Quand la mode joue à la poupée
Au-dessus ? Une robe à smocks. Dessous ? Un jupon vert fluo. Pour finir le look ? Des bottes de ferme. Ce patron d’une poupée de chiffon est signé Molly Goddard. Chacun connaît l’Anglaise pour ses détournements punko-régressifs de la princesse au petit pois, dont beaucoup sont inspirés de vieux vêtements type layette… Dans une société qui refuse aux jeunes de grandir, de telles collections balaient l’idée reçue d’une femme-enfant aux raisonnements enfantins. Si cette femme-là s’habille comme une poupée, elle n’en pense pas moins. Voir Nicolas Ghesquière qui propulse des marchandes de jouets Belle Époque dans une galaxie lointaine. Le directeur artistique de Louis Vuitton s’appuie sur une allure baby doll d’avant le film d’Elia Kazan, d’avant la taille haute, la forme tente et les couleurs bonbon, d’avant Carroll Baker, Mia Farrow et Twiggy. Manches, cols, boutonnières… tout ici est tiraillé entre le souvenir du xixe siècle et l’appel du xxe siècle. Pour preuve, ces jambes gainées de cuir et ces épaules à la Star Trek. La poupée Action Man, vous connaissez ? Dans ce hors-temps, les berceuses se chantent sur des murs digitaux. On a le droit de pleurer, murmure l’artiste Sophie. Avec une mélancolie ancrée dans l’aprèsguerre, Miuccia Prada rend hommage aux femmes des années 1940 qui se bricolaient des vêtements malgré la pénurie de tissu. Ici encore, on questionne le marionnettiste qui fait la marionnette, pas le pantin. L’Italienne brode de grosses fleurs en fils de laine sur des robes chasubles en matière organique. Sur cette planète Miu Miu, sublime et déjantée, les froufrous se portent avec des tricots rustiques et du rouge à lèvres black. Et la poupée dit non.