Architecte, designer, architecte d’intérieur, enseignant à l’école Camondo, collectionneur d’art : Charles Zana aime à multiplier les expertises pour servir sa vision panoramique de l’espace. Parmi ses sources d’inspiration, les céramiques d’Ettore Sottsass, dont il a acquis des pièces essentielles, bien avant le regain d’intérêt actuel pour cette discipline… L’Officiel l’a rencontré dans son appartement de la Rive gauche.

Une fa&ccedil;ade XVIIIe si&egrave;cle, nul signe ostentatoire. La plaque de l&rsquo;interphone, plac&eacute;e c&ocirc;t&eacute; rue, n&rsquo;indique que les initiales des occupants de l&rsquo;immeuble de cet &eacute;nergique quartier du 6e arrondissement. Une cour pav&eacute;e, de belles dimensions, laisse appara&icirc;tre, au-del&agrave; du mur d&rsquo;enceinte, les hautes ramures de diverses vari&eacute;t&eacute;s d&rsquo;arbres. Pr&eacute;cieuse et si rare canop&eacute;e urbaine. Il r&egrave;gne ici, un air de dolce vita m&acirc;tin&eacute;e de classicisme rigoureux. Sur le seuil de la porte de verre et fer forg&eacute;, Charles Zana accueille le visiteur, esquisse de sourire, regard concentr&eacute;. Dans l&rsquo;antichambre qui pr&eacute;c&egrave;de l&rsquo;escalier de pierre menant &agrave; l&rsquo;&eacute;tage unique, la Favela Chair, d&rsquo;Humberto et Fernando Campana, voisine avec un grand format de Taryn Simon et des pi&egrave;ces d&rsquo;Ettore Sottsass. Zana est un collectionneur assidu des c&eacute;ramiques du fondateur du groupe Memphis. L&rsquo;&eacute;t&eacute; 2017, &agrave; l&rsquo;occasion du dixi&egrave;me anniversaire de la disparition du cr&eacute;ateur embl&eacute;matique, il a rassembl&eacute; soixante-dix pi&egrave;ces en une magistrale exposition, &ldquo;Dialogo&rdquo;, tenue dans la boutique Olivetti de la place Saint-Marc, &agrave; Venise. &ldquo;Sottsass est l&#39;un des premiers &agrave; avoir anticip&eacute; la transgression des fronti&egrave;res entre design et art&rdquo;, indique Zana. Le Transalpin a, en effet, extrait la c&eacute;ramique de son statut d&rsquo;objet d&eacute;coratif pour l&rsquo;impliquer dans la traduction des grands moments de l&rsquo;existence.

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Ettore Sottsass a extrait la céramique de son statut d’objet décoratif pour l’impliquer dans la traduction des grands moments de l’existence.

Ses s&eacute;ries &ldquo;C&eacute;ramiques des t&eacute;n&egrave;bres&rdquo; et &ldquo;C&eacute;ramiques des lumi&egrave;res&rdquo; &ndash; issues de voyages initiatique et th&eacute;rapeutique en Inde puis aux Etats-Unis &ndash; en t&eacute;moignent. &ldquo;Faire du design, ce n&rsquo;est pas donner forme &agrave; un produit plus ou moins stupide pour une industrie plus ou moins luxueuse. Pour moi, le design est une fa&ccedil;on de d&eacute;battre de la vie&rdquo;, soulignait-il. 
N&eacute; en 1917, Sottsass traverse des pans entiers de l&rsquo;histoire du XXe si&egrave;cle &ndash; notamment le fascisme &ndash;, alignant plus de soixante-ans de r&eacute;flexion et de cr&eacute;ation, explorant aussi bien les classiques que la contre-culture. Zana a collect&eacute; une trentaine de pi&egrave;ces du maestro, rares prototypes des ann&eacute;es 1960 &agrave; 1970 aux pi&egrave;ces des ann&eacute;es 1990, en passant par les luminaires de la p&eacute;riode Alchimia. Install&eacute;es sur des tables et gu&eacute;ridons &ndash; sign&eacute;s Christian Liaigre, Sottsass himself &ndash;, ou dispos&eacute;s &agrave; m&ecirc;me le parquet Versailles, dans le cas des totems, ces pi&egrave;ces ponctuent presque chacun des espaces de l&rsquo;appartement. Pr&egrave;s de 190 m&egrave;tres carr&eacute;s tout en longueur, prolong&eacute;s par une g&eacute;n&eacute;reuse terrasse recouverte de caillebotis.

