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Megan Thee Stallion : "Je suis vraiment sur le chemin de l’équilibre"

La rappeuse texane aux multiples Grammys au sommet des hit parades emprunte un chemin cathartique alors qu’elle se prépare à la sortie d’un nouvel album et à sa tournée Hot Girl Summer.

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Titulaire de trois Grammy Awards, la rappeuse de 29 ans Megan Thee Stallion (née Megan Jovon Ruth Pete) est en pleine métamorphose. Comme elle l’a annoncé dans son “diss track” [morceau ayant pour but d’attaquer directement une ou plusieurs personnes à l’aide d’une attitude et d’un vocablaire agressifs] en tête du Billboard Hot 100 Hiss, dont la sortie un peu plus tôt cette année a causé quelque agitation, Megan a décidé de se débarrasser de tout ce qui lui empoisonnait la vie. Sur une ligne de piano menaçante, la native de Houston (Texas) lance des piques subliminales à quiconque voudrait mettre en péril sa sérénité, scandant : “Je vais enfin vider mon putain de sac et laisser ça derrière moi/On y va !” Cette chanson autofinancée, produite par sa propre compagnie, Hot Girl Productions, révélait une Megan armée d’une toute nouvelle conscience d’elle-même. 
Ses fans ont cartographié l’ascension de cette superstar du Sud, depuis des battles lors de “cyphers”, des rassemblements de rappeurs, jusqu’aux premières places du Billboard Hot 100. Megan devient instantanément célèbre à 25 ans, au printemps 2020, quand son hymne Savage, ode à la femme moderne aux multiples facettes, devient viral et donne naissance à un challenge de danse sur TikTok qui distrait les masses confinées. Un hit qui la rend sympathique à des légions de fans – ou “Hotties”, comme Megan les surnomme. L’artiste, dont le pseudo évoque ses formes sculpturales [“stallion” d’après l’Urban Dictionary, qualifie une grande femme plantureuse], est une nouvelle figure bienvenue dans la galerie de portraits du hip-hop féminin, avec ses chansons glorifiant l’empowerment, un sex-appeal assumé et un certain esprit de la jeune femme noire insouciante. Et ce n’est pas l’inimitable Beyoncé qui nous contredira, elle qui a sauté sur l’occasion de remixer Savage, offrant deux Grammys [meilleures chanson et performance rap] aux deux musiciennes. Tandis que Megan empochait encore deux trophées la même année, notamment le Grammy de la meilleure révélation. 
S’ensuit une succession de tubes culturellement marquants en tête des charts. Comme WAP, son duo délicieusement crade avec Cardi B en 2020, et Body en 2021, issu de son deuxième album, Traumazine, célébrant ses rondeurs acquises durant le Covid. Comme tous les titans du rap, Megan fait fructifier ses talents de parolière en faisant des investissements juteux dans des secteurs non musicaux : elle devient le nouveau visage de Revlon, développe sa propre “Hottie Sauce” pour la chaîne de fast-food Popeyes Louisiana Kitchen, et prodigue des conseils fiscaux avisés avec l’aide de Cash App [plate-forme de placements et de services financiers en ligne]. Tout en complétant une licence de premier cycle dans le domaine de la santé publique à la Texas Southern University. 
