Raf Simons et Calvin Klein, la fin d'une belle histoire
L'histoire avait pourtant bien commencé. En août 2016, Calvin Klein confirme la nomination du belge Raf Simons à la tête de ses collections homme et femme, et annonce lui laisser le contrôle total sur l'empire américain mondialement connu pour ses jeans et ses sous-vêtements. Pour le groupe PVH, propriétaire de Calvin Klein et de plusieurs autres marques américaines dont Tommy Hilfiger, l'arrivée de Raf Simons est un pari risqué mais qui peut s'avérer gagnant. L'objectif était simple, donner carte blanche au designer belge pour lui permettre de donner un nouveau souffle à la marque américaine. Une façon peut-être de poser les bases d'une success-story à la Gucci là où Alessandro Michela a réussi à réinventer la maison italienne. Tout semblait donc être de bon augure pour démarrer une collaboration que personne n'attendait.
Raf Simons, vu précédemment chez Jil Sander et Dior, a donc complètement revu l'esthétique de Calvin Klein pour en faire quelque chose de de plus pointu tout en conservant l'essence même qui faisait le succès de la marque aux célèbres initiales CK. Moins sexualisé, plus minimaliste, le belge était aprvenu à extirper toute une symbolique de l'Amérique en jouant par exemple avec le vestiaire western. Son dernier défilé était également inspiré du chef-d'oeuvre de Steven Spielberg, Les Dents de la mer. Acclamé par la critique, le travail de Raf Simons chez Calvin Klein avait même amené le designer belge à remporter le Womenswear Award deux années d'affilée en 2017 puis 2018, ainsi que le Menswear Award en 2017, le tout remis par le Conseil des créateurs de mode américains. Une pluie de récompenses pour celui qui avait fait le choix de remplacer Calvin Klein Collection par Calvin Klein 205W39NYC, rendant ainsi hommage à la localisation de la boutique new-yorkaise de Madison Avenue.
Mais y avait-il de l'eau dans le gaz entre le designer belge et la marque américaine ? Récemment, plusieurs indices semblaient pousser dans cette direction et les nouveaux chiffres publiés par PVH, le groupe propriétaire de Calvin Klein, n'ont fait que jeter de l'huile sur le feu de la rumeur d'un départ proche pour Raf Simons. Début decembre, le PDG de PHV, Emanuel Chirico ne cachait pas son mécontentement face aux chiffres de la marque. Trop pointu peut-être, Calvin Klein Jeans n'engrengeait apparement pas assez de bénéfices alors que la ligne 205W39NYC éprouvait des difficultés à décoller. En plus de sa créativité avant-gardiste, Raf Simons avait pourtant fait le choix de travailler avec les masses en embauchant la famille Kardashian pour sa campagne de sous-vêtements et de jeans #MyCalvins. Les chiffres semblaient donc ne pas avoir été au rendez-vous et la rumeur veut que PVH ne voyait pas d'y bon oeil les dépenses élevées injectées dans les campagnes et les défilés du designer belge pour Calvin Klein sans que cela ne permette un retour sur investissement important alors que ce dernier aurait apparement été rapidement rfustré qu'on lui retire progressivement ses ressources créatives.
Il n'est cependant pas difficile de comprendre que ces derniers temps, Calvin Klein préparait progressivement le terrain de sa séparation avec Raf Simons. La dernière campagne datant de novembre, avait par exemple été shootée par Glen Luchford. Un changement radical pour la marque puisque Willy Vanderperre était à l'origine de toutes les campagnes depuis l'arrivée du designer belge en 2016. Le compte Instagram de la marque ne cachait également plus son éloignement progressif de la vision de Raf Simons en postant principalement du contenu repris sur le grand public. Un véritable changement de cap pour Calvin Klein donc, qui a déclaré il a quelques heures que "les deux parties ont décidé à l'amiable de se séparer après que Calvin Klein eut décidé d'une nouvelle direction pour la marque, qui diffère de la vision créative de Simons".
Un divorce déjà consommé dont la première victime devrait être le défilé Calvin Klein de février, d'ores et déjà annulé. Cette séparation brutale met en lumière la difficulté certaine à allier créativité et rentabilité mais une chose est sûre, le passage de Raf Simons chez Calvin Klein restera comme l'un des plus intéressant pour la marque. Et pour la mode américaine.