Pop Culture

Et si c’était le plus beau livre sur l’histoire du jazz ?

Un sublime et passionnant ouvrage retrace une histoire capitale : celle des pochettes des grands classiques du jazz. 

Courtesy of TASCHEN
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Il est loin d’être anodin que la naissance du jazz - disons aux premiers jours du XXe siècle (pour mieux saisir la complexité à dater précisément sa conception, renvoyons au merveilleux documentaire de Ken Burns, Jazz, édité en dvd par The Corporation) - coïncide avec l’épanouissement du cinéma. Arts majeurs (pléonasme), témoins et acteurs des temps modernes, en prise directe avec les mutations technologiques, économiques et esthétiques, jazz et cinéma partagent aussi - autre pléonasme - le sens de l’évidence iconographique, de l’impact visuel - comme par magie, tous les musiciens et toutes les musiciennes sont invraisemblablement photogéniques. Si c’est véritablement l’avènement du rock qui a permis à l’industrie du disque de se développer, le monde du jazz a vite anticipé le profit, sans jeu de mots, que cette musique aurait à s’associer avec la culture visuelle, à faire de chaque disque, donc de chaque pochette, une expression à part, que l’œuvre devait être totale - sans souci des coûts afférents. 

Feuilleter - enfin, le compulser, sauter des pages pour traquer tel ou tel disque adoré, revenir en arrière pour s’en rappeler d’un autre - , Jazz Covers, la somme que les éditions Taschen consacrent aux visuels les plus marquants de l’histoire du jazz, c’est nager dans les eaux profondes et claires (ce qui n’est pas nécessairement antinomique) du génie humain. Si le genre est difficilement (litote) réductible à une seule définition - du be-bop au free jazz, du son West Coast au hard-bop, il y a moins des mondes que des univers, reliés par de secrètes passerelles où le brut côtoie le soyeux, l’âpre serre contre lui la tendresse, le cri parle au murmure, la sophistication emménage avec la sobriété -, il doit beaucoup à la pulsion partagée par tous ceux et celles qui le pratiquent, les portant vers l’affranchissement, des codes, des normes, des évidences, du bon goût, et à la joie d’y accéder. Cette jubilation, ce plaisir de l’audace, cet ouvrage l’illustre magnifiquement. Jeux de typographies modernistes, collages bariolés, mises en scène confinant au dadaïsme, érotisme suggestif (un peu...gênant, parfois, pour le dire honnêtement), portraits époustouflants, délires psychédéliques, délices naturalistes, manifestes politiques….Toute la gamme expressive se décline, en harmonie avec l’identité des maisons de disques, des artistes - plus ou moins sollicités, mais rarement passifs - de leurs propos. De passionnants entretiens avec des acteurs majeurs de l’époque - Rudy Van Gelder, Creed Taylor, sans qui l'histoire du jazz n'aurait sans aucun doute pas été la même tant leur vision a ménagé des brèches et fomenté des révolutions - ou des spécialistes (Ashley Kahn) - font plus qu’éclairer : ils attisent de leurs expériences et de leur passion ce brasier qui n’en finira jamais de réchauffer. L’écrivain Kurt Vonnegut avouait : « Les comiques et les jazzmen m’ont été d’un plus grand secours et plus appris que les prêcheurs, les hommes politiques ou les philosophes ou les poètes ou les peintres ou les romanciers de mon temps. Les historiens, dans le futur, à mon avis, ne nous complimenteront sur peu d’autres sujets que nos clowns et le jazz. » Il aurait adoré ce livre, lui qui pensait, comme tant d’autres, que « la musique sera toujours merveilleuse. » 

Jazz Covers. Editions Taschen. Joaquim Paulo et Julius Wiedemann. Relié, 29,3 x 29,3 cm, 4,21 kg, 552 pages. 50€. https://www.taschen.com/pages/fr/catalogue/music/all/43465/facts.jazz_covers.htm

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