Femmes

Le t-shirt féministe est-il hypocrite ?

Sage ou trash, le T-shirt militant investit les défilés et les réseaux sociaux. Inspirée du féminisme des années 1970, la tendance interroge: la mode a-t-elle sa place dans la lutte? Décryptage.
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Une manif en petite robe noire et slingbacks dorées : géniale pour certains, incongrue pour beaucoup, déplacée pour d’autres, l’idée est signée Karl Lagerfeld. Retour en octobre 2014, sous la verrière du Grand Palais, pour le défilé Chanel printemps-été 2015 : au mégaphone, Cara Delevingne harangue une foule de révolutionnaires en culottes courtes. “Ladies First”, “Women’s rights are more than alright", des slogans inspirés du MLF en côtoient d’autres, plus politiquement corrects : “Be your own stylist”, “Tweed is better than tweet”, etc. Le débat est lancé. Car, si la mode peut se targuer de donner le pouvoir au beau sexe, les ressorts du phénomène oscillent entre bons sentiments et stratégies marketing. Un an plus tard, quand Cara Delevingne (encore elle) s’exhibe avec une réplique du célèbre T-shirt militant "The future is female”, la communauté lesbienne s’insurge. Aux États-Unis, le slogan de la militante Liza Cowan, inauguré en 1975 par sa compagne, la chanteuse folk Alix Dobkin (en photo), est chasse gardée, autant que le poing levé du Women’s Lib, repris par Monique Wittig et les pionnières du féminisme français dans les années 1970. Cara Delevingne, icône gay s’il en est, a beau reverser une part des bénéfices à Girl Up, la campagne des Nations unies en faveur des adolescentes des pays en voie de développement, on l’accuse de dénaturer un message à caractère contestataire. Des intentions louables, mais un background qui dérange une partie de l'opinion : le top british concentre tous les paradoxes du fashion feminism

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Paco Rabanne
Stella McCartney
Dior
Olympia Le-Tan

Parce que la mode reste un commerce, pour s'offrir le T-shirt "We should all be feminist” du défilé printemps-été 2017 de Dior, il faut compter un demi-Smic. Même chose pour le "Thanks Girls” de Stella McCartney et le “Shut that guy up” d’Olympia Le-Tan. Le vêtement militant est la nouvelle poule aux œufs d’or des marques de luxe... Mais l’émulation générée n’a pas de prix. Instagrammé, twitté, snapchaté des millions de fois, le message finit par sensibiliser. En 2013, Petra Collins avait suscité une véritable tempête médiatique en créant pour American Apparel le T-shirt “Period Power”, représentant un vagin en période menstruelle ; dans la foulée, cette jeune Canadienne voyait son compte Instagram censuré pour une simple photo d’elle en petite culotte, le sexe non épilé. Le troisième millénaire est-il condamné à un féminisme de papier glacé, consensuel et anti-trash, en accord tacite avec le diktat de la “parure” dénoncé par Simone de Beauvoir dans Le Deuxième sexe? La génération Z, Petra Collins en tête, prouve qu’on peut être branchée, porter du Gucci et lutter pour les droits de la femme. La mode y trouve son compte. Rappelons que, au-delà des joutes mercantiles, Christian Dior, Coco Chanel, André Courrèges et Sonia Rykiel n’ont pas fait que créer des vêtements, ils ont réinventé la femme.

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