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ZANA-EXPOSITION DIALOGO-VENISE-4©Mathieu Salvaing.jpg

Dans les salons en enfilade, les boiseries peintes d&rsquo;un d&eacute;licat vert d&rsquo;eau s&rsquo;interrompent pour accueillir de hautes biblioth&egrave;ques garnies de livres d&rsquo;art et de livres d&rsquo;artistes, mais aussi de chemin&eacute;es. Subtile association d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments classiques et de pi&egrave;ces contemporaines : la cr&eacute;ation italienne est omnipr&eacute;sente. Ainsi, Andrea Branzi, autre t&eacute;nor du groupe Memphis, &eacute;claire l&rsquo;escalier d&rsquo;une sculpturale suspension, quand les si&egrave;ges de Carlo Mollino dardent la perfection de leurs lignes. Ici, les objets vivent pleinement, loin du statut de leur seule raret&eacute;. Ils peuplent les espaces avec toute l&rsquo;intelligence et la fonctionnalit&eacute; qui leur ont &eacute;t&eacute; conf&eacute;r&eacute;es par leurs cr&eacute;ateurs. Une volont&eacute; que Charles Zana a pos&eacute;e comme un credo, &ldquo;Sottsass m&rsquo;int&eacute;resse particuli&egrave;rement en ce qu&rsquo;il n&rsquo;a jamais cess&eacute; de s&rsquo;interroger et d&rsquo;interroger la soci&eacute;t&eacute;. Une fa&ccedil;on d&rsquo;activer le d&eacute;sir en permanence : d&eacute;sir de beaut&eacute;, d&eacute;sir de sens. Cela rejoint mon id&eacute;al de vie, j&rsquo;aime, au quotidien, &agrave; m&rsquo;entourer d&rsquo;objets sign&eacute;s, d&rsquo;&oelig;uvres d&rsquo;art qui impr&egrave;gnent mon existence. Un int&eacute;rieur ne doit pas &ecirc;tre un mus&eacute;e, mais une entit&eacute; rayonnante, un c&oelig;ur battant.&rdquo;

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“Sottsass m’intéresse particulièrement en ce qu’il n’a jamais cessé de s’interroger et d’interroger la société. Une façon d’activer le désir en permanence : désir de beauté, désir de sens.” CZ

Physique de lutteur, regard pos&eacute;, Charles Zana a traduit sa pr&eacute;disposition pour les math&eacute;matiques et un go&ucirc;t prononc&eacute; pour le dessin en une formation d&rsquo;architecte DPLG. Ses deux fr&egrave;res, l&rsquo;un chirurgien, l&rsquo;autre r&eacute;alisateur de cin&eacute;ma, ont tranch&eacute;. Au d&eacute;but des ann&eacute;es 1990, Zana s&rsquo;&eacute;tablit un temps aux Etats-Unis, collaborant aupr&egrave;s de plusieurs cabinets d&rsquo;architecture d&rsquo;int&eacute;rieur. L&rsquo;&eacute;poque est &agrave; une vision totale de la d&eacute;finition de l&#39;espace, &agrave; l&rsquo;instar de la cr&eacute;ation fran&ccedil;aise des ann&eacute;es 1930, illustr&eacute;e par des figures comme Pierre Chareau, lui aussi architecte de formation. &ldquo;Je n&rsquo;ai pas le sentiment d&rsquo;avoir chang&eacute; de m&eacute;tier, j&rsquo;ai toujours travaill&eacute; l&#39;architecture d&#39;int&eacute;rieur avec une vision d&#39;architecte, en raisonnant avec une analyse de l&#39;existant&rdquo;, indique Zana.

