Beauty Rules : la beauté intemporelle selon Peter Philips et Yoon Ahn pour Dior
Le Directeur de la Création et de l’Image du maquillage Dior, Peter Philips, et la designeuse de la joaillerie Dior Homme, Yoon Ahn, parlent de l’intemporalité de la beauté, des inflfluences mondiales et du nouveau rouge à lèvres Rouge Dior Forever.
Texte SOPHIE SHAW
Photographie ANYA HOLDSTOCK
Stylisme JENNIFER EYMÈRE
Alors que les tendances évoluent à la vitesse de la lumière et que la génération TikTok fait la viralité de certains cosmétiques en un éclair, l’approche de Peter Philips prend racine dans l’intemporalité. C’est apparent dans son travail pour les podiums de Dior, où le Directeur de la Création et de l’Image du maquillage Dior se concentre sur des looks beauté qui gardent leur fraîcheur saison après saison. Depuis huit ans, il est resté esthétiquement classique tout en sachant innover en matière de composition des produits, où la performance guide ses créations – comme avec le dernier rouge à lèvres Rouge Dior Forever.
De la même façon, la designeuse de la joaillerie Dior Homme, Yoon Ahn – qui est aussi à la tête de sa propre marque Ambush – fait l’équilibre entre longévité et innovation dans son propre travail, s’emparant des codes maison de Dior et les remixant pour des héritages modernes. Le storytelling est une composante importante pour ces deux créateurs qui travaillent sur les mêmes défilés – le plus récent était le printemps-été 2023 Dior Homme – mais depuis des pôles différents. Le jour du show, on peut voir Philips en coulisses retouchant le maquillage des mannequins, tandis qu’Ahn court en tous sens dans les vestiaires avec des échantillons de bijoux. Créer le “pack complet”, comme le dit Philips, est toujours le but final.
Tous deux se sont réunis virtuellement pour parler avec L’OFFICIEL de la beauté, des influences planétaires et plus encore. Depuis leurs domiciles respectifs de Paris et Tokyo, ils échangent sur leur façon de travailler pour la maison française historique.
L’OFFICIEL : Le but de la mode et du maquillage est de booster l ’estime de soi. Comment cela se reflète-t-il dans votre travail ?
PETER PHILIPS : Je crois que c’est une relation très particulière ce lien entre la mode et la beauté. Quand j’élabore des produits, je dois aussi penser à la femme qui ne connaît pas les dernières tendances de la mode et qui veut juste se sen- tir belle. Tout le monde veut se sentir beau, et chacun à sa manière, overlookée ou discrète, avec juste un peu de fluide hydratant teinté. Tout le monde ne veut pas suivre la mode. C’est un état d’esprit complètement différent. Les gens qui se focalisent sur la beauté veulent un cosmétique avec lequel ils se sentent bien, et en confiance. Donc, quand je crée des produits, je m’assure toujours que mon centre d’attention est la beauté, afin que les femmes et les hommes de tous âges puissent trouver dans mes collections quelque chose qui ne les intimide pas, avec une formule qui va vraiment les aider. Parfois je twiste un détail, comme la couleur, pour montrer qu’on peut jouer avec, de la simplicité à l’extrême.
YOON AHN : Pour moi, le make up, c’est un peu comme un jouet ; chaque fois qu’une nouvelle palette attire mon regard, j’ai besoin de la tester pour voir ce qui la rend fun. J’adore les tendances, essayer de nouveaux maquillages, changer de look, tout en restant fidèle aux produits avec lesquels j’aime travailler et qui ont fait leurs preuves.
L’O : À propos de produits qui attirent l’attention, parlez-nous du nouveau Rouge Dior Forever...
PP : C’est le parfait rouge à lèvres mat longue durée et sans transfert. On peut boire son café sans laisser de trace. Il est proposé dans une magnifique gamme de nuances, qui ont toutes un air naturel. Même les rouges, les brique et les sombres ont cet effet mat.
La 'Parisienne" est une femme très libérée, et notre rôle est de perpétuer son mythe. — Peter Philips
L’O : Un rouge mat longue durée donne une impression de facilité, qui fait référence à l’esthétique de la Française que toutes les femmes essaient d ’imiter.
PP : Ce fantasme de la fille française est pour nous une inspiration. Nous proposons des produits, des designs, des compositions, des textures, des images qui vous aident à recréer cette figure, cette allure, incarnées par quelques Françaises iconiques. Quand on se balade dans Paris, on croise cette “Parisienne”, cette fille idéalisée, libérée. On est là pour garder ce mythe vivant.
