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Amanda Seyfried : "Je suis allée à l’école de la vie. Et à l’école de l’amour"

Amanda Seyfried a préfr ses chevaux à Hollywood, s'attaque à l'addiction sur petit écran, et explique pourquoi revoir ses attentes à la baisse est peut-être le secret de la réussite.

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Photographie CAMERON McCOOL
Stylisme ELIZABETH STEWART

“Ce serait mieux qu’on ne s’embrasse pas” est la première chose que me dit Amanda Seyfried lorsque nous nous retrouvons dans un dîner de l’Upper West Side en cette fin décembre. “Mon fils m’a vomi dessus.” L’incident a eu lieu quelques jours plus tôt, et Amanda, en mode maman, se soucie de ne pas propager de microbes. Elle n’avait pas très faim ces temps-ci, mais elle se décide pour un bol de soupe de nouilles au poulet de la taille de sa tête. Deux serveurs s’affairent autour de nous comme des oiseaux-mouches, et je ne saurais dire si c’est parce qu’ils ont reconnu l’actrice de 39 ans nommée aux Oscars ou par hypervigilance. Heureusement, la magie de la soupe opère vite. “Je n’arrive pas à croire que je viens de manger ça comme quelqu’un de normal”, dit-elle.

Bien qu’elle ait connu le succès dès ses débuts dans le métier, à 15 ans, Amanda n’a pas laissé le show-business l’endurcir. Elle est un vrai couteau suisse de talents – elle sait chanter (on en veut pour preuve Mamma Mia ! et Les Misérables) et a des qualités d’actrice à revendre. Nommée aux Oscars (pour Mank, en 2021), elle a remporté un Golden Globe en 2023 pour son interprétation du rôle d’Elizabeth Holmes, la fondatrice de Theranos, dans la minisérie The Dropout. Son dernier projet en date est l’adaptation pour la plateforme Peacock du best-seller de Liz Moore La Rivière des disparues. Amanda y joue une policière, Mickey Fitzpatrick, dont la sœur est en proie aux affres de l’addiction.

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Veste, body et culotte, SPORTMAX. Escarpins, GIANVITO ROSSI.

L’OFFICIEL : Commençons par votre nouveau projet, Long Bright River.
AMANDA SEYFRIED : Je pense qu’avec cette série l’intention de Liz Moore est de nous apprendre à connaître ces gens de Kensington [un quartier de Philadelphie où se déroule l’action du roman]. Ce n’est pas qu’un thriller télévisé ; le sujet, c’est ce qu’endurent les travailleurs du sexe et les toxicomanes. Ça parle d’humanité et d’empathie. On y voit aussi une police corrompue, ce qui, évidemment, fait le lien avec cette flic qui a perdu de vue sa sœur, une grande toxico. Ce qu’on voit à Kensington, ce sont des gens qui luttent. La première fois que je l’ai traversé, assise à l’arrière d’une voiture, ça m’a ouvert les yeux. C’est une plongée dans un autre monde. Je suis heureuse d’en avoir appris plus dessus. Je n’avais jamais entendu parler des politiques de réduction des risques. À 39 ans, j’ai encore plein d’angles morts dans ma vie. C’est pour ça que j’aime être actrice ; je pars d’un rôle et ça m’ouvre l’esprit

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Robe et escarpins lacés, CHLOÉ. Collier, bracelet et bagues, TIFFANY & CO.

L’O : Et ça vous donne l’occasion de jouer une policière, c’est une première !
AS : J’en ai toujours rêvé parce que ma meilleure amie Jennifer Carpenter joue toujours des flics ou des agents [elle campait une inspectrice de la brigade criminelle dans Dexter]. Elle m’a filé quelques bons truc.

L’O : La famille et l’addiction sont des sujets particulièrement sensibles pour Liz Moore. Était-ce difficile à communiquer ?
AS : Ce livre ne vient pas de nulle part. Liz a des sentiments et un respect très profonds pour cet endroit. Ça parle de la crise des opioïdes et du fait qu’à un moment on peut se perdre en route. Chaque histoire est différente. La fondatrice de la structure d’aide Savage Sisters est venue quelques jours en consultante sur le plateau. C’est une survivante. Elle sauve beaucoup de gens. Chacun en vaut la peine.

