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Comment Festen s'est imposé dans le monde de la décoration d'intérieur

En seulement dix ans, le couple Charlotte de Tonnac et Hugo Sauzay, fondateur de Festen, s'est imposé dans le monde de la décoration d'intérieur, de Paris à la Ligurie en passant par Londres, New York et Mexico. Rencontre.

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Portrait Jules Faure

L'OFFICIEL: Pouvez-vous nous rappeler l’ADN de Festen? HUGO SAUZAY: C’est la question la plus dure parce qu’il n’est jamais simple de mettre des mots sur son travail. Mais si on doit résumer, on est une agence de décoration d’intérieur qui travaille sur des bâtiments existants dont on réinvente l’histoire. Notre métier est un lien entre ce qui s’est passé, ce qui se passe et ce qui se passera plus tard. On ne veut pas imposer un style. On travaille essentiellement avec des matériaux naturels, et on a une approche locale. On souhaite être cohérents et justes avec les projets que l’on nous propose. On aime aussi l’imperfection, la patine, les choses qui ne sont pas trop lisses. CHARLOTTE DE TONNAC: On rénove des lieux, sans faire de pastiche. On aime bien sentir l’histoire et le temps passé. On fait des ajustements, jamais de “total look”. HS: On aime bien composer et rester assez libre dans nos choix.La principale qualité que nos clients nous reconnaissent c’est le respect pour les lieux où l’on travaille, ils ont l’impression que les choses ont toujours été comme ça, comme si on n’avait rien fait,alors que, parfois, on a presque tout démoli... Ne pas vouloir être à la mode est la condition pour être intemporel. Cela peut paraître prétentieux car c’est la volonté de tout architecte, mais je pense qu’on nous appelle aussi pour cela.

L'O: Y a-t-il toujours une narration dans vos projets? HS: Elle nous est dictée par le lieu, elle dépend de la communication entre l’architecture, l’histoire, le contexte et les gens qui y vivent.

L'O: Les demandes de vos clients ont-elles changé avec la pandémie? C.D.T: Ce qui était déjà en marche et qui s’est vraiment accentué c'est le travail avec les artisans et les matériaux locaux. On ne va pas chercher un bois exotique à l’autre bout du monde pour le mettre dans un projet parisien. Notre démarche est d’essayer au maximum de travailler dans un circuit court. On avait déjà engagé cette démarche dans nos projets, c’était notre façon d’être responsables. On n’utilise pas forcément des matériaux très innovants, mais on récupère et on restaure au maximim. HS: Les choses qui traversent le temps sont des choses cohérentes. Nous ne sommes pas à la recherche de la parution. On vit dans un monde d’images où tout est photographié et jugé. L’hôtel des Roches Rouges à Saint-Raphaël, où nous sommes intervenus,n’avait pas été pensé pour cela et il l’est pourtant devenu. Après lui, on nous a beaucoup demandé d’imaginer des lieux aussi photogéniques. On a dû refuser une trentaine de projets parce quel’on ne voulait pas refaire la même chose. On s’est donc recentrés.

L'O:L’art contemporain a-t-il une place dans vos projets aujourd’hui? C.D.T : Il commence à en avoir une. Cela vient avec le client, mais c’est assez nouveau. Dans l’hôtellerie, il est difficile de l’intégrer pour des histoires d’assurance. Mais pour des clients privés qui on tune collection, on fait dialoguer la maison avec l’art. C’est l’habitat qui demande à la collection une évolution et pas l’inverse. Et dans ces cas-là, on travaille avec des curateurs puisque on a la culture, mais pas l'expertise. 

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Chambre de l'hotel Splendido Mare à Portofino; Project AD, intériur.

L'O: Qui sont vos artistes préférés? HS & CDT: Not Vital, Joseph Beuys, Jules de Balincourt, Miquel Barcelo, Lucian Freud, Giacometti, Cy Twombly... entre autres.

L'O: Quelle relation entretenez-vous avec la mode, les designers et leurs boutiques? CDT: On fait du conseil pour Nanushka dont on réalise toutes les boutiques à Londres et à New York. On aime leur démarche responsable. Mais on réalise très peu de boutiques. Ce n’est pas là où l’on est le plus à l’aise. Dans l’idée de la boutique, il y a la notion de concept, du “waouh” immédiat, or notre architecture doit être vécue et comprise. C’est donc une démarche différente. Nanushka se rapproche davantage d’un concept-store où l’on passe du temps. On a travaillé aussi avec les parfums Ormaie, pour qui on a développé des objets. Mais ce n’est pas une boutique, c'est plus une collaboration entre directeurs artistiques. 

