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Dans les archives de CHANEL : la maille

Puisque le confinement ne doit pas nous empêcher de rêver, nous consacrons une partie de notre plateforme à vous faire découvrir les iconiques de la maison CHANEL. Aujourd'hui, la maille est à l'honneur...
home decor cushion pillow linen

« En inventant le jersey, je libérai le corps, j’abandonnai la taille, je figurai une silhouette neuve », disait Gabrielle Chanel (L’Allure de Chanel, Paul Morand). En effet, c’est avec la maille que la créatrice a libéré les femmes et inventé une nouvelle allure. Souple, fluide, se prêtant à toutes les audaces stylistiques, elle est devenue, sous l’impulsion de Karl Lagerfeld et aujourd’hui de Virginie Viard, un fondamental de la silhouette de Chanel.

Étoffe non tissée, tricotée avec un seul fil dont les différentes mailles s’entrelacent, la maille, et plus particulièrement le jersey, est la matière première fondatrice de l’ADN de Chanel. Maille de coton, de soie, ou encore de laine, il en existe de nombreux types. Pragmatique, radicale, Mademoiselle Chanel ne vit que pour exprimer son temps. Obsédée par la liberté de mouvement, elle rejette l’ornement au profit de la ligne et stigmatise l’allure contrainte des femmes. Subversive, elle impose sa différence : c’est avec la maille qu’elle va révolutionner la mode.

Gabrielle Chanel découvre le jersey avec Arthur Capel, surnommé Boy Capel, un homme d’affaires anglais et le grand amour de sa vie. Elle lui emprunte ses cardigans et en expérimente le confort. À Deauville, où elle ouvre une boutique en 1912, elle remarque les marinières des pêcheurs en jersey, et choisit de tailler des vêtements dans cette matière « pauvre », jusqu’ici réservée aux sous- vêtements masculins et aux tee-shirts de marins. Dès 1913, elle décline ainsi en jersey blouses, marinières, ensembles et tailleurs souples : simplement noués d’une ceinture aux hanches, ils effacent le buste, la cambrure et n’emprisonnent pas la taille. Faciles à porter, épousant les mouvements du corps, revendiquant un ourlet écourté, ces vêtements sont un manifeste pour la liberté. « Il faut pouvoir se baisser, jouer au golf, mettre ses chaussures », disait-elle. La maille est pour la créatrice l’expression d’une vision : l’adéquation parfaite entre le corps, une coupe et un mode de vie.

Avec ces nouveaux modèles de Chanel, le jersey devient une matière luxueuse et féminine. Le geste est provocateur en ce début de XXe siècle – un début de siècle qui cristallise toutes les avant- gardes et s'inscrit dans la démarche de rupture de Gabrielle Chanel : la presse cautionne. Dès 1914, le Women's Wear Daily adoube sa démarche révolutionnaire : « Gabrielle Chanel propose des sweaters extrêmement intéressants et innovants. Ils sont en jersey de laine... Et nous leur prédisons un grand avenir ». En 1916, le Vogue américain écrit : « Chanel a une maîtrise absolue de son art, et son art s’appelle jersey ». En 1923, Vogue France résume ainsi sa réussite : « Mademoiselle Chanel découvrit le jersey de laine, tissu que personne n’utilisait [...] Ces robes qui répondaient si bien aux besoins du moment et qui donnaient une allure si jeune à celles qui les portaient, valurent à leur créatrice une renommée universelle ». En 1928, Gabrielle Chanel marque sa volonté de maîtriser la production de ses créations et crée, à Asnières, la société Tricots Chanel, garante de tissus exclusifs et de qualité. Le dessinateur russe Ilia Zdanévitch, dit Iliazd, imagine, à la demande de Gabrielle Chanel, des motifs géométriques et graphiques inspirés des artistes de l’avant-garde russe, conçus en fonction de la géométrie des plis et des mouvements du corps.

Gabrielle Chanel crée d'abord pour elle-même : « J’ai inventé le costume de sport pour moi, non parce que les autres femmes faisaient du sport mais parce que j’en faisais » (L’Allure de Chanel, Paul Morand). Dans les années 1920-1930, elle s’inspire de son propre mode de vie, parties de chasse, de pêche ou croisières avec le duc de Westminster et crée des sweaters en cachemire, des tailleurs en jersey, des cardigans inspirés des tricots de l’île écossaise Fair Isle, des petits pulls fins, portés sur des pantalons d’homme qu’elle arbore avec le plus grand naturel. Comme l’écrit Harper’s Bazaar en 1933 : « Chanel débuta sa magistrale affaire en vendant des tricots anglais à des parisiennes. Elle est celle qui a donné aux femmes la liberté de porter pulls et cardigans réservés jusqu’ici aux hommes, une mode qui a conquis tout le pays depuis dix ans. »