YA : Il me semble que toute cette esthétique “clean girl” qui commence à émerger est la nouvelle version de la Française, avec ce maquillage façon no make up, les cheveux naturels, des coloris minimalistes...
PP : Oui, ça a l’air d’être sans effort. C’est un peu comme si elle venait de se réveiller, elle s’attache les cheveux, se met un soupçon de maquillage, puis elle sort. C’est toujours élégant. Elle joue parfois la carte de la bouche rouge, dans un esprit seventies, à la façon de Catherine Deneuve, les cheveux au vent, habillée d’un chemisier en soie naturelle. Très différente de la New-Yorkaise toujours sous contrôle. Ou de la fille de LA qui fait beaucoup d’efforts pour avoir l’air sans effort. Avec les Françaises, c’est une histoire de nonchalance. C’est quelque chose sur quoi on travaille tout le temps, et ça évolue avec la mode et le temps.
L’O : Voyez-vous ce côté “sans effort” dans les rues de Tokyo ?
YA : Non, à Tokyo, les femmes appréhendent le maquillage de façon très calculée. Il y a pas mal de fantasme autour de ce que peut être l’esthétique à Tokyo, qui semble resté bloqué dans les nineties et les années 2000. Si vous vous y rendez aujourd’hui, vous verrez que la tendance est au beige, et cela depuis les cinq dernières années... Littéralement sans couleur. Tout comme la façon de s’habiller, qui penche vers l’informe, bien que tout cela soit également très contrôlé. J’aimerais beaucoup voir la féminité retrouver un peu de son piquant.
L’O : Vous devez très souvent rêver de nouveaux produits, l’un comme l ’autre. Comment gérez-vous la pression de l ’innovation constante ? Vers quoi vous tournez-vous pour l ’inspiration ?
PP : Quand je travaille sur des shows, je dois prendre en considération la vision du créateur, et c’est elle qui me gui- de. Où est-ce que j’insiste, où est-ce que je me retiens ? Que puis-je faire pour compléter sa vision, en collaboration avec toute l’équipe en backstage? Je dois aussi m’assurer que mon maquillage est équilibré. La collection est vendue dans le monde entier, et elle doit plaire aux femmes, aux hommes, à n’importe qui se retrouvant devant une vitrine, de l’Amérique du Sud à l’Asie, de l’Australie à l’Europe. Tous ont des attentes différentes concernant leurs cosmétiques. Des standards de beauté aux rituels maquillage, en passant par les différences de climats, chacun a ses propres besoins. Dans cette optique, j’essaie d’être créatif et de faire ce que je peux avec mes couleurs et mes collections. En aucun cas cela ne me dérange de travailler avec ces limites, au contraire, puisqu’elles poussent à chercher encore et toujours. Sans limites, on se perd facilement.
YA : Je pense que le design est là pour résoudre des problèmes. C’est un peu différent de la beauté, bien que l’approche créative puisse comporter des points en communs. Pour la maison Dior, n’est-on pas confronté à la question de la longévité? Est-ce que c’est un design qui va durer ? A-t-il un sens dans l’ensemble du storytelling de la maison ? Cela consiste-t-il à se replonger dans l’héritage de la mai- son pour revisiter certains éléments ? ou tout simplement les remettre en avant? Je ne vois pas cela nécessairement comme une pression. J’ai une compréhension claire de ce qu’est l’objectif quand je dessine.
Je pense que le design est là pour résoudre des problèmes [...] et j'ai une compréhension claire de ce qu’est l’objectif quand je dessine. — Yoon Ahn
L’O : Peter, quels sont les pays qui influencent le plus le monde de la beauté ?
PP : Au niveau des produits, c’est la Corée, sans aucun doute, toujours la première à innover, que ce soit avec la BB cream, ou le fond de teint cushion. Dans le luxe, Paris a toujours été en tête. Mais les réseaux sociaux changent aujourd’hui la donne. Maintenant, on peut commander en ligne et tout obtenir. C’est une merveilleuse occasion de s’amuser, de faire des découvertes, de s’exprimer. Alors d’où vient l’inspiration ? Qui en est le chef de file ? C’est un melting-pot, une bonne représentation du monde d’aujourd’hui. Un joli mélange d’influences, d’inspirations et de modes d’expression.
MAQUILLAGE : Peter Philips
COIFFURE : Seb Bascle
DIGITAL TECH : Benjamin Markowicz
ASSISTANTS PHOTO : Pawel Herman et Octave Pineu Furet
ASSISTANT STYLISME : Kenzia Bengel de Vaulx
ASSISTANTS MAQUILLAGE : Julie Camus et Yazid Mallek
TRADUCTION : Alan Smithee