Hommes

Raffaello Napoleone : "L'ensemble du système mode est en mutation"

Pape du bien penser masculin, avant-gardiste dans la tendance, Raffaello Napoleone est l'homme le plus influent d'Italie lorsque l'on parle menswear. En ces temps troubles pour le marché, le président du Pitti Uomo nous décode le profond changement que subit le mercato mode.
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En quoi le Pitti Uomo #93 est différent de ses précédentes éditions ? 

Car le marché n’est pas du tout le même. Le Pitti Uomo est le miroir de ce qui se passe sur le marché, c’est pour cela que nous cherchons à détecter ce qui va se passer à l’avance. Nous avons lancé des projets, monté des stratégies, que l’on pense être utiles pour le salon. 

 

Le marché de l’homme est-il aujourd’hui en pleine révolution ? 

Pas seulement le marché de la mode masculine : tous les marchés en général. Et pas que dans la mode. Le secteur automobile subit lui aussi de grandes mutations, avec par exemple l’arrivée de l’auto électrique qui apporte un changement majeur dans l’industrie. Les années à venir seront des années charnières dans tous les domaines, et pas seulement liés au digital. C’est une incitation générale au mouvement, et le vrai changement passe par la vitesse. Cette nouvelle vitesse touche la mode, en terme de créativité, de production et de livraison, où tout doit être plus rapide, plus optimisé. 

 

Que pensez-vous du tournant « street » que prend la jeune création italienne ? 

Depuis deux saisons, cette tendance s’est effectivement généralisée aux jeunes créateurs que nous avons invités au Pitti, tels Magliani ou M1992. Cela existe depuis pas mal de temps, mais aujourd’hui, les grandes marques telles Balenciaga ou Gucci ont adopté cet esprit plus underground, devancées par Gosha Rubchinskyi qui a été le précurseur de ce retour au sportswear. Les sneakers par exemple, qui n’étaient alors réservées qu’aux équipementiers comme Adidas ou Nike, sont devenues aujourd’hui des incontournables pour toute maison de luxe ou haut de gamme. En juin dernier, Christian Louboutin a lancé sa ligne de sneakers ici, sur la Piazza Santa Maria Novella, très techniques et performantes. 

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Le rôle du Pitti Uomo est donc de promouvoir cette vague ? 

Le Pitti Uomo a toujours été un miroir très clair, présélectionné et international de ce qui se passe sur le marché. Un incubateur de talents. Nous avons toujours essayé d’être un demi-pas en amont de la tendance, l’amorcer plus que la suivre. Les équipes du Pitti Uomo voyagent beaucoup, nous voyons beaucoup de collections, observons les gens dans la rue dans les plus grandes villes du monde afin de comprendre ce que va être le « what’s next ». Aujourd’hui, le consommateur masculin préfère le vêtement contemporain, formel mais urbain, de bonne facture qu’il pourra garder plusieurs saisons de suite. 

 

Le Pitti Uomo va-t-il détrôner la semaine de la mode homme milanaise ? 

Le Pitti Uomo et la Milan Men’s Fashion Week ont deux rôles complémentaires. L’Italie joue un rôle de référence durant 8 jours, où le Pitti Uomo remplit sa mission et la Men’s Fashion Week de Milan la sienne. Le vrai problème n’est pas Milan, mais les nouvelles réflexions par rapport à la présentation des collections. La mixité des défilés par exemple. C’est là le coeur du problème, qui demande un profond changement à cause d’un système de Fashion Week qui à mon avis est en train de changer de rôle, peu importe la ville. Même Paris, où beaucoup de choses se passent cette année, devra se pencher sur la chose de manière très attentive. La NY Fashion Week a d’ailleurs été un cas d’école, prouvant que même avec presque 100 défilés, les plus grands noms préfèrent partir du calendrier new-yorkais pour expérimenter quelque chose de nouveau à Paris, Londres ou Milan. C’est l’ensemble du système qui subit une mutation, et pas seulement l’Italie.

 

A quoi sert une Fashion Week en 2018 ? 

Elles ont un rôle de communication avant tout, et une vocation à vendre également. Juste après les défilés, les clients concluent les commandes qu’ils ont commencées deux mois auparavant. 

 

A terme, les Fashion Weeks masculine et féminine vont-elles fusionner ? 

Je n’en ai aucune idée. Si c’est le cas, on perdrait une occasion de communiquer sur l’homme. En plus, les défilés mixtes ont toujours un peu pénalisé l’homme. Evidemment, la mode femme est plus théâtrale, brillante que la mode masculine, mais c’est un tort de la privilégier sans laisser la mode homme s’exprimer de son propre chef. 

 

Vos projets pour le Pitti Uomo ? 

Continuer dans cette direction, affirmer ce parcours de recherche, d’internationalisation, tout en restant une plateforme de référence pour le lancement de nouveaux projets en utilisant avec respect et intelligence la ville de Florence.

 

www.pittimagine.com

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