Victoire de Castellane : "Le bijou est un jouet magique"
“J’ai une passion : la féminité.” Débuter une journée en compagnie de Victoire de Castellane est un cadeau, mot ni exagéré ni obséquieux. Il est choisi et assumé, tant vous ressortez de cette rencontre chargée d’optimisme. Dans le bureau de la directrice artistique de Dior joaillerie, la lumière est aussi douce que du velours. Des livres d’art, quelques tableaux, une table, un grand bureau occupé par des pots remplis de feutres. Victoire de Castellane porte une robe noire, près du corps, en laine mohair ceinturée à la taille, des souliers noirs. Ce qui frappe, ce sont ses bijoux, imposants et, surtout, dépareillés. Choisis. “J’aime les bijoux car je trouve qu’ils apportent de la sensualité ; j’aime les voir de manière sensuelle sur le corps.” Et d’ajouter qu’“il y a de nombreux symboles dans le bijou : l’idée de la dot, du trésor, de la parure archaïque, de la protection, du talisman. Le bijou accompagne le corps, il le magnifie”. Serait-il romanesque ? “Oui, au sens baudelairien.” On se dit que le rêve n’est jamais loin et le voyage non plus, “qu’il soit dans un pays étranger ou dans le temps. On s’invente des personnages. Le bijou en dit long sur celui qui le crée et sur celui qui le porte”.
Un peu comme Victoire de Castellane ? “Oui, possible. Elle est atypique.” On ne peut qu’abonder dans ce sens. Dernière preuve en date : la nomination d’une femme, Maria Grazia Chiuri, à la tête de la direction artistique du prêt-à-porter et de la couture. Une première pour Dior. Enfin, pas tout à fait… En 1998, c’est une femme, née dans les sixties, qui fût nommée à la tête du département joaillerie, tout juste créé : Victoire de Castellane, qui me raconte comment elle parvint à imposer sa vision baroque et à élargir le spectre créatif de ce monde assez convenu. “À l’époque, c’était le règne des bijoux fantaisie. Joaillerie et mode ne se mélangeaient pas, un peu comme des castes. Les hommes achetaient des bijoux pour les femmes, et les femmes, elles, pensaient que c’était un truc de dame. Quand je suis arrivée, il n’y avait pas beaucoup de créateurs dans les maisons de joaillerie, et peu de femmes. J’ai eu l’impression d’ouvrir une porte et que plein de filles ont suivi le mouvement. Les femmes avaient envie de se faire plaisir, leur mode d’achat était en réalité beaucoup plus personnel que ce que nous voulions croire.
Mais avec du tempérament et une sacrée dose d’onirisme. “Le bijou est un jouet magique. Il doit être l’ami de la fille qui le porte. Lui permettre de se sentir forte, puissante, belle.” Et qui d’autre que Victoire, parfaite ambassadrice, pour nous en convaincre ? “Une vie sans bijou est un peu malheureuse, non ? Ce n’est pas grave s’il se raye, s’il s’abîme. De la même façon que nos rides, il s’inscrit dans le temps. Jeune, je trouvais très intimidant de me dire que créer des bijoux allait être mon job : manipuler des matières très chères, et entraîner des personnes avec mes idées. Je travaille de manière très spontanée, j’ai encore l’impression d’être cette petite fille de 5 ans qui joue dans sa chambre et manipule des choses uniques mais sans vraie conscience, ce sont ses trésors. Voilà comme je suis. Tout est possible pour moi. J’ai tellement de chance de créer des choses qui suscitent le plaisir ! C’est une recherche d’amour et d’échange. L’humain est capital. La passion est notre moteur.” Et de conclure: “Le bijou est une façon de dire ‘je m’aime’, mais aussi ‘je vous aime’. Ce sont mes armes et mes déclarations d’amour. Un hommage à la féminité. Je ne sais pas si les hommes qui créent des bijoux s’imaginent en train de les porter. La femme que je suis, oui.”
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