C’est aussi avec la maille qu’elle impose une autre révolution, artistique cette fois. Proche des artistes de son époque, Gabrielle Chanel met son audace et sa vision au service de la danse : elle signe en 1924 les costumes du ballet Le Train bleu, produit par les Ballets russes de Serge Diaghilev. Le livret est signé Jean Cocteau, la musique est de Darius Milhaud, le rideau d’avant-scène et le programme de Pablo Picasso. La créatrice imagine pour ce ballet des costumes de sport, et notamment des maillots de bain en maille, totalement contemporains, qui auraient pu être portés dans la réalité. Dans l’univers compassé de la danse, ses silhouettes de baigneurs, de golfeurs et de joueurs de tennis sont une révolution. Deux de ces costumes sont d’ailleurs conservés au Victoria & Albert Museum de Londres.

La créatrice, à travers la maille, revendiquait le confort et la liberté de mouvement, et a posé les nouveaux fondements d’une silhouette. Karl Lagerfeld et Virginie Viard ont continué d’accompagner les envies des femmes, et réinventé grâce à la richesse d’expression de cette matière, un vestiaire chic et contemporain, en phase avec l’époque. « La maille est facile à porter. Elle se marie avec tout », disait Karl Lagerfeld.

La maille est présente dans toutes les collections de la Maison. Elle est un élément essentiel du vestiaire de Chanel : sa palette n’a pas de limites pour la création, et sa souplesse signe chaque silhouette de cette élégance si contemporaine. Vestes, manteaux, pantalons, tops, marinières, robes... Aucun registre ne lui est interdit, et ses déclinaisons sont infinies : mailles de jersey de coton ou de soie, de cachemire ou de laine torsadées, ajourées, rayées ou bicolores, gansées ou soulignées de tweed. Chaque saison, ses proportions sont réinventées, longueur mini ou XXL, carrure épaulée ou souplement arrondie, manches floues ou appuyées : la maille se décline dans toutes ses possibilités. Un long cardigan ou une robe légère signent une allure nonchalante, une brassière ou un twin-set se portent avec un pantalon fluide ou une jupe, un ensemble gansé en maille est un clin d’œil au célèbre tailleur de tweed, une robe du soir de maille ajourée ou brodée joue l’extrême sophistication...

Pour la collection des Métiers d’art 2019/20 Paris – 31 rue Cambon, Virginie Viard a réinterprété le célèbre cardigan en cachemire bicolore de Chanel dans de multiples nuances, du corail à l’abricot en passant par le fuchsia. Décliné dans une version manches courtes, il se porte sur une longue jupe plissée, sous un tailleur de tweed ou encore sur une jupe boutonnée et un minishort assortis. Des brassières en maille bicolore s’associent quant à elles à une jupe taille basse ou à un pantalon en tweed. Soulignés de galons, de poches et d’un col rond identifiables au premier regard, un ensemble noir et blanc et une veste trompe-l’œil en maille pied-de-poule multicolore revisitent le tailleur iconique. Autre code emblématique de Chanel, le motif matelassé se dessine sur un ensemble pull et jupe et une combinaison-pantalon en laine ponctuée de fils métallisés. Tel un clin d’œil au 31 rue Cambon, l’adresse historique de la Maison s’affiche sur un pull orné d’une multitude de camélias réalisés par la Maison Lemarié.

À l’occasion du défilé Prêt-à-Porter Automne-Hiver 2020/21, Virginie Viard a imaginé des pulls ornés d’une croix oversized multicolore évoquant les bijoux d’inspiration byzantine chers à Gabrielle Chanel. Cette saison, le cardigan se décline dans une version graphique qui associe le fuchsia, le camel et le bleu. Une fine chaînette de laiton doré se glisse entre les mailles d’un pull en maille texturée, orné de boutons-pression. Véritable signature de la collection, ces derniers illuminent également les manches d’un pull col rond en maille côtelée, à la taille délicatement marquée, et les épaules d’une petite robe bicolore noire et blanche. Enfin, un cardigan en cachemire noir à col châle, aux épaules arrondies et aux manches légèrement coudées, réchauffe un top et un minishort à l’allure à la fois confortable et audacieuse.

Tantôt vibrante de couleurs, tantôt d’une sobriété minimale et graphique, la maille vit au fil des collections de Chanel. Elle est la quintessence de l’esprit qui signe chaque silhouette de la Maison et fait vivre chaque saison une allure faite de sophistication et d’épure, d’audace et de subtilité.

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