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Avec "LIBRE", Lucas Bravo prouve qu'il est bien plus que le chef d’"Emily in Paris"

A l’affiche de "LIBRE", le nouveau film de Mélanie Laurent, Lucas Bravo incarne magistralement le tristement célèbre braqueur français Bruno Sulak. L’occasion pour l’acteur de nous parler de la profondeur du rôle, de sa préparation et de la quête de liberté qui fait écho à la sienne.

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Lucas Bravo dévoile une toute autre facette de son talent dans LIBRE, le nouveau film de Mélanie Laurent, disponible le 1er novembre sur Prime Video. Connu du grand public pour son rôle de chef romantique dans Emily in Paris, l’acteur incarne ici Bruno Sulak, le braqueur français aussi charismatique que controversé. À travers ce rôle intense, Lucas Bravo explore la dualité entre rébellion et humanité, tout en rendant hommage à une figure marquante de l'histoire criminelle française. Dans cette interview, il partage ses réflexions sur la transformation nécessaire pour interpréter ce "gentleman braqueur" et les défis d'un rôle qui redéfinit sa carrière.

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Libre – Bande-Annonce | Prime Video

Comment jouer un personnage inspiré d'une personne réelle, surtout une figure aussi controversée que Bruno Sulak, a-t-il influencé votre manière d'aborder ce rôle ?

C’est Mélanie qui m’a beaucoup guidé. Elle m’a donné sa confiance dès le début. Je ne savais pas si j’étais capable de tenir un premier rôle, mais elle m’a montré que c’était possible. Elle m’a donné les clés, elle m’a filmée avec amour, de très près. Elle m’a placée dans un univers minimaliste, nuancé.

Pour le rôle de Bruno, j’ai fait des recherches et j’ai rencontré Moréas en personne. Il m’a donné des enregistrements de sa voix, de leurs conversations téléphoniques. Il écrivait aussi de la poésie, dans un magazine de prison appelé “L’Autre Journal.” Son amour des mots m’a beaucoup touché, et je me suis connecté à cette passion. J’ai cherché des similarités entre nous pour ouvrir des portes d’entrée vers ce personnage.

J’ai trouvé des points communs, comme mon amour de l’écriture et la précision des mots. En français, nous avons quinze façons de dire une même chose, ce qui permet une richesse d’expression que j’aime particulièrement. Il y avait aussi cet aspect caméléon : j’ai beaucoup déménagé étant enfant, et chaque personne de l’entourage de Bruno semblait parler de lui d’une façon différente, comme s’ils ne le connaissaient pas vraiment. Ce côté caméléon a été ma porte d’entrée vers le personnage.

De lui, j’ai gardé son sens des valeurs, son intelligence, son intégrité, le fait de tenir sa parole, ses principes. Ce sont des valeurs qui, je trouve, se perdent avec les générations à venir, sous l’influence de la société. Pendant un an, être sûr de moi et tenir parole m’a fait du bien, et cela a même influencé mes amis autour de moi. J’ai remarqué qu’ils appréciaient avoir quelqu’un sur qui compter, plutôt que cette attitude parfois volatile qu’on peut voir à Paris.

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© Prime Video

Comment la réalisation de Mélanie Laurent a influencé la manière dont vous avez incarné ce personnage, surtout en considérant son style très visuel et intimiste ?

J’ai adoré. Je me suis toujours senti comme ça, mais j’avais l’habitude de tourner de manière très large, où il faut en faire un peu plus. Dans ces moments-là, j’ai tendance à être faux, et cela demande beaucoup de travail. Là, Mélanie a filmé l’intime, la porcelaine ; c’est sa façon de faire, son regard, qui font toute la différence.

 

Quelle a été la partie la plus difficile pour retranscrire l'humanité et la complexité de Bruno Sulak à l'écran ?