Alors que Megan s’habitue à la célébrité, elle doit aussi faire face à la tragédie. En 2019, la rappeuse perd deux figures maternelles importantes à quelques mois d’intervalle, quand sa mère et manageuse, Holly “Holly-Wood” Thomas, succombe à un cancer du cerveau, puis quand sa grand-mère meurt à son tour peu après. L’année suivante, Megan est blessée par balles aux deux pieds par son ancien ami le rappeur Tory Lanez au cours d’une dispute. Elle devient la cible d’un torrent de “misogynoir”, une forme particulièrement sinistre de misogynie sur les réseaux qui vise particulièrement les Noires. Luttant contre les trolls et jusqu’à ses pairs rappeurs masculins, Megan a dû défendre son innocence devant le tribunal de l’opinion publique avant que justice ne lui soit rendue, l’année dernière, avec la condamnation de Lanez à dix ans de prison. Elle s’est aussi empêtrée dans une longue bataille judiciaire avec son ancienne maison de disques, 1501 Productions, qui s’est réglée à l’automne dernier. Megan atténue ses douleurs en temps réel, partageant avec ses fans et à travers sa musique les effets de ces traumatismes en cascade qui effritent sa santé mentale et la conduisent à la dépression. À l’heure même où nous écrivions ces lignes, la rappeuse était visée par une action en justice de la part d’un ancien caméraman qui l’accuse de créer un milieu de travail hostile. L’avocat de Megan répond dans un communiqué : “Il s’agit d’une réclamation émanant d’un employé – aucune plainte en harcèlement sexuel n’a été déposée – avec des accusations salaces qui ont pour but d’embarrasser [Megan].”     
Après avoir connu une grande solitude, fait une thérapie et s’être concentrée sur son bien-être, Megan signe un retour en forme avec son troisième album et une tournée, Hot Girl Summer, dont les billets sont déjà presque tous vendus et qui démarre en ce mois de mai. Dans cet entretien Zoom avec L'OFFICIEL, Megan se montre vulnérable.  
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L’O : J’ai lu une interview où vous disiez ressentir en permanence la pression de devoir être heureuse. Et que vous vous en libériez. 
mts : Quand vous traversez une dépression, ou quand vous vivez une période de tristesse, vous ne voulez pas infliger ça aux autres. Vous ne voulez pas être le nuage noir de votre groupe d’amis. Vous ne voulez pas être une charge. Tout le monde revêt un masque, un costume, une façade. Je faisais partie de ces gens qui disent toujours, ça va, ça va, ça va. Je suis solide. Je vais y arriver. Mais c’était arrivé à un point où je ne pouvais plus le cacher – en tout cas dans ma vie personnelle – et mon attitude est devenue : “Je suis triste. Alors on fait quoi maintenant ?” 
L’O : Où en est votre santé mentale aujourd’hui ?
mts : Je ne veux plus être celle que j’étais parce que je ne crois pas que je gérais mes émotions de la bonne manière. Ma solution à tout, c’était le travail : oublie. Je vais juste aller bosser. Remplir mon agenda. Je veux tout faire. Je ne veux même pas y penser. Mais aujourd’hui, je me dis : attends un peu. Je vais prendre du temps pour moi. J’ai des limites, maintenant. Ma façon de m’aimer est bien différente. Je ne fais plus les choses pour faire plaisir aux gens. Je m’occupe plus de moi en ce moment, et j’adore ça. 
L’O : Comment y êtes-vous parvenue ? La thérapie a dû jouer, bien sûr, mais y a-t-il autre chose qui vous a fait vous considérer différemment ? 
mts : Même si j’ai traversé des moments difficiles, ça m’a forcée à passer du temps toute seule, ce que j’ai vraiment apprécié. Il fallait que je sois seule pour comprendre Pourquoi c’est si dur pour toi de rester seule ? Pourquoi as-tu ce besoin d’être constamment parmi autant de gens ? Pourquoi tu ne peux pas juste passer du temps tranquille seule dans ta chambre ? J’avais besoin de prendre ce recul. Putain, je déambulais chez moi en exprimant mes sentiments à haute voix, et j’ai commencé à me raconter la vérité sur ces sentiments. Parfois, on n’a pas envie de se dire les choses à haute voix, mais quand j’ai commencé à me sentir mieux dans ma peau, à apprécier ma compagnie, j’ai commencé à me considérer autrement, à me faire confiance, à être plus gentille avec moi. 
