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Pourquoi Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese est un chef d’œuvre

Cette fresque saisissante, où brillent Leonardo DiCaprio, Lily Gladstone et Robert De Niro, porte assurément la signature d'un immense cinéaste.

Lily Gladstone et Leonardo DiCaprio. Crédit : Apple TV+
Lily Gladstone et Leonardo DiCaprio. Crédit : Apple TV+

Après tant de films exceptionnels, inscrits pour toujours dans notre mémoire, il n’aurait pas été indécent qu’à 80 ans, l’inspiration fasse défaut à Martin Scorsese. Et pourtant : en découvrant Killers of the Flower Moon, sa force plastique, sa colère sourde, le feu ardent qui alimente son récit se déployant sans se presser, prenant le temps de capter une monstrueuse machination, avalant ses protagonistes, il est évident que le grand cinéaste n’a rien perdu de son génie. Un génie total, où tout, de la direction d’acteurs (DiCaprio et De Niro sont extraordinaires, jouant sur toute la palette de l’ambiguïté -, Lily Gladstone est une révélation incontestable), à la mise en scène, hypnotique, presque expérimentale dans une certaine radicalité dans ses choix narratifs, où la parole vaut autant que l’action, en passant par la mise en musique (signée par Robbie Robertson, décédé l'été dernier) participe de l'expérience cinématographique absolue. On imagine que le sujet, inspiré de faits réels, racontés par le journaliste David Grann, qui leur a consacré un livre ici adapté, a soufflé sur les braises : dans les années 20, sur les terres attribuées par le gouvernement américain aux tribus amérindiennes Osage, des puits de pétrole sont découverts, enrichissant considérablement ses habitants. Au fil des mois, des années, les meurtres et morts suspectes se multiplient, et les droits d’exploitation des puits reviennent aux blancs, qui concevaient une forte amertume de voir ainsi leurs voisins accéder à un statut dont ils les jugeaient indignes. L’indifférence à leur sort sera brisée - tardivement - par l’arrivée d’inspecteurs du FBI. C’est une histoire de cupidité meurtrière et d’injustice, de racisme et de mensonges, une histoire de manipulation et de trahison, une histoire d’amour trouble, auxquelles Scorsese donne une forme inouïe de beauté, instaurant un climat toxique, malaisant, qui nous plonge dans un acide corrosif, où le tempo lent prend tout son sens. Convaincant son neveu Ernest (DiCaprio) d’épouser Mollie (Lily Gladstone), Andrew Hale (Robert De Niro) n’a pas à cœur l’épanouissement personnel d’Ernest, obsédé seulement par la fortune de sa femme, qu’il s’emploiera à extorquer méthodiquement.  C’est autant le tableau d’un pays que le cinéaste peint que des portraits d’hommes et de femmes, puissants ou vulnérables, pris au piège de leur appétit de pouvoir, leur sottise (DiCaprio compose un personnage fascinant de complexité), leur aveuglement, leur fragilité. La délicatesse attentive avec laquelle il filme les Osage témpoigne avec tact du respect qui leur a été si longtemps refusé, et que ce film, en réparation, leur offre enfin. Bouleversant, le dénouement, mis en scène avec une puissance émotionnelle totalement inattendue laissera longtemps en bouche un goût amer, seulement adouci par la certitude que Martin Scorsese est encore un immense artiste.

Un film de Martin Scorsese. Avec Leonardo DiCaprio, Lily Gladstone et Robert De Niro. En salles le 18 octobre. 

A lire : David Grann, La Note américaine, traduit de l’anglais par Cyril Gay (Editions Globe, 2018, 352 pages., 22 €)

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Robert De Niro et Leonardo DiCaprio. Crédit :Apple TV+
Lily Gladstone et Martin Scorsese. Crédit : Apple TV+
De gauche à droite : JaNae Collins, Lily Gladstone, Cara Jade Myers et Jillian Dion. Crédit : Apple TV+
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