Fondation d’entreprise Martell, nouveau cœur battant de Cognac
L’OFFICIEL ART : Quel a été, pour la Maison Martell, le facteur déclencheur du désir de création d’une Fondation d’entreprise ?
CÉSAR GIRON : Lorsqu’il y a un peu plus de deux ans j’ai rencontré Nathalie Viot autour du projet de développement d’une entité à Cognac, nous n’avions ni idée précise de ce que nous allions faire, ni le premier euro pour réaliser le projet mais nous étions convaincus de disposer d’une très bonne équipe, de la passion et de la fierté de l’entreprise. Lorsque Martell a quitté ce bâtiment historique d’embouteillage de Gâtebourse pour investir le site de Lignères, beaucoup d’anciens nous ont fait part d’une forme de nostalgie de ce lieu de travail et de vie que, pour certains, ils ont fréquenté pendant des décennies. Lorsqu’en 2016 Vincent Lamouroux, à l’initiative de Nathalie Viot – directrice de la Fondation –, a été invité à “habiter” les lieux dans le cadre de son installation, il nous a fait part du fait qu’à ses yeux, parler d’un bâtiment désaffectéc’est évoquer un édifice pour lequel on n’a plus d’affection. J’avais trouvé ces mots très justes, et via l’ouverture de la Fondation, on prend réellement la mesure du travail accompli par l’ensemble des équipes. Notamment au regard des difficultés climatiques que nous avons rencontrées (inondations dues aux pluies diluviennes…). Lorsqu’une quinzaine de jours avant l’ouverture j’ai fait une visite de chantier, je n’ai pas montré mon inquiétude, car il n’y a pas place ici pour l’inquiétude, mais les dégâts étaient lourds... Toutes les équipes se sont alors mobilisées et ont accompli un travail remarquable pour respecter le calendrier d’ouverture de la Fondation.Et je dois dire que je suis fasciné par l’évolution du projet de la Fondation, notamment le fait que durant deux ans, bien que ne disposant pas de son architecture définitive, elle a vécu pleinement et reçu un nombreux public.
Pourquoi le choix d’une installation à Cognac et quelles interactions avec les habitants ?
Je pense que le rôle des entreprises est également de contribuer par un apport à la communauté et à la ville où elles sont établies. Notre projet prenait donc ici pleinement sens. En effet, si une entreprise comme Martell qui fonctionne bien parvient, grâce à cette réussite économique, à apporter un élément additionnel à l’entité de la ville, de la région cela me paraît juste. Nous disposions, au centre de Cognac, de ce bâtiment historique (1929) devenu obsolète, car privé de son usage initial, après avoir été en activité durant près de 80 ans, puis sans fonction spécifique durant une dizaine d’années. Deux options se présentaient à nous, soit le démolir, soit le rénover : c’est ce que nous avons choisi de faire. Il était à l’origine ceint de murs sur toute la longueur, empêchant toute visibilité depuis la rue, le substituant, donc, au regard des habitants de la ville et de ses visiteurs. Par ailleurs, le bâtiment étant entièrement vide, il nous fallait le mettre en valeur, le faire vivre. Aussi, il y a deux ans, en anticipation, nous avons réalisé l’exposition avec Vincent Lamouroux, puis, l’an dernier, nous avons invité le duo d’architectes espagnols SelgasCano à composer un pavillon installé dans la cour. Il est extraordinaire de voir combien les habitants de la Ville et de la région se sont appropriés cet espace de 1 350 mètres carrés. Ainsi, chaque mardi nous accueillons “La Ruche qui dit oui” autour de la présentation de produits locaux (fruits, légumes, salaisons, fromages…). Ce qui présente le triple intérêt de générer de la convivialité, de faire travailler les producteurs locaux et d’enrichir de sens complémentaires ce pavillon. Par ailleurs, il est utilisé comme espace d’exposition par la direction artistique qui programme des artisans de la Nouvelle Aquitaine : céramique, verre, osier, bois. Nous y avons également réalisé des événements théâtraux et musicaux.
Quel regard portez-vous sur la Fondation aujourd’hui, quels sont les projets à court et moyen termes ?
