois qu’il a connu un développement fulgurant. Lorsque j’ai commencé il y a vingt ans, pointaient déjà quelques projets audacieux. Le cinéma coréen compte beaucoup de personnes créatives, comme Bong Joon-ho, qui a remporté la Palme d’or à Cannes cette année avec Parasite. Le soutien de la population est pour beaucoup dans son succès. Je n’ai jamais vu des spectateurs qui consacrent autant de temps au cinéma que les Sud-Coréens. Il fait partie de nos vies. Si on se base sur ce constat, on peut oser une plus grande variété de projets. La seule chose que je trouve regrettable est que les films qui réussissent soient suivis par une vague de projets presque identiques... Mais j’ai grand espoir dans l’avenir, et dans toutes ces personnalités armées de persévérance.
Parlez-nous de votre relation avec les Wachowski.
Elles sont devenues aussi importantes que ma mère, elles ont mon respect et toute ma confiance. Lorsqu’elles m’ont contacté, en 2010 ou 2011, pour me proposer de participer à Cloud Atlas, je n’y croyais pas. Nous nous sommes rencontrés sur Skype et j’ai réalisé une bande démo que je leur ai envoyée. Elles m’ont confié un rôle important malgré mon manque de maîtrise de l’anglais. Je crois qu’une certaine complicité est née entre nous à ce moment-là, qui m’a poussé à les suivre sur Sense8. Grâce à elles, j’ai vécu des choses inouïes qui ne sont pas données à tous les acteurs. Elles m’ont donné envie de me surpasser et m’ont permis de surmonter la peur et mes limites.
Comment préparez-vous un rôle?
Quand je choisis un film, je choisis un personnage que je comprends. Ensuite, je déploie les efforts nécessaires pour être prête professionnellement: apprendre le tir à l’arc, le tennis de table ou le kickboxing pour assurer des scènes de combat. Pour #jesuislà, j’ai dû apprendre le français. Ce sont ces entraînements concrets qui me permettent de mieux comprendre un personnage et de le jouer avec naturel.
Dans quel genre de film rêvez-vous de jouer?
J’ai déjà eu la chance de jouer tous les personnages dont je rêvais (rires). Je ne rêve ni d’un rôle ni d’un type de film particulier, je me contente d’accepter volontiers les rôles qui m’inspirent.
“#jesuislà” d’Eric Lartigau, sortie en salles le 12 février. Traduction Lee Seula