Jennifer Connelly : "Je suis généralement attirée par les films provocateurs"
Photographie par : Marili Andre
Stylisme par : Sara Van Pée
Mode : Louis Vuitton
Un soir, Jennifer Connelly conduisait dans les rues de New York avec ses trois enfants et s’est fait la réflexion suivante : “C’est fou comme j’aime cette ville.” Elle a grandi aux pieds du pont de Brooklyn et n’a quasiment jamais quitté la ville, où elle vit aujourd’hui avec son mari, l’acteur Paul Bettany. “Passez une journée à errer dans les rues. Ne faites aucun projet, laissez-vous dériver. Il se passera des choses. La ville n’a pas beaucoup changé, de beaux bâtiments ont fleuri dans les anciens quartiers délabrés, mais l’énergie est la même.” Jennifer Connelly est comme New York. On sent chez elle est certaine droiture, une grande intelligence et une part de mystère qui, depuis près de trente-cinq ans, font la magie de son jeu d’actrice. Depuis son premier rôle, à seulement 14 ans, dans Il était une fois en Amérique de Sergio Leone (1984), elle habite le paysage cinématographique avec une constance discrète dans des films qui ont marqué leur époque comme Requiem for a Dream de Darren Aronofsky (2001), Blood Diamond d’Edward Zwick (2006) ouNoé d’Aronofsky à nouveau (2014). Cette année, elle a endossé le rôle de Chiren dans Alita : Battle Angel, l’adaptation du manga Gunnm par Robert Rodriguez et James Cameron. L’an prochain, elle sera à l’affiche du nouveau volet de Top Gun, par Joseph Kosinski, et de la série dystopique Snowpiercer (adaptée du film de Bong Joon-ho en 2013 et de la BD française Le Transperceneige de Jacques Lob et Jean-Marc Rochette en 1982), qui montre la lutte des classes dans un train en mouvement où est enfermé ce qui reste de l’humanité après que la Terre a gelé. De passage à Paris, l’ambassadrice de Louis Vuitton nous parle de son métier d’actrice.
Qu’est-ce que vous aimez à Paris ?
Jennifer Connelly : La beauté du paysage. C’est une ville remarquable qui me coupe le souffle à chaque fois que j’y reviens. Il n’y a pas de lieu plus magique que Paris pour se perdre dans les rues. J’y ai aussi un très bon ami.
Il s’agit de Nicolas Ghesquière, avec qui vous travaillez depuis longtemps.
On s’est rencontrés il y a... mon Dieu, plus de quinze ans déjà. Son travail chez Louis Vuitton m’impressionne. Les silhouettes, les matières, tout est spectaculaire. Nous sommes devenus de plus en plus proches avec les années.
Il a un sens de la mode futuriste, parfois proche de la science-fiction. C’est un genre que vous connaissez bien.
J’ai travaillé des genres très différents au fil du temps, je suis généralement attirée par les films provocateurs. J’aime devoir passer du temps avec un personnage qui peut avoir un point de vue radicalement différent du mien, qui va capturer mon imagination et me faire réfléchir.
Snowpiercer est votre première série depuis longtemps. Comment s’est passé le tournage ?
C’était très intéressant. J’ai développé une relation forte avec mon personnage, une femme complexe chargée de veiller aux bonnes relations entre les passagers du train. J’ai passé dix heures par jour dans sa peau. Le script du premier épisode était bouclé mais pour les suivants les scénaristes travaillaient des versions qu’ils adaptaient continuellement en fonction de ce qui avait déjà été tourné. Le texte évolue en permanence et mon personnage aussi.
Dans le contexte mondial actuel, les fictions dystopiques comme celle-là sont-elles encore plus pertinentes ?
Je crois qu’elles permettent à la fois de s’échapper et d’alerter. C’est du divertissement, tout est fait pour amuser, exciter et surprendre, mais dans le cas de Snowpiercer, la structure sociale du train et les actions des personnages posent aussi des questions pertinentes sur la société d’aujourd’hui.
Vous avez souvent joué dans des films représentatifs de leur époque, comme Il était une fois en Amérique ou Requiem for a Dream. Comment avez-vous vu le cinéma évoluer depuis vos débuts ?
J’ai le sentiment qu’on passe plus de temps chez soi. Les gens vont moins au cinéma, ils regardent des films en streaming sur de grands écrans télé. Cela a eu un impact sur l’industrie. On fait maintenant beaucoup plus de films spectaculaires réservés aux salles. Dans les années 1970, un film oscarisé était aussi un blockbuster. Aujourd’hui, il n’y a plus de place pour les productions indépendantes et les points de vue différents.
Vous avez débuté très jeune, avec de grands réalisateurs comme Sergio Leone ou Dario Argento. Comment avez-vous vécu ces débuts ?
Je ne réalisais pas l’importance de Sergio Leone quand j’ai fait Il était une fois en Amérique, ce qui était probablement mieux. Travailler avec lui était très impressionnant pour une première expérience. C’était la première fois que je quittais les États-Unis, je me suis retrouvée dans ce décor magique, minutieusement détaillé, avec un réalisateur dont je comprenais à peine le travail mais qui m’a fascinée. Il a été adorable avec moi, tout comme Dario Argento sur le tournage de Phenomena. C’était un film gore où mon personnage tombait dans une fosse de cadavres, mais j’ai passé un moment génial !
Vous avez aussi tourné avec David Bowie dans Labyrinthe de Jim Henson en 1986. Quel souvenir gardez-vous de lui ?
Encore un film avec des décors magiques. David Bowie était adorable et généreux de son temps et de sa personne. Il avait beaucoup d’humour et faisait en sorte de mettre tout le monde à l’aise en sa présence, je l’ai admiré pour ça.
Comment vous préparez-vous pour un rôle?
J’essaye de comprendre dans quel contexte, dans quelle réalité le personnage évolue, et à déterminer comment il réagirait en fonction de son environnement, imaginaire ou pas. J’essaye de comprendre comment le personnage réagirait dans telle ou telle situation selon son caractère et sa personnalité, pour ça il faut lui construire un passé, l’ancrer dans son histoire.
Vous serez également à l’affiche de Top Gun: Maverick.
J’ai adoré travailler sur ce projet. Je ne peux pas donner de détails sur l’histoire, si ce n’est que je joue le rôle d’un personnage déjà mentionné dans le premier volet. Je n’ai vu que cinq séquences pour l’instant, mais ça promet d’être extraordinaire.
Qu’est-ce qui vous nourrit en tant qu’actrice ?
Au fil des années, j’ai beaucoup écouté Radiohead en travaillant sur des films, différents albums en fonction du projet. Je reviens souvent aux livres de Virginia Woolf, j’y trouve des choses intéressantes pour construire mes personnages. Mais ce qui me nourrit le plus, ce sont les rues de New York. Elles sont imprévisibles.