L’O : Y a-t-il des tabous culturels qui ont entravé votre chemin vers la santé mentale ? 
mts : Absolument. Ma mère était super solide, ma grand-mère était super solide. Mon autre grand-mère, celle qu’il me reste, est aussi super solide. Et je les ai vues travailler, travailler, travailler. Alors je n’ai jamais trop su où on se situait, financièrement, parce que grâce à elles tout avait l’air si parfait. À les voir, ça avait l’air facile. Ma mère faisait tout, et c’était une vraie dure à cuire. Ce n’est qu’en grandissant que j’ai compris qu’on n’était pas riches du tout, qu’on galérait, et qu’il fallait que je trouve un boulot. Maintenant que je suis adulte, je me dis Oh mon Dieu. Je vois tout ce qu’elle a subi, et elle n’a laissé rien de tout ça m’atteindre. Mon père est mort quand j’étais jeune, alors elle essayait vraiment de prendre soin de nous deux. Si seulement elle avait reçu de l’aide. Si seulement elle avait parlé à quelqu’un pour alléger sa charge, exprimer ce qu’elle pouvait ressentir. Maintenant que je vis la même chose, je me dis Oh là, je ne veux pas me trimbaler ça. Je veux être forte. Je ne crois pas que la thérapie fasse de moi quelqu’un de faible, bien que je l’aie cru pendant longtemps parce que, dans la communauté noire, être en thérapie, ça voulait dire qu’on était dingue.
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L’O : Vous vous épanchez dans votre travail, notamment. Vous dites littéralement “Je dois vider mon sac”… Hiss a fait un carton et mérite sa première place au Billboard Hot 100. Vous vous doutiez qu’il aurait un tel impact ?  
mts : Je ne m’imaginais absolument pas qu’il aurait cet effet ! Rien ne m’indiquait que ça se passerait comme ça. J’ai gardé mes sentiments pour moi pendant un bout de temps. J’avais l’impression d’être à terre et frappée par tout le monde. Ça m’a fait du bien d’être finalement capable de m’exprimer parce que j’étais dans un état où je me sentais si down que je ne voulais rien faire qui puisse troubler le peu de paix qu’il y avait. Je me disais Oh, Megan Thee Stallion, tout le monde te déteste, là. Pas un mot. Silence. 
L’O : Vous aviez l’impression que tout le monde vous haïssait ? 
mts : Oui. Je me sentais si mal, tous les jours. Ça a été très difficile de sortir de cet état. En fait, je n’ai pas besoin de me focaliser sur qui me déteste. Je devrais me concentrer sur l’amour que je reçois. C’est sur ce sujet que j’essaie de m’améliorer. Les choses ne seront jamais au top tout le temps. Si je dois recevoir des applaudissements, je dois aussi encaisser les huées. 
L’O : C’est la spirale infernale, quand on a l’impression que tout le monde vous déteste. Pensez-vous que les rappeuses ont la pression pour toujours paraître gentilles, rester polies et mignonnes ? 
mts : Oui, pour les rappeuses, il y a une ligne à ne pas franchir. On veut être Miss Bonne Humeur. On veut être aimée de tout le monde. On veut être la plus canon, la meilleure, mais on veut trouver la bonne manière de l’être. Il m’a fallu apprendre qu’il n’y a pas de bonne manière. Quoi que tu sois, sois ça. T’es folle, sois folle. T’es sympa, sois sympa. T’es méchante, sois méchante. T’es triste, sois triste. Sois ton toi authentique.
L’O : Votre nouvel album est-il plus féroce encore que Hiss ? 
mts : Je ne sais même pas comment le décrire, franchement. Hiss, c’était juste le besoin de vider mon sac. Je n’ai pas fait une fixation sur la négativité dans mon album. Il y a plein de chansons différentes dessus parce que mes émotions ne se limitent pas à la colère ou à la tristesse, parce que j’ai évolué et que j’ai commencé à ressentir d’autres choses. Je me suis sentie vraiment heureuse. Vous trouverez des chansons sur le disque qui parlent de ces ressentis positifs. Il y a un petit peu de tout.  
