Hommes

SebastiAn vu par son entourage

Familiers, collaborateurs et amis, ils racontent leur SebastiAn, sa façon de travailler, ce qui fait sa signature et ses petites manies de musicien.
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...par Gaspar Noé
Cinéaste. Auteur du clip de Thirst (2019). Va ressortir une version d’Irréversible dans un montage inédit.

 

Quel genre de partenaire de travail est-il?
Le partenaire idéal : ultra-inspiré, travailleur et très drôle.

C’est un cliché, une paresse de journaliste, de dire que telle musique est cinématographique, la BO d’un film imaginaire... Mais il y a chez lui une puissance narrative qui rend son association avec le cinéma naturelle, le voyez-vous aller plus souvent dans cette direction?
Je le confirme. On peut écouter ses disques comme on regarde un film.

Un souvenir, une anecdote à partager?
Un samedi près de l’Opéra, on s’est croisés dans la rue alors qu’une manif dégénérait et que des black blocs cassaient tout sur leur passage. On les regardait avant de réaliser que nous étions tous deux habillés en noir, comme d’hab, des pieds à la tête. Quand les CRS ont commencé à charger, on s’est dit en riant qu’il valait mieux ne pas trop s’attarder. Même le week-end, il y a toujours un disque ou un film à finir, non?

 

...par Noël Akchoté
Frère de, guitariste, prépare actuellement une BO de film pour un documentaire sur l’écrivain Patricia Highsmith, enregistrée avec les guitaristes Mary Halvorson et Bill Frisell.

L’Officiel Hommes: Comment s’est faite l’éducation musicale de SebastiAn?
Noël Akchoté : Très franchement, ça reste un peu un mystère pour moi, par ma pratique il a certainement rencontré et écoute beaucoup de musiques assez différentes (de Van Dyke Parks à Fennesz, du label électronique Mego à Philip Catherine, le guitariste). Je me sou- viens par exemple d’un dîner après le concert Purple Institute à Beaubourg où Sébastien a pu rencontrer Luc Ferrari, mais dans son parcours on retrouve beaucoup d’autres musiques (du rap en particulier). J’ai tou- jours écouté sérieusement de tout sans cher- cher à classer ni juger, passant de Schönberg à King Tubby ou Lady Gaga avec la même attention. Cela a-t-il eu une influence sur lui ? Nos pratiques sont assez différentes: je suis instrumentiste avant tout et lui compositeur- producteur même s’il y a plein de passerelles possibles. Longtemps, je n’ai pas su qu’il fai- sait de la musique, c’était un peu secret. Dans mon souvenir, il dessinait surtout. Bref, nous n’avons jamais été comme certaines célèbres fratries du jazz (les Adderley, Heath, Brecker, etc.), mais ça pourrait arriver un jour, je le souhaite même, ce serait drôle.

Est-il toujours curieux de sons, de découvertes ?
Son parcours prouve qu’il est en recherche de rencontres, de duos et donc de sons pour les accompagner. Et comme dans chaque milieu aussi la demande est forte de vous voir refaire toujours la même chose. La musique a une dimension fonctionnelle et sociale très forte, presque première (au départ liée aux messes et aux protocoles de la royauté, puis pensée comme un accompagnement de chaque évé- nement d’une vie). Avec l’électro, je vois plus un processus qu’un genre (le dancefloor n’est qu’un emploi possible, pas du tout le seul), donc, forcément, je le crois de plus en plus demandeur de découvertes à l’avenir. Une car- rière, c’est long et c’est dans cette distance de plusieurs décennies que les choses se révèlent et arrivent.

Le voyez-vous sortir du genre (électro, pour aller vite) pour en explorer d’autres?
Paradoxalement, je ne le vois pas comme électro... Bien sûr, c’est une évidence qu’il en fait aussi, mais il ne se réduit pas du tout aux fonctions de l’électro au sens commun (party tonight!), d’autant plus qu’il se tient à l’orée du genre, il est en face de tous les autres mondes musicaux. Et pour répondre simplement à votre question: oui, je le vois faire beaucoup d’autres choses très bientôt.

