Comment Milan a cédé au sportswear
Dès les premières minutes, le défilé Ermenegildo Zegna Couture qui ouvrait les festivités de la semaine de la mode homme milanaise assumait son penchant pour le hiking de luxe. Pantalons en drap de laine mais resserés au bas à la manière d'un jogging, grosses boots sanglées qui auraient plus de légitimité sur les sommets alpins que lors d'un dîner placé, et une horde d'accessoires, de la cagoule au passe-montagne, qui vantent les mérites de l'exploration en altitude. Tendance confirmée durant les trois jours qui suivirent, le sport occupe désormais une place dominante sur les podiums italiens. La preuve avec trois géants du tailoring qui ont commencé le coaching sportswear à haut niveau.
Kiton
L'honorable maison napolitaine qui sévit depuis trois générations dans les hautes-sphères se lance, pour la première fois, dans l'activewear. Dévoilant sa nouvelle ligne, KNT, l'empire du tailoring se lance à corps perdu dans la technicité lainière, et offre une garde robe ergonomique, utilitaire mais jamais dénuée d'élégance aux jeunes loups dynamiques en quête de costume aussi bien coupé que performant. Walter & Mariano De Matteis, les directeurs artistiques de la ligne, comptent bien dédramatiser l'entoilage à la main en le rendant aussi désirable et utile qu'un bon blouson en cuir.
Ermenegildo Zegna Couture
On savait que la maison italienne était plus ou moins sensible aux détails sportswear, de la sneaker revue à la manière d'un brogue ou de vestes croisées qui ont tout de la doudoune sans pour autant clamer leur appartenance au lexique montagnard. Cette saison, à nouveau, Alessandro Sartori explore les limites entre sartorial et technique, engrenant un subtil mélange entre vêtements d'endurance et trois pièces fatto a mano. Ainsi, le costume devient aussi bankable qu'une combinaison de ski lorsqu'on franchit la barre des 2000 mètres d'altitude, surtout lorsqu'il accuse des finitions dignes des plus illustres outfits de Megève. La hiking-boot détrône la derby, et fait son trou aussi bien en ville que sur les pistes. Enfin, le cuir est travaillé à la manière d'une parka, ultra-souple, rembourré, parfait pour combattre les frimas de l'hiver sans pour autant renoncer à sa dignité.
Fendi
Maison de tradition tout d'abord, Fendi a su montrer qu'elle maîtrisait aussi l'art du second degré sans pour autant basculer dans le politiquement incorrect. Pour l'automne-hiver 2018-19, Silvia Venturini Fendi prouve que le sportswear logoté, guest-star des années 2000 et de la quasi-totalité des clips de hip hop, a encore sa place en haut du podium en 2018. Technique mais fitté, sérigraphié "FF" mais ultra sharp, le look est aussi démentiel que le potentiel est sportif. Un 10/10 sur l'échelle du cool, assurément.