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Project AD, intérieur

L'O: Racontez-nous votre projet parisien avec Thierry Gillier (fondateur de la marque Zadig & Voltaire et grand collectionneur d’art contemporain) et le directeur artistique Franck Durand HS: L’hôtel Château Voltaire va ouvrir à la rentrée. C’est le projet du fondateur de Zadig & Voltaire, mais il n’a rien à voir avec la marque. Cet espace est son ancien bureau. Après avoir longtemps cherché des architectes, sans succès, ses attentes étant très précises, Thierry Gillier a fait appel à Franck Durand qui nous a recommandés auprès de lui. Cet hôtel est composé de trois bâtiments reliés les uns aux autres, mais d’époque différente avec d’un côté un étage noble et une immense hauteur sous plafond et de l’autre des chambres sous les toits. C’est un condensé deParis à lui tout seul. Thierry Gillier, qui voyage beaucoup, a des goûts très précis, il a ses habitudes autant au Mercer à New York qu’au Chiltern Firehouse à Londres, et il aime le sens du service. Son hotel de 34 chambres a donc été réalisé à partir de sublimes matériaux avec de la moquette à fleurs, des moulures peintes à la main, des plafonds à caissons, un mix de styles sur une base très simple. Il sera très confortable, chaleureux, éclairé d’une lumière tamisée et disposera de son propre restaurant.

L'O: Vous venez aussi de réaliser un très bel hôtel à Portofino pour le groupe Belmond (LVMH), pouvez-vous nous en parler? HS: Oui, on vient de finir le Splendido Mare. Plus de deux ans de travaux pour 16 chambres qui s’ouvrent sur l’un des plus jolis endroits au monde, le port de Portofino. Il symbolise la dolce vit a dans toute sa splendeur. On est parti de l’univers nautique avec du bois verni, des têtes de lit en marqueterie de corde, de la peinture à la main et du marbre de Carrare.

L'O: Quels sont vos chantiers en cours? HS & CDT: Deux hôtels en Espagne, un à Palma, l’autre à Begur,près de Cadaquès. On fait également un hôtel à Nice, dans un ancien couvent, un autre à Mexico, et enfin deux maisons, l’une àLondres et l’autre à New York. 

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Chambre de l'hotel Rochechouart à Paris
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Maison au Cap Ferrat; Chambre et piscine de l'hotel Les Roches Rouges à Saint Raphael

L'O: Vous êtes très connus pour vos projets hôteliers, pouvez-vous nous parler de vos projets de maisons particulières? HS & CDT. Festen a commencé par faire des appartements puis les hôtels sont arrivés : des projets d’envergure, très chronophages. On avait donc arrêté un moment les projets de particuliers car on n'arrivait pas à mettre les équipes en place. Mais les choses sont aujourd’hui différentes. On fait une superbe townhouse à Londres, on vient de commencer une jolie maison à New York,dans Greenwich, et une petite ferme traditionnelle à Lanzarote,équipée tout en solaire, très responsable, pour un de nos clients“historiques”.

L'O: Quels souvenirs gardez-vous de vos projets passés comme les hôtels Pigalle, Les Roches Rouges, Rochechouart...? HS & CDT: Le Pigalle, c’était une première, les gens allaient juger notre travail. C’est grâce à lui qu’on a rencontré Valery Grégo avec qui on a réalisé des projets géniaux. Il est devenu un ami. Il a vraiment éduqué notre regard sur l’hôtellerie. C’était la première fois qu’on travaillait en équipe avec un directeur artistique. Avec Les Roches Rouges, Festen a amorcé un tournant international.Pour le Rochechouart, c’était également une aventure humaine géniale, un projet assez long avec plus d’une centaine de chambres. On a eu un vrai coup de cœur pour le bâtiment Art déco et sa brasserie restée dans son jus. On a retravaillé cet endroit avec ce côté grand hôtel parisien dont on a intensifié l’aspect suranné.Ce n’est pas un hôtel branché, c’est un hôtel touristique et on l’a beaucoup pensé en ce sens sans en faire un pastiche du Moulin Rouge, tout en respectant son quartier, Montmartre.

L'O: Quel est le point commun entre tous vos clients? HS & CDT: À part pour le groupe Belmond, nous travaillons principalement pour des indépendants. Tous sont des gens impliqués, qui veulent se faire plaisir et apporter des choses à l’hôtellerie. S’ils viennent nous chercher, c’est qu’ils ont une sensibilité commune même si tous sont différents.

L'O: Quel lieu aimeriez-vous ajouter à votre carnet de commandes? CDT: Des projets en Italie. HS: Un lieu en rapport avec le voyage comme un train, un vieux bateau on avion. 

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Salon de l'hotel Splendido Mare à Portofino

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