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Lyna Khoudri, nouvel espoir du cinéma français, rejoue la Nouvelle Vague pour L'Officiel

Lyna Khoudri, nouvel espoir du cinéma français rejoue la Nouvelle Vague dans les rues de Paris.
face person human finger

Photographie par Marili Andre
Stylisme par Vanessa Bellugeon
Coiffure par Nabil Harlow
Maquillage par Gregoris
Assistant photo : Enzo Le Hen
Assistante Stylisme : Cindy Lucas

 

Rendez-vous dans le 17e arrondissement de Paris où la jeune commédienne vient de s'installer. Il est 18h30.

La grande affaire du moment, c’est la sortie de The French Dispatch de Wes Anderson. “Quand j’ai tourné le film, je n’avais pas reçu le César pour Papicha de Mounia Meddour. Wes ne m’avait jamais vue sur un écran. Tout a commencé par une vidéo envoyée à la production. Un soir je me suis filmée avec mon téléphone. Je devais me présenter, raconter mes actions militantes. J’ai parlé de ma participation à un blocus dans mon lycée, à Saint-Ouen. Cette action, c’était surtout pour manquer les cours et aller danser dans la rue avec mes potes.” Trois semaines après, Lyna passe le casting à Paris sans savoir rien du rôle. “Je flippe parce que c’est en anglais. L’assistant de Wes me répond : ‘no stress, on n’a pas encore petit déjeuné’. Il me tend un pavé énorme, que des répliques hyper travaillées. J’ai trente minutes ! Plus tard, l’assistant, adorable, m’indique les accents toniques de mots que je n’avais jamais prononcés de ma vie.” En attendant une réponse de la production, Lyna tourne à l’arrache un petit film avec des potes en Algérie. “C’était la première fois que j’allais dans le désert, j’étais émerveillée. Le reste du monde me semblait très loin. J’ai finalement regardé mes mails un soir. Mon agent me cherchait partout pour m’annoncer que j’étais prise. Je ne savais toujours rien de mon rôle ! Ni qui allaient être mes partenaires.” Lyna se retrouve ainsi à Angoulême pour des essais costumes. Le jeu de piste à la découverte de son personnage continue. “Il y avait un mur avec tout le casting. Chaque nom inscrit était dingue... Tilda Swinton, Bill Murray, Willem Dafoe... Je me disais : c’est quoi ce mur ??? Et j’ai compris toute seule que Timothée Chalamet jouerait mon petit ami, et que Frances McDormand serait notre partenaire.”

Cape réversible en cachemire, LOUIS VUITTON. Robe en velours rebrodée de cristaux Swarovski, EMPORIO ARMANI. Blouse en satin, CELINE PAR HEDI SLIMANE. Collant, FALKE. Chaussures en cuir verni, REPETTO.

Sur le plateau, Lyna ne dispose que de ses répliques, à peu près quinze pages. “Puis, j’ai eu ma partie du scénario, soit quarante pages, mais je n’ai jamais eu le scénario en entier. Seule l’équipe technique l’avait. Alors entre acteurs on s’interrogeait, je croisais Bill Murray qui me racontait son tournage du jour. On a réussi à capter un peu l’histoire. Mais il y a eu plein de choses découvertes  à la projection.”

