Visite exclusive d’Asnières, fief historique de Louis Vuitton
La façade Art nouveau de la bâtisse d’Asnières, fief historique de Louis Vuitton, plante le décor et prépare à l’immersion… Une visite exclusive qui a le chic de mettre en lumière les manufactures, les artisans mais aussi les mystères qui entourent la confection des malles et des sacs griffés de la célèbre marque au Monogram.
Louis Vuitton, celui par qui tout a commencé, naît en 1821 dans une petite commune du Jura. Fils de menuisier, le jeune homme apprend rapidement les rudiments des travaux manuels. À l’âge de 16 ans, il décide de quitter sa famille pour rejoindre Paris : il parcourt alors 400 km à pied. Une fois arrivé à la capitale, il travaille comme apprenti chez un "layetier-emballeur-malletier" pour y réaliser des coffres de voyage. Très habile de ses mains, le jeune Louis se voit confier les clients les plus notoires. En 1852, âgé de 31 ans, il confectionne d’ailleurs un nécessaire de voyage destiné à transporter les crinolines de l’impératrice Eugénie. Alors qu’il travaille encore comme apprenti, le jeune malletier est témoin des changements qui bouleversent la société de l’époque. Avec l’essor des nouveaux moyens de transport, les voyages connaissent de plus en plus de succès auprès de la classe aisée. C’est alors que le jeune homme fait un constat : les malles bombées sont inadaptées à l’empilage dans les transports. C’est en 1854 que Louis Vuitton décide alors de créer sa propre société et ouvre sa première boutique rue des Capucines à Paris. Il crée ainsi la "malle plate", qu’il estime plus pratique et plus adaptée au voyage et qui rencontrera rapidement un franc succès. Cinq ans plus tard, le créateur décide de déplacer ses ateliers à Asnières-sur-Seine afin de profiter pleinement du transport fluvial, qui constitue alors une aubaine pour l’expansion de son commerce hors de la capitale. Quelques années plus tard, Louis Vuitton est de nouveau inspiré par l’univers du voyage, devenant ainsi son fer de lance. En parallèle, l’ouverture du canal de Suez offre au créateur une nouvelle clientèle friande de luxe à la française. Les maharadjahs et les rois d’Orient constituent à cette époque la vitrine idéale pour la maison française. La création de la serrure incrochetable en 1886 fera de ces célèbres malles de véritables coffres à trésors. En 1870, Georges, le fils de Louis, développe la griffe à l’étranger. Louis Vuitton prend désormais ses quartiers à Londres, avant de poser ses valises à New York… La suite est une success story sans précédent, un empire - symbole du luxe à la française - chargé d’histoire. Parcours initiatique en deux étapes.
L’atelier d’Asnières, cœur du savoir-faire
Sur la quatrième de couverture de la brique de 3 kg baptisée "Louis Vuitton Manufactures" (éd. Assouline) et consacrée à l’atelier historique du malletier, créé en 1859 à Asnières-sur-Seine, on aperçoit deux jolies filles… Elles apportent les dernières finitions à ce qui deviendra une valise, un coffre ou une malle. Dans un espace baigné de lumière naturelle, l’une d’elles, visiblement fière du travail accompli, ne dissimule pas sa joie : elle gonfle son biceps droit et, bombant la poitrine, maillet en bois à la main, reprend avec conviction et bonheur la célèbre pose de Rosie la riveteuse, figure incontournable de l’histoire des femmes au travail. En cette fin d’été, c’est dans ce même atelier de confection de malles situé non loin de Paris qu’on la retrouve avec son binôme et ses outils de précision. Ici, l’ambiance est jeune, l’humeur sereine ; les gestes sûrs, précis, maîtrisés rythment les journées. Il faut dire que, de tous les ateliers de maroquinerie de Louis Vuitton en France, celui d'Asnières est de loin le plus prestigieux. La manufacture y a été construite à côté de la somptueuse demeure qu'habitaient dès 1878 Louis Vuitton et son épouse, Émilie. C'est là où sont réalisées les malles de voyage, les commandes spéciales et où sont travaillées les peaux exotiques les plus rares, comme celle du crocodile et de l’autruche (pour fabriquer des sacs Capucines ultra exclusifs notamment). Plus de deux cents artisans y travaillent chaque jour. Tout est orchestré minutieusement : il faut couper, coudre au fil jaune, colorer les tranches du cuir, coller, passer une "lissette", une petite raclette en bois sur les malles, leur ajouter des lattes en hêtre, enfoncer entre 500 et 1 000 clous par bagage… "Les commandes spéciales - soit les malles et sacs personnalisés - ont énormément de succès ces dernières années. Tout est possible donc si vous voulez la malle coiffeuse - qui normalement est rose à l’intérieur - en jaune fluo, on la fabriquera spécialement pour vous et il n’y en aura jamais deux les mêmes. Si quelqu’un d’autre la commande, on y ajoutera forcément une variante. Autre exemple : si la FIFA souhaite commander un coffret pour la Coupe du monde, on fera d’abord une réplique en 3D pour la faire valider avant de la fabriquer. La seule chose sur laquelle on ne déroge pas, ce sont les poignées ! Nos malles doivent en posséder pour pouvoir voyager. La seule malle interdite est la malle cercueil. Louis Vuitton accompagne tous les voyages sauf le dernier", précise avec humour la guide chargée de nous faire visiter les lieux. Vu le succès de l’offre sur mesure, Louis Vuitton recrute donc tout