Joaillerie

Ça balance pas mal place Vendôme

Vendôme, lieu historique s’il en est, conjugue un concentré d’anecdotes et une galerie de personnages qui ont fait vibrer, et parfois secoué, cet épicentre du pouvoir. Visite guidée dans un passé plein de mystères.
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Au no1 : cadeau du roi

La place Vendôme est avant tout un cadeau, fait par Louis XIV aux Parisiens. Projetons nous dans le Paris de l’époque. La ville se résume avant tout à l’île de la Cité, le reste est composé de petites rues étriquées. Il s’agit pour l’État d’installer ses ministères. La place conservera le nom de l’hôtel de Vendôme, qui fut détruit pour l’occasion. Détail amusant : Vendôme, c’est la branche “illégitime” du pouvoir royal puisque le duc de Vendôme était l’un des enfants de Gabrielle d’Estrées, le grand amour d’Henri IV.

Il faut imaginer les Parisiens stupéfaits, au lendemain de la Première Guerre mondiale, en voyant défiler le puissant maharaja de Palatia, Bhupinder Singh, et ses centaines d’épouses au gré des boutiques de luxe de la place Vendôme. Un embouteillage de trente Rolls-Royce noircit l’entrée du Ritz. Le 2 août 1928, douze sikhs grands de deux mètres sortent de l’hôtel, ils transportent six caisses en fer qu’ils déposent dans le bureau de Frédéric Boucheron. Ces coffres contiennent des milliers de pierres précieuses. Diamants, rubis, perles et surtout des émeraudes d’une taille prodigieuse. Le premier joaillier de la place Vendôme en sera quitte pour réaliser la plus grosse commande jamais imaginée : cent-quarante-six joyaux de légende que plus personne n’a vus depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Heureusement, il nous reste les dessins.

Au no 23 : quand les cocottes s’en mêlent

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Dans la galaxie des personnages de la comédie humaine parisienne, les “grandes horizontales” sont sûrement les plus truculentes et les plus passionnantes. Le Tout-Paris de la Belle Époque regarda d’un oeil amusé les joutes féroces auxquelles se livraient par coups d’éclat joaillier interposés La Païva, la Belle Otero et Liane de Pougy. La place Vendôme doit beaucoup à ces courtisanes, non seulement férues de pierres d’exception mais aussi inventives dans leurs commandes et dans l’art audacieux de porter les plus extravagantes parures dans l’intimité de leur boudoir. On leur doit les plus piquantes répliques de la place. Notre préférée : “Un homme qui possède un compte chez Cartier ne peut être considéré comme laid.”

Au no 26 : fantôme, es-tu là ?

C’est l’une des histoires les plus troublantes de la place. Elle concerne Virginia Oldoïni, comtesse de Castiglione. L’ancienne maîtresse de Napoléon III et du roi Victor-Emmanuel d’Italie vivait seule, persiennes baissées, dans l’entresol de l’hôtel particulier situé au numéro 26. Les chroniqueurs du xixe siècle affirment qu’elle fut la plus belle femme de son siècle. D’autres prétendent qu’elle fut une somptueuse garce et une formidable espionne. La triste comtesse vécut ses dernières années selon un rite immuable : chaque nuit, minuit passé, une ombre noire se glissait sous les arcades pour déambuler jusqu’au lieu où s’élevait naguère le palais des Tuileries. Frédéric Boucheron, le nouveau propriétaire, ne réussit jamais (le voulut-il ?) à faire partir l’impétueuse Italienne de son appartement, qui avait hébergé ses amours nocturnes et secrètes avec le dernier prétendant à la couronne de France. 

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Entre les nos 23 et 25 : éternelle favorite

Le grand amour de Louis XV gît toujours place Vendôme, quelque part entre Louis Vuitton et Bulgari, c’est-à-dire au nord de la place, où s’élevait autrefois l’église des Capucines, avant le percement de la rue de Paix. Dans cette église se trouvait le tombeau de Louise de Lorraine et de la Pompadour. Lorsque l’église fut rasée sous Napoléon, la sépulture de Louise de Lorraine fut transférée. La marquise de Pompadour, qui n’était pas de sang royal, resta sur place. Il est assez émouvant d’imaginer que cette femme au goût parfait veille toujours sur le luxe parisien.

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Ah, la Régence ! Tout le monde connaît les goûts, disons festifs, du duc d’Orléans. S’il assuma la transition du pouvoir après la mort de Louis XIV avec autorité, le régent a surtout marqué l’histoire de France par ses soirées libertines. La plupart d’entre elles se déroulèrent place Vendôme, car il avait offert des bouts d’hôtels à plusieurs de ses amis. Madame de Parabère occupait l’immeuble où se dresse désormais la maison Van Cleef & Arpels, le duc de Gramont était au numéro 15 (qui deviendra plus tard le Ritz), le comte de Beaucé résidait au 26 (aujourd’hui Boucheron). On raconte que le régent et sa maîtresse cuisinaient eux-mêmes leurs repas. Esprit de modernité ? Pas tout à fait : juste une manière comme une autre d’éviter au personnel le spectacle des scènes érotiques qui prolongeaient souvent les royales agapes.

Au no 7 : repère de la couture

La place Vendôme doit beaucoup à la construction de l’opéra Garnier. Vers 1875, le quartier prospère et forme un ensemble cohérent avec la rue de la Paix. Les précurseurs, comme les Mellerio, qui s’étaient installés en 1815 au centre de la célèbre artère parisienne, furent suivis d’autres joailliers. Il faut noter ce fait important : la mode était reine dans le quartier. La postérité a largement retenu le nom de Worth, qui fut l’inventeur de la haute couture. Le couturier tyrannique malmenait ses clientes dans l’hôtel occupé aujourd’hui par Piaget au numéro 7 de la rue de la Paix. De nombreux autres couturiers, des modistes aussi, régnaient sur la place. Parmi eux, Martial et Armand, totalement oubliés aujourd’hui. Leurs croquis illustrèrent les plus belles pages de L’Officiel durant deux décennies.

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Au no 17 : à l’heure mondiale

La place Vendôme a vécu mille vies. Loin d’être emprisonnée dans son passé, elle s’ouvre volontiers aux talents venus du monde entier. C’est ainsi que ce haut lieu de l’excellence a pu s’enorgueillir cette année de l’arrivée du grand joaillier Graff. La célèbre maison anglaise n’est pas venue les mains vides puisqu’elle dévoilera cet hiver le plus gros diamant taille coeur du monde : 118,88 carats de préciosité absolue. La pierre est D, flawless. La qualité suprême !

Au no 12 : des notes de musique

Chopin a rendu son dernier souffle place Vendôme. Il vivait dans l’hôtel occupé aujourd’hui par Chaumet. Certains soirs, les clients privilégiés du vénérable joaillier ont le plaisir d’assister à un récital de piano donné dans les merveilleux salons de la maison. Frissons garantis.

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