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Pulls, jupe, culotte et escarpins vintage, PRADA.

L’O : Avez-vous eu affaire à l’addiction dans votre propre famille ?
AS : J’ai perdu mon oncle. L’histoire classique de celui qui décroche enfin et qui se retrouve à prendre la dose fatale. C’est atroce. C’était horrible pour ma grand-mère. On ne sait jamais quand ça va survenir. C’est une putain de maladie. Tout le monde a une chance de survivre, mais la société ne vous donne pas vraiment les moyens ou l’espace pour le faire. C’est une raison de plus pour que le message de la série passe. Nous devons être plus créatifs, être moins dans la crainte et le jugement, même lorsqu’on parle à des gens qui ne sont pas du même bord politique. Si on veut s’entendre, il faut écouter. Ça fait une grosse différence. La peur engendre le jugement.

L’O : Sans vouloir faire de politique, il me semble que les marchands de peur vont se multiplier dans les années à venir.
AS : J’ai choisi de… compartimenter. À cause de toutes ces choses qui ne sont vraiment pas justes. Des criminels ne devraient pas diriger le pays. Des abuseurs sexuels ne devraient pas diriger le pays. Ce sont des choses auxquelles je crois de tout mon cœur. Je n’aime pas, en tant qu’être humain, qu’on me manque de respect. Je ne sais pas si c’est très sain, mais une fois qu’on en est arrivés là, je voulais ne plus projeter mes peurs, pour une fois. Je les projette partout ailleurs, comme quand mon fils vomit.

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Top et pantalon, LOEWE. Bracelet, TIFFANY & CO. Escarpins, GIANVITO ROSSI.

L’O : Vous avez une ferme dans le nord de l’État de New York. La nature réconforte, ça doit vous aider.
AS : Cette ville est fantastique, mais je ne veux pas y vivre à plein temps. Je voudrais… survivre mentalement et émotionnellement, vous voyez ? Là-haut, on a six grands chevaux, vingt poules, des chèvres et un âne. Les chèvres sont géniales. J’ai un lézard, aussi. Il a passé une radio aujourd’hui parce qu’on se disait “ça fait deux mois qu’il n’a pas fait sa crotte”, mais en fait il est en hibernation. Mon chien, Finn, a maintenant 15 ans. Tous les matins en me levant, je me demande s’il est encore en vie. Il ne vient plus au travail avec moi. Je tourne en ce moment The Housemaid avec Sydney Sweeney, et je lui ai demandé : “Tu aurais un chien que tu pourrais amener sur le plateau ?” Dieu merci, c’est le cas.

L’O : Vous êtes contente de tourner avec le réalisateur Paul Feig pour The Housemaid ?
AS : Oui, ça fait des années que je voulais travailler avec lui. Mes meilleures amies est dans le top 10 de mes films préférés.

L’O : Avec qui d’autre aimeriez-vous travailler ?
AS : Je suis obsédée par Ruben Östlund. J’ai adoré The Square et Snow Therapy. Je voulais à tout prix participer à son nouveau film, The Entertainment System is Down. C’est avec Kirsten Dunst et Daniel Brühl. Ça a l’air du film le plus rigolo de tous les temps.

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Cardigan et body, GUCCI. Montre, perso.

L’O : Vous étiez si jeune quand vous avez débuté dans le métier. Comment avez-vous gardé le cap ?
AS : Je n’ai jamais été méga célèbre. Et je n’ai eu mon premier compte Instagram qu’à 25 ans. Et puis j’ai toujours gardé les mêmes amis. Je ne me suis jamais prise trop au sérieux. Pour moi, se prendre au sérieux, c’est lié à des attentes. Et, très tôt dans ma vie, j’ai découvert qu’avoir des attentes mène à la déception. Je joue depuis que j’ai 15 ans. À l’époque, quand je n’obtenais pas un rôle, j’étais dévastée. Peu à peu, j’ai cessé d’être persuadée que j’allais décrocher un rôle, je me suis contentée d’espérer l’avoir. Et quand c’était le cas, c’était génial. Mamma Mia !, ça a été énorme pour moi. Quand j’ai passé l’audition pour Lolita malgré moi, je ne savais pas de quoi il s’agissait. J’avais 17 ans et j’étais juste contente d’avoir un rôle parlé. Ne pas s’attendre à grand-chose n’est pas la façon la plus saine de vivre sa vie, mais ça m’a aidée. Aussi, mes parents nous ont toujours beaucoup soutenues, ma sœur et moi. Et ça joue un grand rôle. Avoir la maison à la campagne aussi, bien sûr.

