Lucrezia Buccellati : "La tradition est capitale mais il faut la bousculer"
Ne pas céder à la facilité. La belle Lucrezia Buccellati aurait pu suivre un chemin tout tracé. Née il y a vingt-huit ans, elle fait partie de ces filles de bonne famille, héritières dorées, à qui la culture, les voyages, la connaissance, les langues sont transmis depuis l’enfance. Autant de bagages qui insufflent plus tard une manière de vivre, de poser son âme. “Je baigne dans l’univers Buccellati depuis mon enfance. Chaque Noël, chaque fête d’anniversaire, mes cousins et moi regardions les bijoux d’une manière presque sacrée. L’investissement était total.” Mais comme souvent dans les familles, aussi pleines d’amour soient-elles, trouver sa place ne relève pas de l'évidence. Devenir architecte, comme elle l'imaginait, ou rejoindre la tribu Buccellati ? Pour trouver la réponse, elle décide de partir au bout du monde : “Je devais m’émanciper.” Elle parcourt le globe, se sonde intérieurement. “Après un an de voyage, une halte en Inde, il m'est apparu clairement qu'au fond de moi j'appartenais à l’entreprise familiale, que je devais y tenir ma place. Je l’assumais, c’était mon choix.”
Elle suit des études de design au Fashion Institute of Technology, à New York, se frotte aux questions de business et finit par intégrer le clan familial, en 2010. “J’incarne la quatrième génération. Le défi était de taille. Je devais prouver à mon grand-père, Gianmaria, le fils du fondateur, peu favorable à mon arrivée, que j’étais la bonne personne.” Heureusement, Lucrezia aime la compétition : “Je monte beaucoup à cheval. Cette activité me détend et renforce mon caractère, déjà fort (rires).” Installée à New York depuis six ans avec son mari David Wildenstein, le vice-président de la célèbre galerie d’art qui porte son nom, et leurs deux garçons, Nathan et Daniels, Lucrezia, à qui tout réussi, se voit toujours comme une “aventurière”, mot qu’elle choisit de nous livrer dans un français presque parfait. Son goût des voyages n’a jamais disparu. “Avec Daniels, qui vient d’arriver, se déplacer est plus difficile. Mais en temps normal, nous sommes trois mois par an à Miami. Ma mère vit là-bas, elle est cubaine. Et un mois en Italie.” Mais d’où est-elle ? “Je suis un peu de partout, je vis à New York, mais mon coeur est européen.” Sa force sûrement. Sans conteste sa modernité et son ouverture.
“Les bijoux ne peuvent être isolés de la mode, de l’art, de la musique. Tout est connecté, je suis là pour apporter ce regard neuf. Je suis la première femme dans l’entreprise, j’aime la mode, le style, même si mes goûts sont simples (Peter Dundas époque Pucci a tout de même réalisé sa robe de mariée, ndlr), je connais ce que les femmes aiment.” Aujourd’hui, Lucrezia travaille avec un homme, son père, Andrea. “Nous maintenons cette tradition qui veut que deux générations de la famille travaillent ensemble.” Une manière d’évoluer tout en respectant ce style unique, nourri de techniques ancestrales. “Nous échangeons beaucoup avec mon père. Nous imaginons des bijoux comme si nous étions des artistes. Chaque pièce est une oeuvre d’art. La tradition est capitale mais il est nécessaire de la bousculer.” Et Lucrezia, qui porte le prénom de la protectrice des arts et des lettres, en a pris la voie. Royale.