Un Londres-New York avec Marcus Wainwright
Rares sont les designers n’ayant eu, au commencement, aucune attirance pour la mode et ses paillettes. C’est pourtant le cas de Marcus Wainwright, fondateur de Rag&Bone, pour qui tout a commencé alors qu’il était sans emploi et qu’il voulait simplement se faire faire un jean. « Je ne fais pas de la mode, je crée des vêtements » explique-t-il. 15 ans après, une ligne femme et une ligne homme en plus, le label est l’un des plus respectés lorsqu’on parle d’easywearing et de style aussi cool qu’urbain. Mais le talent du britannique ne s’arrête pas là. Businessman visionnaire, il aspire à changer radicalement le mode de fonctionnement de sa marque en termes de communication, de marketing, barrant ainsi la route au fonctionnement presque sectaire des poids lourds de la galaxie luxe : exit les défilés, les campagnes de pub, l’essentiel est de se concentrer sur la qualité des pièces et la satisfaction du client. Car on ne bâtit pas le futur en restant tourné vers le passé.
Manger un plat de pâtes ?
Je pense définitivement qu’il y a de très bons italiens à New York. J’habite à Brooklyn, dans un vieux quartier italien où traîne la mafia. Ils font des pâtes exceptionnelles, surtout juste en face de chez moi.
Rafraîchir sa garde robe ?
J’adore faire du shopping à Londres, surtout à Soho, où se trouve la dernière boutique Rag&Bone, Saint James et Jermyn Street pour les tailleurs. J’aime cette idée d’illustre maison britannique, et leur philosophie de fabrication, qui relève presque de l’artisanat. C’est quelque chose que j’essaye d’appliquer chez Rag&Bone. Il n’y a pas de branding, ce sont seulement des vêtements. A New-York, je n’ai pas vraiment le temps ni l’envie d’aller dans les boutiques. Surtout que je n’achète pas de vêtements dans d’autres marques, le problème est donc résolu.
Passer un weekend ?
New York ! J’ai une famille, dont trois enfants. Je les amène parfois à Londres, mais la plupart du temps nous partons le week-end à Long Island. La météo est beaucoup plus agréable là-bas.
Boire un verre ?
Londres, of course. J’aime beaucoup le Connaught, où vous pouvez me trouver assez souvent, mais surtout les pubs. Je suis arrivé hier soir, et tout le monde y était, en terrasse. En France vous avez la culture des terrasses, ici les anglais ont la passion du rassemblement au pub, commencent à 15h et vont se coucher à 22h30. New-York n’a pas ça, vous ne verrez jamais des new-yorkais se tenir debout sur le trottoir avec leurs verres.
Assister à un défilé homme ?
C’est une question compliquée. Je pense que cela dépend de ce que vous entendez par mode masculine. C’est un secteur en pleine révolution. Les influences sportswear, les maisons de luxe qui deviennent plus street que les labels pointus, ont autant pris le monopole de l’homme à Londres qu’à New York. La sensibilité du londonien face à la mode est différente de celle du new-yorkais, j’aime certains aspects de chacune de leurs personnalités. Mais Londres laisse plus de chance aux petits labels émergents, il y a une liberté esthétique plus flagrante que sur la côte Est des US.
La météo ?
New York, sans hésiter une seconde. J’ai quitté Londres pour seulement deux raisons : le traffic et la météo. J’ai atterri hier à Heathrow, le ciel était gris, et nous avons été coincé dans les embouteillages jusqu’à l’hôtel. Welcome back !
Réussir professionnellement ?
Je pense que les new-yorkais sont plus ouverts en terme de business. Si j’étais resté à Londres, monter Rag&Bone sans avoir aucune expérience dans la mode, la création ou l’industrie textile aurait été impossible. Il n’y aurait eu aucun soutien de la part de quiconque, parce que la mentalité britannique n’est pas entrepreneur-friendly mon avis. Aux Etats-Unis, n’importe qui peut être entrepreneur et parvenir à ses fins.
Voter pour un nouveau président ?
Je n’ai pas beaucoup suivi la politique au Royaume Uni depuis mon départ. J’avais étudié les systèmes politiques anglais et américains à l’école, et les deux se valent en terme de médiocrité. Aucun des deux ne fonctionne, c’est terrible. Cela a changé beaucoup de choses, notamment avec l’élection de Trump. J’ai l’impression d’être dans une télé-réalité géante, du genre « Keeping Up With The Kardashians » : on sait que c’est bête, réducteur, mais on ne peut pas s’empêcher de le regarder. C’est une sorte d’addiction malsaine. A Londres, c’est beaucoup moins excitant. Theresa May me donne des envies de dépression. Mais la situation géo-politique est la même dans le monde entier, parallèlement à la mutation du monde de la mode. C’est terrifiant mais grisant, on a envie de savoir ce qu'il va se passer.
Rag & Bone, 50-54 Beak Street, London, www.rag-bone.com