Dès les débuts, j’ai accordé toute ma confiance à Nathalie Viot, qui se trouve largement récompensée par les réalisations qui ont égrené les deux années de préfiguration. Par sa conviction, sa passion, son énergie elle est parvenue à donner vie et forme à la Fondation. Mais ce projet de Fondation au sein du bâtiment de Gâtebourse n’aurait jamais pu être mené à bien sans l’assentiment de tous. Aujourd’hui, l’ouverture du rez-de-chaussée marque le premier jalon d’un plus ample projet qui verra l’aménagement au premier étage d’un espace dédié aux résidences croisées d’artisanset de créateurs de divers univers, puis au deuxième étage d’un lieu consacré aux arts numériques. Ainsi, la Fondation est amenée à évoluer au fil du temps, à s’enrichir pour offrir aux publics des choix culturels pluriels.
Le projet, s’il est profondément inscrit dans le local développe une ambition plus largement nationale et internationale.
Depuis l’origine, notre rêve, notre vision est de faire de la Fondation d’entreprise Martell une entité telle qu’elle permettrait de renforcer les attraits de Cognac et de la région pour faire de la ville un véritable lieu de destination. En ce sens, nous participons à une dynamique collective, ainsi, les Chais Monnet, hôtel 5 étoiles situé à proximité de la Fondation, ouvrira ses portes en septembre, les Quais viennent d’être entièrement restaurés, laissant découvrir une promenade élégante et propice à la flânerie, aux balades à vélo... Chacun des acteurs locaux va progressivement apporter sa contribution. A terme l’ensemble constituera un lieu beau, passionnant et accueillant pour tous. L’ouverture à l’international nous est également favorisée par les membres du conseil d’administration de la Fondation que nous avons choisis : des personnalités d’Afrique du Sud, du Mexique, de New York, de Hong Kong et de Bordeaux... et je trouve cela particulièrement stimulant.
80 ans d’exercice au sein de l’ex-manufacture d’embouteillage de Gâtebourse, et autant de générations qui se sont appliquées à enrichir le lieu de la mémoire du geste, de leur présence… tout cela étoffe le bâti, c’est ainsi une sorte de sédimentation qui amplifie l’identité du lieu...
Notre Fondation, si elle est très réfléchie, laisse aussi la part belle à l’imprévu. Ainsi, Nathalie Viot a eu l’idée de faire intervenir des graffeurs durant les travaux afin qu’ils s’approprient une partie des murs du 2eétage. Leurs graffs étaient destinés à être photographiés et conservés dans les archives de la Fondation, avant d’être recouverts dans le cours de la poursuite des travaux. Mais en les découvrant, je les ai trouvés si forts que décision a été prise de les préserver : ils font donc désormais partie de l’identité du bâtiment. Ainsi, je dirais que le bâtiment ne renferme pas de mémoire collective, mais une émotion collective, nourrie par tous et à destination de tous. Le bâtiment prend de chacun et donne à chacun. En ce sens, nous n’avons pas réalisé la Fondation dans un jeu concurrentiel, mais dans un esprit contributif à la densité et à l’image de la Ville de Cognac, de ce fait, cette énergie que nous tentons d’insuffler va imprégner, nous l’espérons, le tissu urbain et les autres entités présentes dans la ville sur le domaine propre du cognac.
Dans quelques jours la Fondation accueillera les premiers visiteurs du toit-terrasse où est établi le bar Indigo by Martell, une manière pour vous de créer un nouveau lieu d’art de vivre dans la ville ?
Tous nos visiteurs exprimaient le souhait de bénéficier du panorama offert depuis la terrasse, aussi, il nous a paru plaisant d’agrémenter la vue, il est vrai, splendide sur la ville et au-delà, d’un moment de convivialité. Ainsi, nous y proposons des cocktails avec ou sans cognac, mais également des cocktails sans alcool et un choix de produits régionaux pour accompagner les différents moments de la journée.
On sait ce que la Maison Martell apporte à la Fondation mais qu’est-ce que la Fondation prodigue à la Maison Martell ?
La fierté. C’est déjà beaucoup.
Fondation d’entreprise Martell
16, avenue Paul Firino Martell, 16100 Cognac, France
www.fondationdentreprisemartell.com/
“L’ombre de la vapeur”, installation immersive, numérique et sonore par Adrien M & Claire B.
du 30 juin 2018 au printemps 2019.
“Shine a Light”, lustre par Nathalie Talec
(première réalisation du programme de commandes de mobilier d’artistes, designers et artisans).
Pavillon SelgasCano, expositions de pièces d’artisanat
(bois, osier, céramique, verre par des créateurs régionaux),
depuis le 30 juin 2017.