Joaillerie

Le génie d'Elsa Peretti

Elsa Peretti nous a quittés. La créatrice légendaire laisse une œuvre immense. L'OFFICIEL rend hommage à une précurseur et une philanthrope dont l'aura et le message sont plus étincelants que jamais.
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Elle est partie paisiblement, à 80 ans, dans un village près de Barcelone, au cœur de la Catalogne qu’elle aimait tant. Le monde de la joaillerie pleure aujourd’hui Elsa Peretti. Les nombreux et poignants hommages, égrenés aux quatre coins du globe, dressent le portrait d’une philanthrope qui n’a jamais cessé d’exprimer sa générosité, son empathie, sa conscience environnementale et son goût des autres en soutenant notamment, par le biais de sa Fondation Nando et Elsa Peretti, le droit et la dignité des femmes, les minorités opprimées, les cultures non représentées. Un combat mené avec acharnement et constance : disons simplement ici que la Fondation Nando et Elsa Peretti a investi plus de 56 millions d’euros pour financer un bon millier de projets à but non lucratif dans plus de 80 pays. Parmi ces projets figuraient la construction d’hôpitaux, l’établissement d’installations sanitaires, la prise en charge médicale mais aussi la promotion de la culture et des arts.

Les hommages déplorent également une absence qui se fera cruellement sentir dans toutes les sphères de la création. Car Elsa Peretti a formulé quelques-unes des plus brillantes réponses aux interrogations liées à l’influence du design dans notre quotidien. Et ces réponses qui prenaient la forme singulière d’un haricot, d’un os, d’un scorpion, d’un cœur, d’une larme, d’une pomme ou d’une flasque, ces réponses qui brillent aussi bien dans les musées que sur nos poignets ou nos poitrines, restent d’une éclatante pertinence aujourd’hui. Une courte biographie aidera peut-être à percer les secrets de ce miracle.

Elsa Peretti est née à Florence où elle n’est pas restée longtemps puisqu’elle choisit Rome pour poser les bases de sa formation artistique avant de devenir mannequin à New-York puis de s’installer à Barcelone où elle débute véritablement sa carrière de créatrice de bijoux. La Catalogne : une clé de voûte essentielle dans la compréhension du travail de ce génie en devenir. Le petit hameau de Sant Martí Vell va devenir son refuge et son obsession, faisant restaurer des segments entiers du village, soutenant les fouilles des ruines romaines, acquérant l’église pour mieux la préserver. Pendant 10 ans, elle fait restaurer dans ce havre de soleil une maison jaune moutarde qui fut, jusqu’à ses dernières heures, sa résidence préférée.

Mais la Catalogne, c’est aussi un tourbillon de cultures dont Barcelone est l’épicentre cosmopolite. L’architecture déployée par Antoni Gaudí fit une forte impression sur la créatrice. La manchette Bone, qui est devenue un des best sellers de Tiffany & Co. il y a plus de cinquante ans, portait dans ses lignes suaves deux époques de la vie d’Elsa Peretti : la période romaine – marqué par une visite durant son enfance d’une église de Capucins du XVIIème siècle à Rome (une partie de la crypte était décorée d’os humain) - superposée à la période espagnole marquée par une admiration pour le modernisme catalan dont Gaudi était le chef de file (avec une prédilection pour la Casa Milà qui conjugue apologie du naturaliste et utilisation de l’arc caténaire). La vision d’Elsa Peretti fit le reste.

Cette cristallisation des influences continua de marquer son œuvre : "Elle ne vient pas d’une culture verrouillée" résumait avec pertinence Hiro lors d’une rétrospective consacrée à la créatrice en 1999. "Ce n’est pas américain, ce n’est pas européen, ce n’est pas japonais, c’est Elsa." Rien d’étonnant à ce que ce design si singulier et pourtant si puissamment universel se hissa au premier plan du patrimoine de Tiffany & Co. Elsa Peretti se mit à créer exclusivement pour le géant new-yorkais à partir de 1974. Le couturier Halston l’avait présenté au president du joaillier américain qui lui avait aussitôt signé un contrat d’exclusivité : il n’eût pas à le regretter. Car au-delà de son style unique tissé de lignes simples, sensuelles et sculpturales, de courbes organiques forgées dans l’or et l’argent, au-delà du respect profond qu’elle manifeste pour les cultures dont elle s’inspire (ses bracelets en laque nécessitent 77 étapes pour être conforme à la technique ancestrale de l’urushi), il faut aussi retenir le fait qu’Elsa Peretti a fortifié ce qu’on appellerait aujourd’hui l’image de marque. En réintroduisant les pièces en argent dans la ligne de bijoux Tiffany’s, en imaginant la ligne personnalisable Diamonds by the Yard – des diamants aux contours ronds et ovales simplement attachées à une chaine en or ajustable en yard (90 cm) - la créatrice a tout simplement proclamé que le luxe était l’affaire de tous. Elsa Peretti nous a légué davantage qu’un style en héritage, elle nous a confié une philosophie dont nous sommes tous aujourd’hui les reconnaissants bénéficiaires.

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« Le style doit être simple » Elsa Peretti En réintroduisant les pièces en argent dans la ligne de bijoux Tiffany’s, en imaginant la ligne personnalisable Diamonds by the Yard – des diamants aux contours ronds et ovales simplement attachées à une chaine en or ajustable en yard (90 cm) - la créatrice a tout simplement proclamé que le luxe était l’affaire de tous.
La manchette Bone superpose plusieurs sources d’inspirations qui correspondent à des moments clés de la vie d’Elsa Peretti. Ses admirateurs insistent sur le fait que les os fascinèrent très tôt la créatrice, non pour leur aspect macabre mais pour leurs formes insolites. La visite durant son enfance d’une église de Capucins du XVIIème siècle à Rome fut décisive : une partie de la crypte était décorée d’os humains. Son admiration pour le modernisme catalan, dont Gaudi était le chef de file, fit le reste.
Une inspiration aux aguets, à la fois universelle et respectueuse de toutes les cultures : les bracelets en laque imaginés par Elsa Peretti nécessitent 77 étapes pour être conforme à la technique ancestrale de l’urushi.
« Il n'y a pas de nouveau design, car les bonnes formes sont intemporelles » Elsa Peretti.
Elsa Peretti a formulé quelques-unes des plus brillantes réponses aux interrogations liées à l’influence du design dans notre quotidien. Et ces réponses qui prenaient la forme singulière d’un haricot, d’un os, d’un scorpion, d’un cœur, d’une larme, d’une pomme ou d’une flasque, ces réponses qui brillent aussi bien dans les musées que sur nos poignets ou nos poitrines, restent d’une éclatante pertinence aujourd’hui.

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