Ce qui était un peu complexe, c’était de rendre le personnage charmant sans qu’il paraisse narquois, présomptueux, ou agaçant. Il avait un charme naturel, presque involontaire, je pense. Il dégageait une douceur, une poésie, un regard sur le monde vraiment organique. L’autre dualité à explorer était de montrer son côté dangereux, son statut de bandit. C’est Mélanie qui m’a dit : “Bon, c’est bon, ça va, on a vu que tu maîtrisais le côté charme, maintenant, montre-nous le danger.” La scène du supermarché a été décisive pour cela.

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© Prime Video

Comment vous êtes-vous préparé pour les scènes de braquage, qui nécessitent à la fois tension et précision ?

Je me suis dit que j’allais puiser dans mes expériences personnelles, dans des frustrations, dans des souvenirs d’enfance. J’ai cherché à faire ressortir cette noirceur pour voir comment elle se traduisait à l’image. Après deux ou trois prises, on a trouvé une ligne directrice : il ne fallait pas qu’il exprime de la rage, mais il devait y avoir dans son regard une forme de danger, une certaine attitude.

On a jonglé entre cette intensité et son charme poétique, contemplatif. On a trouvé cette petite pulsation, cette énergie particulière. C’est surtout grâce à Mélanie ; moi, je l’ai suivie.

 

Est-ce que vous considérez ce personnage comme un héros, un anti-héros, ou un simple homme essayant de trouver sa place dans un monde complexe ?

Je ne pense pas qu’il cherche à trouver sa place. C’est plutôt quelqu’un qui refuse de se soumettre à un ordre établi qu’il considère comme injuste et erroné. Nous sommes dans les années 80, avec l’émergence du capitalisme, des grandes marques, des supermarchés. Très tôt, il sent que ce modèle crée des séparations, des structures sans visage, inaccessibles et impersonnelles. Fort de ses principes, de ses valeurs et de son amour pour les gens, il ne supporte pas cette évolution.

Il développe un sentiment d’injustice, surtout après l’épisode de son saut en parachute : il n’est validé que s’il accepte de résigner pour cinq ans dans la Légion étrangère, chose qu’il refuse. Il retourne alors chez ses parents, mais, après avoir manqué son bateau de retour entre Marseille et la Corse, il est déclaré déserteur. Cette injustice éclate en lui, et il comprend alors que le système est biaisé. Lui, qui se tient à des règles strictes de respect, de principes et de valeurs, ne supporte pas l’idée d’évoluer dans un système aussi tordu.

Il commence alors à appliquer ses propres règles. Il entraîne les gens avec lui, et c’est pour cela qu’il se déguise, qu’il braque deux fois la même bijouterie en une semaine à Genève. Il veut que les gens voient en lui quelque chose d’un peu amusant, un peu vivant. C’est sa manière de communiquer. C’est aussi pour cela qu’il déchirait les chèques lorsqu’il braquait des supermarchés, afin d’offrir les repas aux gens.

© Prime Video

Après le succès international de "Emily in Paris", quels critères vous poussent à choisir un nouveau rôle ? Est-ce que vous cherchez activement à vous éloigner de l'image de Gabriel ?

Non, je ne cherche pas activement à m’éloigner de cette image, parce que je sais que je ne pourrais pas m’en détacher, quoi que je fasse. J’ai fait la paix avec le fait qu’elle me suivra encore pendant une décennie ou plus. C’est une partie de mon parcours ; j’en suis passé par là. C’est ce qui m’a permis aujourd’hui de tourner dans des films que j’aime, avec des réalisateurs et des acteurs que j’admire depuis longtemps.

Je pense qu’il ne faut pas renier la main qui nous a nourris, ni ce qui nous a permis de démarrer. Avant ça, personne ne croyait en moi. Donc, je ne cherche pas vraiment à m’en éloigner. Peut-être un peu, la première année, parce que je ne voulais pas être réduit à cela. Mais, comme j’ai réussi à me diversifier et à m’affirmer dans le cinéma indépendant, je ressens aujourd’hui beaucoup de gratitude.