Dans The French Dispatch, Lyna Khoudri est Juliette, une étudiante qui vit un Mai 68 surréaliste. Casque de moto sur la tête, elle milite pour ses droits de femme indépendante et déterminée qui argumente sans cesse avec son petit ami, un Timothée Chalamet lui aussi très engagé. “Juliette me ressemble, elle ne se lance qu’après avoir réfléchi à tout.” Chaque soir à l’hôtel, l’ambiance est au cinéma. “Dans le hall il y avait sur une table des DVD à notre disposition. Les dîners, c’était presque des blind tests. Wes me disait : ‘Tu as vu Partie de campagne de Renoir ?’ ‘Non.’ ‘Vois-le.’ Je rentrais dans ma chambre et je le regardais tout de suite. Il y avait aussi Le Pont du Nord de Jacques Rivette. C’était LA référence pour mon rôle, notamment le casque de moto et le blouson en cuir de l’héroïne jouée par Pascale Ogier. Juliette est aussi frondeuse qu’Ogier dans le film. Ça m’a nourrie. Tout comme La Vérité de Clouzot. Bardot y est extraordinaire. Elle se défend, elle revendique. Juliette revendique aussi pas mal. J’avais sous mon casque la coiffure de Bardot. C’est impressionnant de voir l’amour de Wes pour la culture française, pointue comme populaire. Il a mis Aline de Christophe dans le film. Je lui ai fait découvrir Les Mots bleus. Wes sait parfaitement à quels moments mettre de la culture française et à quels autres rester le cinéaste américain qu’il est.” Depuis, Lyna a joué le rôle solaire, spontané et débrouillard de Diana dans Gagarine de Fanny Liatard et Jérémie Trouilh. “C’est un film humaniste sur la banlieue et les banlieusards. Une œuvre onirique, positive.” Lyna a grandi en banlieue. “Je suis née en Algérie en 92, en pleine décennie noire de la montée de l’extrémisme. On a dû fuir le pays. Mon père, journaliste très engagé, était en danger. Mais ma conscience politique est née avec les émeutes de 2005. En face de chez moi une usine a brûlé. On a dû dormir à l’hôtel pendant une semaine. Ça m’a touchée directement. J’ai senti à ce moment-là que, fondamentalement, j’étais de ce côté- là, du côté des émeutiers.” Lyna n’abandonne pas pour autant l’Algérie. “Quand tu es à Alger, tu sens l’âme de la ville, l’Empire ottoman, la France d’Haussmann, les cinquante dernières années plus arabisantes...” Ce mélange de cultures, Lyna le travaille. “On ne parlait pas arabe à la maison. Quand j’allais en Algérie, petite, mon père était mon traducteur. Mais en secret j’enregistrais mentalement les conversations de ma famille, et puis un jour, à force d’écouter, j’ai parlé arabe.” L’Algérie pour Lyna, c’est aussi l’Histoire et notamment la colonisation. “La guerre d’Algérie et la colonisation sont une horrible folie. Impossible de se rendre compte à quel point. J’ai lu mille livres sur le sujet qui m’ont menée à Aimé Césaire, Frantz Fanon... Ces écrivains contestataires m’ont construite. J’ai su d’où je venais et qui j’étais vraiment grâce à eux.” L’Algérie, l’Orient, sont tatoués au poignet de Lyna. “C’est une main de Fatma. Mais je regrette ce tatouage. Je ne veux plus de marque gravée sur moi.” Sur son T-shirt, une broderie rose Yves Saint l’Oran. “C’est une amie qui lance sa marque, Atlal. Elle brode sur ses pièces un mot en français et un en arabe.” Lyna définit son style vestimentaire comme classique, “mais j’aime avoir le bon sac, les bonnes chaussures. Je peux me changer trois ou quatre fois avant de sortir.” Suit-elle la mode? “J’aime beaucoup Valentino. Une pièce de Valentino se porte toujours, comme un tailleur Chanel, là où des créateurs plus fun se démodent. Valentino, ça transpire l’amour, c’est chaud, très incarné.” Se verrait-elle égérie d’une marque? “Je ne sais pas. Ce n’est pas mon métier, même si je trouve que la collaboration entre Rihanna et Dior a du sens.” Dior justement, il en est question dans Haute Couture de Sylvie Ohayon. “C’est une comédie sociale : une jeune fille de banlieue fait son apprentissage avec une première d’atelier de chez Dior jouée par Nathalie Baye. J’ai passé beaucoup de temps dans ce monde des ateliers. J’ai vu ce qu’était la perfection de la méthode, l’exactitude du savoir-faire.” En attendant la sortie de cette comédie, Lyna prépare son prochain rôle pour un film encore secret. “Deux heures de natation et une heure de muscu par jour. C’est beaucoup plus intense que mes dix ans de modern jazz. Je voulais être danseuse. C’était ma passion avant le cinéma.” Cinq minutes après s’être quittées, Lyna envoie un sms : “L’Histoire d’Adèle H. Adjani !... On n’a pas parlé d'Isabelle Adjani mais elle fait partie de moi.”

 

The French Dispatch, de Wes Anderson, sortie le 14 octobre 2020. Gagarine, de Fanny Liatard et Jérémie Trouilh, sortie le 18 novembre 2020. Haute Couture, de Sylvie Ohayon, sortie décembre 2020.

Body en maille de laine style Mariner avec grand col, MIU MIU.
Chemisier en tricot de viscose avec col à bordure blanche, LILI SIDONIO. Ceinture box en cuir noir, PRADA. Jupe ample en cuir A-line en noir, THE LABEL EDITION. Chaussettes à pois en nylon blanc, FALKE. Chaussures en satin, REPETTO. Montre dorée, SWAROVSKI.
Robe en velours rebrodée de cristaux Swarovski, EMPORIO ARMANI. Blouse en satin, SAINT LAURENT.
Pull en laine et chemise en soie, PINKO.

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