L’O : Bien sûr, c’est votre sanctuaire.
AS : C’est une petite maison de pierre et un grand terrain. J’ai construit la cuisine de mes rêves. Ça a pris un an, mais c’est enfin fini. À un moment, il faut se lancer [dans les travaux], sans quoi on ne fera jamais rien. Pas de meilleur moment que le présent, on pourrait être mort la semaine prochaine. Ouh, c’est super dark. [Rires.]

L’O : Je voudrais me construire un she-shed, un petit studio d’écriture…
AS : Allez chez Barn Raiser, en pays Amish. J’en ai acheté un pour les chèvres, c’est tellement cool. Ils vous font l’isolation, et on peut mettre des fenêtres où on veut.

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Veste, jupe et collier, CHANEL. Escarpins, GIANVITO ROSSI.

L’O : Vous avez récemment lancé Make it Cute, une entreprise qui fabrique des maisons de jeu durables pour enfants. Ça se passe bien ?
AS : Si vous ouvrez la fenêtre, la moitié de votre corps peut y tenir, et voilà, vous avez votre she-shed ! [Rires.] C’est une petite entreprise combative, et qui commence à prendre de l’ampleur. On a assisté à pas mal d’événements avec d’autres fabricantes, toutes des femmes. C’est une putain d’inspiration, mais en même temps c’est frustrant parce que je n’ai pas fait d’études pour ça. Je n’ai étudié pour rien.

L’O : Vous travailliez, c’est une éducation en soi.
AS : C’est vrai. Je n’ai pas pu assister à mon premier cours à l’université Fordham parce que je bossais sur Lolita malgré moi. Je suis allée à l’école de la vie, c’est sûr. Et à l’école de l’amour. [Rires.]

L’O : Quelle est votre approche de la mode ?
AS : J’adore les sweaters. The Elder Statesman, The Row. Je les trouve géniaux. Je n’en achète pas parce que je ne peux pas.

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Body, DIOR. Ras du cou, MATEO NEW YORK.

L’O : Il vous reste les sample sales [déstockage de pièces légèrement défectueuses ou portées une fois lors de défilés] !
AS : Mais alors je devrais me déplacer pour y aller ! [Rires.] Vous savez ce que j’aime, aussi ? Les vieux jeans. On ne peut plus en acheter des neufs parce qu’ils sont si nocifs pour l’environnement. Quand j’achète du denim, c’est toujours chez Reformation. Et j’ai tout rapporté de ma maison de Los Angeles [qu’elle appelle un “garde-bmeubles géant”]. J’adore les blazers Givenchy. J’ai un costume Stella McCartney que j’ai acheté quand j’avais 21 ans. Des bottes Nicholas Kirkwood en velours. Vous vous rendez compte du privilège ?

L’O : Votre carrière et la mode sont mêlées. Comment c’était d’être le visage de Givenchy ?
AS : J’adore Riccardo Tisci et Clare Waight Keller. J’ai porté beaucoup de pièces de Riccardo. Et puis j’ai été égérie fragrance pendant quatre ans, ce qui m’était difficile. Je n’étais pas très parfums à l’époque, et je ne veux pas être inauthentique.

L’O : Vous venez de laisser un pourboire de 50 dollars au serveur. Ça c’est authentique.
AS : J’avais pris du liquide aujourd’hui !

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Blouson, costume, chemise, cravate et ceinture, SAINT LAURENT.

Crédits :
COIFFURE Renato Campora
MAQUILLAGE Geneviève Herr
MANUCURE Jolene Brodeur
ASSISTANT PHOTO Coop Alexander
ASSISTANTS STYLISME Jordan Grossman et Jamie Spradley

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