L’O : Le motif du serpent revient-il tout au long de l’album ? 
mts : Ça va plus loin que le serpent. Le renouveau, une renaissance : c’est le concept de l’album. On est parti du serpent parce que, déjà, j’adore les serpents, mais je trouve aussi qu’ils sont victimes d’un malentendu, particulièrement dans la culture occidentale. Ils représentent la réincarnation, la spiritualité. Je ne suis pas quelqu’un de très Oh mon Dieu, le soleil et tout pétille, joie joie. J’aime les choses plus sombres. J’aime ce qui fait un peu peur. J’ai choisi le serpent parce que… c’est une sorte d’anti-héros.
L’O : Avez-vous joué avec différents genres dans cet album ? On vient de voir Beyoncé se lancer dans la country. La renaissance de Meg s’accompagne-t-elle de l’arrivée d’un nouveau son ? 
mts : Je ne veux pas dire que je puise dans d’autres genres. Je puise dans d’autres sons. Mais c’est quand même toujours Megan Thee Stallion. À l’écoute, l’album ne représente pas un si grand virage. J’y suis reconnaissable. On se dira peut-être Tiens, je n’aurais jamais cru qu’elle rapperait sur ce genre de musique, mais ça sonne génial.
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L’O : J’ai lu quelque part que vous écoutiez Paramore, alors je me suis dit Est-ce qu’elle va nous faire un petit rock ?
mts : Les gens ne s’en rendent pas bien compte, mais je suis une fan de soft rock. J’écoute tous les genres de musique, alors j’ai essayé d’inclure des choses que j’aime vraiment dans cet album. 
L’O : Qu’est-ce qui va rendre ce Hot Girl Summer* différent des autres Hot Girl Summers ?  
mts : Eh bien, c’est la première fois que ça survient en même temps qu’une tournée de Megan Thee Stallion. Voilà toute la différence. Vous n’avez jamais eu l’occasion de venir faire la fête avec Megan Thee Stallion durant le Hot Girl Summer. Quoi ?! Maintenant toutes les Hot Girls auront un endroit pour se retrouver et rejoindre la sororité, et c’est ce qu’on va faire. 
L’O : C’est passionnant aussi de voir votre chemin parcouru en matière de fitness. 
mts : Quand j’ai commencé la thérapie, mon psy m’a conseillé de canaliser mon énergie dans l’exercice physique. Au début je voyais ça comme une distraction. Une manière échapper à qui m’arrivait dans mon quotidien. Je m’entraînais beaucoup parce que ça détournait mon attention sur une autre sorte de souffrance, la douleur dans mes cuisses. Ça a commencé comme une manière de faire face. Et plus je m’exerçais, plus j’en voyais les résultats ; je me suis sentie de mieux en mieux et j’ai continué, parce que quand je me concentre sur quelque chose, et particulièrement l’entraînement, rien d’autre ne me préoccupe. 
L’O : C’est une bonne façon de faire le vide. Plus tôt dans notre entretien, vous avez dit que maintenant vous savez vraiment comment prendre soin de vous. 
mts : Je n’y suis pas encore complètement. Je ne me dis pas Oh mon Dieu, j’ai l’équilibre parfait, tout est génial. Il y a encore des jours où je me demande Pourquoi je me sens comme ça ? Mais au moins, maintenant, j’ai les outils pour modifier mes processus mentaux. Alors je crois que je suis vraiment sur le chemin de l’équilibre, et je sais que je suis dans une meilleure situation que je ne l’étais auparavant.  
[*NdT. Hot Girl Summer : “un art du ‘don’t give a fuck’ estival, un éloge du rien à foutre où la confiance enlace l’irrévérence. Un empowerment nourri par l’estime qu’on se porte, d’après le magazine Metro”.]
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