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Chez Dior, Kim Jones plonge dans les archives femme pour sa collection masculine

En redonnant vie aux archives femme de Christian Dior, Kim Jones signe l’une de ses plus belles collections masculines. En conciliant codes tailleur et sportswear, il réussit le tour de force de détourner les pièces mythiques de la maison, telle la veste Bar dont la réalisation reste une prouesse technique.

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“La Conversation”. Avec un article défini qui pourrait presque s’écrire en majuscules, tant c’était celle de la saison ! De même qu’il eût été presque possible de remplacer “conversation” par “collaboration”, si Christian Dior avait été encore de ce monde. Car cet intitulé du défilé Collection Homme, Dior de l’hiver 2022-23 résume parfaitement l’état d’esprit de son directeur artistique Kim Jones. Adepte du dialogue créatif (il signait encore récemment à quatre mains un défilé californien avec Eli Russell Linnetz, fondateur de la marque ERL), le designer vedette de LVMH n’a pas son pareil pour faire cohabiter les énergies. Pour les 75 ans de la maison de couture de l’avenue Montaigne, il a choisi de mettre en avant l’héritage légué par son fondateur, en reprenant et détournant de façon magistrale certains de ses codes esthétiques les plus emblématiques. “Ce que je garde toujours en tête lors du processus de création, explique-t-il, c’est l’élégance de la couture. Avec cela comme repère, je fouille dans les archives et commence une collection.” Un grand écart entre deux époques, deux mondes, deux genres, où les délicatesses de l’atelier tailleur viennent tutoyer les références sportswear dans un savant jeu d’équilibre et avec une contemporanéité triomphante. Histoire de montrer que la mode est avant tout faite pour être vivante, en mouvement perpétuel. “Je me suis inspiré des archives, de la pureté des débuts de la Maison, de son élan originel. Nous nous sommes penchés sur les premières collections et nous nous sommes concentrés sur l’architecture, en transformant les pièces presque instinctivement de manière ma- sculine et moderne, en gardant toujours cette joie de vivre qui est au cœur des créations de Christian Dior.” Et ce qu’il ne dit pas ici, utile à rappeler même si cela semble pour lui évident, pour ne pas dire normal, c’est que ces premières collections étaient exclusivement féminines. Au paroxysme de la féminité, puisque ce sont elles qui, en 1947, ont sonné la fin de l’austérité d’après-guerre et le lancement de la révolution New Look. Aujourd’hui, chacune de ces références emblématiques passe de l’autre côté du miroir et vit une seconde jeunesse, avec une aisance déconcertante. À commencer par la veste Bar, dont la construction mérite un détour par les ateliers.

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La veste Bar tient son galbe d’une des deux lignes lancées à l’époque par Christian Dior, baptisée Corolle, et reconnaissable entre mille à son jeu de volumes assuré par l’association d’une jupe ample et d’une veste aux épaules douces mais à la taille marquée de basques accentuant les hanches. Référence en matière de tailoring, cette veste a traversé les décennies du 30 avenue Montaigne et reste caractéristique du travail d’expertise technique de ses ateliers, consistant à effacer les coutures par un jeu de construction fait main. Deux tiers de siècle plus tard, Kim Jones la repense dans sa version masculine, sans rien lui faire perdre de sa sensualité, en laissant bien visible le jeu de coutures brutes et contrastantes, histoire d’y apposer sa signature, qui vient souligner le travail de découpe et l’ajout de crin utilisé traditionnellement pour le volume du galbe. Des courbes caractéristiques que l’on retrouve sur d’autres pièces de la collection, un manteau long, une veste en cuir... “C’est la première fois que je travaille avec de véritables ateliers, dont un exclusivement dédié aux collections homme, et c’est unique à Paris, souligne le créateur. Ici, on dispose d’un savoir-faire exceptionnel, dont naissent des créations qui se démarquent vraiment de celles de nos concurrents. C’est une Maison très différente des autres, où l’on pense ‘couture’.” Et bien au-delà de la veste Bar, d’autres clins d’œil au travail de Christian Dior animent toute la collection : les couleurs d’abord, dont la palette rappelle la maison d’enfance du couturier à Granville, comme le bleu, le rose pastel et surtout ce gris Trianon, parfois appelé gris Montaigne, qu’il avait, dès 1947, fait sien pour la réfection de l’hôtel particulier de l’avenue Montaigne, et qui est resté depuis. Les imprimés ensuite, comme le léopard, le muguet, le cannage, et même l’effigie de Bobby, le chien du couturier-fondateur, que l’on retrouve sur un pull, des chemises et caleçons. Autant de signes du passé revisité par Kim Jones, bousculé de références actuelles, comme ces sandales Dior by Birkenstock inspirées des images de Monsieur Dior jardinant au domaine de La Colle Noire, sa villégiature de l’arrière-pays varois.

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Nul doute que l’on touche ici à cette alchimie générationnelle si difficile à trouver, et dont Kim Jones est un des rares à avoir le secret. “Je suis convaincu que les jeunes veulent apprendre du passé. Je continuerai à respecter l ’histoire et l ’esprit de Dior, cultivé au fil des décennies, tout en créant des choses à ma façon qui intéresseront les gens. Dior est toujours très moderne quand on regarde les pièces d’archives. C’est probablement pour cela qu’il est toujours là, et si important.”

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