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Faut-il regarder Velvet Buzzsaw, le film Netflix sur l’art contemporain ?

Satire sanguinolente mais hilarante, Velvet Buzzsaw, diffusé sur Netflix, tire à vue sur le marché de l’art et son armada prétentieuse et ambitieuse de curators/ galeristes/ critiques/ personal buyers.
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Quand j’entends le mot « galerie », je sors ma tronçonneuse… Cela aurait très bien pu être le pitch de ce film atypique – oscillant entre farce et horreur - présenté au dernier Festival de Sundance. Il faut dire que le réalisateur Dan Gilroy tire à vue sur ce marché hautement spéculatif, son jargon si énervant et sa faune avide peu sympathique. L’histoire débute à Miami Art Basel où le critique super influent et incorruptible Morf Vandewalt, incarné par Jake Gyllenhaal, se balade pour découvrir de nouveaux talents. Le théâtre et ses vils personnages sont vite posés : Josephina, l’assistante ambitieuse (Zawe Ashton), Rhodora Haze, galeriste à la renommée internationale et ex punk (Rene Russo), le hipster galeriste très vain Jon Dondon (Tom Sturridge), Gretchen, la curatrice de musée en passe de devenir conseillère personnelle d’un milliardaire (Toni Collette), Piers, l’artiste en panne d’inspiration depuis qu’il ne boit plus (John Malkovitch), Coco, l’assistante malchanceuse (Nathalie Dyers) et Damrish, le street-artist qui monte (Daveed Diggs).

Ce ballet de clichés vivants va se fracasser sur un élément extérieur imprévu : un artiste méconnu dont Josephina découvre l’incroyable production par hasard au moment où il décède. Vetril Dease, vieil homme reclus au passé mystérieux, a laissé derrière lui un atelier bordélique qui ressemble fort à celui de Francis Bacon et des centaines de toiles autobiographiques, violentes et fascinantes. Tout ressemblance avec l’histoire extraordinaire d’Henry Dagger, dont l’œuvre prolixe a été trouvée après sa mort à Chicago en 1973 par son concierge effaré, ne serait que fortuite. Evidemment Vetril Dease, dont on se doute qu’il a pu être un meurtrier voire un psychopathe, a demandé qu’on détruise toute sa production à sa mort. Evidemment Josephina puis sa boss Rhodora vont l’entreposer, l’exposer et spéculer sur sa valeur (notamment en mentant sur le nombre d’œuvres pour faire monter sa côte). Le réalisateur s’est inspiré d’un documentaire incroyable d’HBO, The Price of Everything, pour décrire ces pratiques douteuses de certains acteurs peu scrupuleux du monde de l’art.

Là, pour le plus grand bonheur du spectateur irrité par autant de têtes à claques, le film tourne à l’horreur, version giallo (dans un style camp très assumé) en crescendo avec en vrac des références au Portrait de Dorian Gray (tableaux qui saignent - vivants ou pas ?), Chucky (pour l’automate), Poltergeist (pour les ampoules qui clignotent), Scream (pour le téléphone dans la villa vitrée), Christine (pour les objets qui se vengent), Le Théâtre de sang (Film Z avec Vincent Price) et même, soyons fous, La Quatrième Dimension. On ne saura jamais si le peintre Vetril Dease était un être maléfique ou s’il était simplement une victime ayant produit des œuvres diaboliques (assez créatives dans leurs vengeances et sélectives puisqu’elles semblent épargner les « vrais » artistes). Malin comme il se doit, Dan Gilroy laisse pas mal de questions en suspens : il manie pas mal le fantastique et la farce et fait de Velvet Buzzsaw un jeu de massacre too much mais assez jouissif.

 

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