le temps de nouveaux artisans et le nombre de ses ateliers ne cesse d’augmenter. "Après un mois de formation, les nouveaux apprentis sont déjà sur le terrain et apprennent sur le tas toutes les étapes du métier de malletier. À la fin du processus, chaque artisan sera responsable de la fabrication d’une malle ou d’un sac de A à Z, sauf pour les plus grands modèles où il travaillera en binôme." En guise de happy end, la visite de la maison et des ateliers aboutit sur une jolie galerie exposant les malles de collection et commandes spéciales les plus originales comme cette malle pour amateurs de champagne dessinée pour tenir dans un coffre de Ferrari… D'autres abritent des collections de montres, de whisky, de cigares mais aussi des trophées, une maison de poupée, des fleurs… "La malle fleurs est iconique. Elle a été créée en 1910 par Georges Vuitton en guise de cadeau. Elle était alors fabriquée en papier mâché. C’est Nicolas Ghesquière qui l’a ressortie en 2014 en version petit coffre à trésor de luxe", précise la guide du musée. Secret du luxe oblige, rien n'est dévoilé sur l'identité des commanditaires ni sur le prix de ces objets. Au mieux, peut-on se faire confirmer que la malle à iPod est bien celle de Karl Lagerfeld ou que la petite niche à chien siglée a été réalisée pour Marc Jacobs. En revanche, on ne saura rien sur ce client qui a commandé sa malle à bières. Ou sur ces milliardaires qui ont fait réaliser des écrins pour y conserver les dents de lait de leurs enfants ou leurs collections de poupées Barbie. Puisque le luxe incite à la légende, on raconte ici qu'un manuscrit caché d'Ernest Hemingway a été retrouvé dans le tiroir d'une malle Vuitton et que l'architecte Pei a fait refaire en catastrophe la clé de sa malle pour y récupérer les plans de la pyramide du Louvre avant de les présenter à François Mitterrand. En effet, toutes les serrures Louis Vuitton étant différentes, il est, depuis la création de ce système à gorges incrochetable, impossible d'ouvrir une malle LV sans la clé correspondant au numéro de sa serrure d'origine. On raconte même que le célèbre prestidigitateur Harry Houdini n’aurait pas osé relever le défi…
Une nouvelle manière de vivre "l’expérience luxe"
Pour une marque de luxe, offrir des expériences "hors cadre" est donc en passe de devenir la norme. Avec les visites du site d’Asnières et l’inauguration de LV Dream, le groupe LVMH ne déroge pas à la règle. Ce dernier, installé au rez-de-chaussée du siège social de la maison, dans un grand bâtiment Art déco, est un lieu hybride entre musée retraçant l’histoire de la maison, boutique et café. Ici, pas de portants de vêtements ou d’étalages de sacs à main griffés mais un parcours à la scénographie soignée (l’entrée est gratuite, mais sur réservation), une boutique de souvenirs et de cadeaux estampillés Louis Vuitton, un café et une chocolaterie, pilotés par le chef pâtissier Maxime Frédéric du Cheval Blanc Paris. Au fil de l’expo du moment, on en apprend plus sur les grandes collaborations artistiques de la maison. Occupant neuf pièces et organisée sur 2 000 m2, cette rétrospective (qui sera remplacée fin novembre par une nouvelle) permet aussi d’admirer des œuvres méconnues de Jeff Koons, de Cindy Sherman ou encore des portraits du fondateur, restés jusqu’ici confidentiels et signés de l’artiste new-yorkais Alex Katz ou encore du Turco-Américain Refik Anadol. Les autres salles donnent à voir une sélection de pièces rares racontant l’histoire de l’évolution du voyage et des grandes explorations. On y voit ainsi la malle-lit pour explorateur produite en 1892 ou encore la chaise pliable de l’architecte d’intérieur Christian Liaigre. Les pièces historiques sont toutes mises en relation avec des créations contemporaines de la maison, qu’elles soient signées Marc Jacobs, Nicolas Ghesquière ou Virgil Abloh, directeur artistique de la ligne homme de 2018 à son décès en 2021. On (re)découvre ainsi le sac de boxe de Karl Lagerfeld, la malle-studio signée de la photographe Cindy Sherman, la Twisted Box, dessinée par l’architecte Frank Gehry - petite malle à la forme étrange et tordue - ou encore les dernières créations homme de Pharrell Williams. LV Dream est donc une expérience exclusive de plus - après la réouverture de la Samaritaine, également propriété du groupe LVMH, en 2021 - dans ce quartier commercial stratégique du 1er arrondissement qui, à deux pas du Musée du Louvre et à quelques encablures de Notre-Dame, est aussi l’un des secteurs les plus touristiques de la ville. Juste en face, le Palace Le Cheval Blanc (lui aussi propriété du groupe LVMH) dont les cartes des restaurants sont signées par de grands noms de la gastronomie, offre une expérience encore différente… "Nous sommes passés d’un luxe statutaire, qui est un luxe de possession, à un luxe expérientiel. Surtout de la part des jeunes générations qui veulent pouvoir vivre des expériences et les partager sur les réseaux sociaux. C’est primordial aujourd’hui pour les marques de proposer des moments exclusifs, accessibles à tous", analyse celle qui se fait appeler la maîtresse de maison et organise les visites de la propriété d’Asnières comme si c’était chez elle. Et d’ajouter : "Car plus que jamais, le luxe, c’est savoir offrir des moments d’exception et mettre des étoiles dans les yeux à ceux qui ont déjà tout."