Qu’est-ce qui vous étonne/impressionne le plus dans sa démarche musicale ?
La face compositeur, grand organisateur d’un tout, chef d’orchestre ou architecte, vague- ment démiurge (et que je n’ai absolument pas).

...par Charlotte Gainsbourg
dont l’album Rest, en 2017, a été produit par SebastiAn.

L’Officiel Hommes: Qui est SebastiAn pour vous?
Charlotte Gainsbourg : SebastiAn est quelqu’un d’aussi timide que moi. Ça a rendu nos premiers rapports un peu compliqués... mais drôles ! Aujourd’hui, je me sens si proche. Artistiquement, j’ai la sensation qu’il a tout pigé de moi, de mes envies et qu’on est souvent, voire toujours, sur la même longueur d’onde.
J’aime son esprit en plus. Ses références. J’aime son côté slave. Son talent évidemment. Il est mystérieux. Il travaille seul dans son studio. Et en gros, je suis en attente de ce qu’il voudra bien me donner. Mais ça rend la partie excitante et pleine de surprises.
J’ai eu récemment le plaisir de le voir aussi sur scène et j’adore ce qu’il fait seul avec ses machines, ses lumières. Son emphase me sort de moi-même et de mes habitudes. J’adore voir la transe dans laquelle il met son public !

Avez-vous une anecdote?
Une anecdote qui n’en est pas vraiment une. C’est juste la séance de travail avec Paul McCartney à New York où nous étions tous les deux hallucinés d’être dans le même studio que lui, de nous adresser à lui, de l’écouter. On ne se regardait pas... je pense qu’on aurait eu le même sourire hébété.

...par Philippe Katerine
qui vient de faire paraître l’excellent Confessions (Wagram Music/Cinq7)

L’Officiel Hommes : Quel genre de partenaire musical est SebastiAn?
Philippe Katerine : Pour Magnum (album produit en 2014 par SebastiAn), les instrus qu’il m’envoyait dégageaient une telle puissance, une telle tension sexuelle que j’appréhendais toujours un peu de me rendre dans son appartement- studio pour enregistrer mes parties vocales... NRJ12 sans le son, un gros chat rempli d’amour, un gros ordinateur mal entretenu (c’est “le son SebastiAn”), un poster Hara Kiri aux toilettes, beaucoup de bières et de tabac (on est en 2013) et SebastiAn, maître en ces lieux et malicieux, toujours gracieux sous ses habits noirs.

Un peu plus tard, j’ai découvert les chansons qu’il avait samplées pour le disque que nous avions enregistré: des morceaux obscurs, datant de la fin des années 70 et du début des années 80, du disco vide et mou, et la comparaison avec ce qu’il en a fait est probante. Il en a fait des morceaux vibrants, intenses, et toujours un peu dangereux, ce qui expliquait mon impatiente excitation à la réception de ses sons. Je me demandais si cet ordinateur mal entretenu était le secret du son SebastiAn... Il est me disait “oui, c’est ça”, mais à l’écoute de Thirst, enregistré dans un ordinateur “tout neuf” m’a-t-il dit, je constate que ça sonne toujours aussi sauvage... Donc, suivez mon regard, c’est le grand SebastiAn.

...par Pedro Winter
patron de Ed Banger Records, qui produit les disques de SebastiAn

L’Officiel Hommes : Quelles ont été vos premières impressions sur SebastiAn, sa personnalité, sa musique ?
Pedro Winter: Sa musique est une extension de son âme. Lui qui est plutôt introverti, ses productions sont ravageuses, puissantes et baroques. Dernière son masque de Ian Curtis, il y a quelqu’un de sensible finalement. Ce grand écart entre brutalité et mélancolie rend SebastiAn unique et précieux dans la famille Ed Banger.

En découvrant Thirst, qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?
J’ai suivi la production de ce disque pen- dant trois ans. Ses rencontres avec Charlotte Gainsbourg et Frank Ocean ont laissé des traces, comme une preuve de sa sensibilité et de sa capacité à laisser parler ses émotions à travers sa musique. Un contraste par rapport à son premier album qui était tourné vers une vision de la club music contemporaine.

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