J’ai une reconnaissance sincère pour les femmes qui m’ont fait confiance : Noémie, Mélanie, Jessica Palu. Elles m’ont offert cette confiance. J’ai fait la paix avec l’idée qu’il ne faut pas cracher sur son parcours. Bien sûr, j’éprouve beaucoup plus de plaisir à interpréter des rôles comme Bruno Sulak, dans Les Femmes aux balcons, ou encore celui de Merteuil.

 

En quoi la préparation pour un film français comme "LIBRE" diffère-t-elle de celle pour une série américaine comme "Emily in Paris" ?

 Ce n’est pas tant une question de pays qu’une question de projet, je pense. Par exemple, sur Emily in Paris, il n’y a pas vraiment de répétitions. On arrive sur le plateau et ça tourne. C’est un peu une machine bien huilée, une grande usine.

En France, c’est différent : on se réunit, on discute des personnages, des costumes. On est beaucoup plus intégrés dans le processus créatif. Mélanie voulait que ce soit naturel, que le personnage vive en moi. Il y a même des phrases de moi, de ma propre vie, qu’elle a données au personnage. Tout comme elle m’a donné des costumes, j’ai apporté certains de mes habits au personnage. C’était un véritable échange, et on a construit les choses ensemble.

Dans une série américaine, c’est davantage : “Mets-toi là, récite ta ligne, et surtout, ne change rien.”

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© Prime Video

Qu'est-ce que le concept de "liberté" signifie pour vous, personnellement et professionnellement ?

Personnellement, j’ai une idée très précise du concept de liberté. Je pense qu’on n’est pas forcément méchant ou mauvais de nature. On naît avec un besoin d’être validé, accepté, aimé dans ce monde, car on arrive dans un système où l’on se demande ce qui se passe, ce que l’on fait ici, et ce qu’on est censé en faire. On a envie de faire partie intégrante de ce monde, de se sentir légitime en tant qu’humain sur terre, et pour cela, on cherche à être aimé, validé, accepté.

On grandit avec ces principes et, parfois, on se perd dans le regard des autres. On a peur de perdre cette validation, cet amour, cette forme d’accréditation. Pour moi, la liberté, c’est d’être capable de revenir à soi et de s’assumer pleinement, sans crainte de perdre les autres, même ceux qui n’apportent rien. Même si cela touche une minorité, l’essentiel est de se sentir bien dans ses baskets et de vivre authentiquement.

Professionnellement, la liberté, c’est de faire des choix purement artistiques, sans lien avec l’argent ou des stratégies d’image. Pour moi, ce serait de tourner un magnifique film par an, puis de vivre ma vie le reste du temps. Ça, ce serait une véritable liberté artistique..

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© Prime Video

Pensez-vous que le personnage de Sulak offre une sorte de commentaire sur la société actuelle et la notion de justice ?

Oui, je vois un parallèle. De la même manière que Sulak voyait l’arrivée des grandes enseignes, moi, cela fait quelques années que je lutte, non pas contre, mais j’ai du mal à adopter cette culture de TikTok. Ce format où l’on doit décrire un projet en trois mots, même si on y a travaillé pendant cinq mois ou qu’on a étudié le journalisme pendant sept ans, me paraît réducteur.

On entre dans une certaine médiocrité : on ne cherche plus vraiment à challenger les gens, à les bousculer, à les pousser à réfléchir. On propose un contenu consumable en dix secondes, très efficace et divertissant. En parallèle, cela entraîne une perte de patience, car nous sommes constamment stimulés. C’est comme si on mangeait une nourriture saturée de sel ou de sucre ; ensuite, si on goûte un simple avocat avec du citron, on n’en sentira plus vraiment le goût. J’ai le sentiment que c’est pareil avec le contenu aujourd’hui.

Cela crée une grande séparation : on n’a plus le temps ni l’envie d’être là pour les autres, car on est absorbés par nos écrans. Les supermarchés que Sulak critiquait ressemblent un peu aux TikToks d’aujourd’hui.

 

LIBRE, un film de Mélanie Laurent avec Lucas Bravo, le 1er novembre sur Prime Video.

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