APT GRENELLE HD - CHarles Zana 2016 (13) - ©Mathieu Salvaing.jpg

Charles Zana a collecté une trentaine de pièces du maestro transalpin, rares prototypes des années 1960 à 1970 aux pièces des années 1990, en passant par les luminaires de la période Alchimia.

Comment per&ccedil;oit-il les deux activit&eacute;s ? &ldquo;Le d&eacute;corateur est, selon moi, un ensemblier, l&#39;architecte est plut&ocirc;t un passeur de technique, concentr&eacute; sur une logique de construction&rdquo;. Si aujourd&#39;hui les deux se m&ecirc;lent, quelles sont ses r&eacute;f&eacute;rences en design pur ? &ldquo;J&#39;appr&eacute;cie beaucoup le travail des fr&egrave;res Bouroullec : ces designers ont un raisonnement d&#39;architecte, et, &agrave; l&#39;inverse, certains architectes d&eacute;veloppent des raisonnements de d&eacute;corateurs.&rdquo; L&rsquo;adaptation aux lieux, aux cultures et aux clients est, bien entendu, un postulat essentiel &agrave; la qualit&eacute; d&rsquo;un projet. Aujourd&rsquo;hui &agrave; la t&ecirc;te d&rsquo;une agence d&rsquo;une vingtaine de collaborateurs, Zana applique &agrave; l&rsquo;ensemble de l&rsquo;&eacute;quipe un modus operandi infaillible, quel que soit le domaine d&rsquo;action : &ldquo;En ce moment, par exemple, nous travaillons pour Goyard, cela m&#39;int&eacute;resse de comprendre ce que signifie &ecirc;tre un client tr&egrave;s en phase avec la mode, &agrave; partir d&#39;analyse et de r&eacute;flexions que j&#39;ai apprises en architecture. Le respect d&#39;un existant n&eacute;cessite souvent de se conformer &agrave; un cheminement historique.&rdquo; Client priv&eacute; ou entreprise, l&rsquo;intention de d&eacute;part pour Zana porte sur deux aspects, l&rsquo;&eacute;coute et la main : r&eacute;cits familiaux, sagas&hellip; transcrits non pas en images ex nihilo, mais en croquis qu&rsquo;il r&eacute;alise.

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A ce versant, s&rsquo;ajoute une autre sph&egrave;re d&rsquo;action en lien avec son propre terreau artistique qui lui a permis de cr&eacute;er une activit&eacute; issue du lien privil&eacute;gi&eacute; nou&eacute; avec les collectionneurs. Pour lesquels il met en sc&egrave;ne des int&eacute;rieurs. &ldquo;L&rsquo;agence est b&acirc;tie sur un certain r&eacute;seau de culture : nous participons &agrave; des &eacute;v&eacute;nements, nous essayons d&#39;&ecirc;tre acteurs du paysage culturel fran&ccedil;ais. Nous travaillons ainsi beaucoup autour des collections, et pas uniquement d&#39;art contemporain. Nous avons ainsi orchestr&eacute; un espace pour des collectionneurs fran&ccedil;ais orient&eacute;s vers l&#39;art des ann&eacute;es 1950-60&rdquo;. La probl&eacute;matique de la collection est une activit&eacute; que Zana conna&icirc;t bien, il est d&rsquo;ailleurs charg&eacute; de cours &agrave; l&rsquo;&eacute;cole Camondo sur comment int&eacute;grer une collection dans un projet d&#39;architecture. A la mani&egrave;re des grands chefs qui, ma&icirc;trisant intimement les classiques, sont en mesure de les transcender, Zana fait partie de la g&eacute;n&eacute;ration d&rsquo;architectes d&rsquo;int&eacute;rieur qui b&eacute;n&eacute;ficient de la connaissance d&rsquo;un h&eacute;ritage de savoir-faire et d&rsquo;un patrimoine culturel fran&ccedil;ais, voire parisien, tr&egrave;s forts, et sont &agrave; m&ecirc;me de proposer une vision &agrave; l&rsquo;aune contemporaine, sans heurts ni contresens. &ldquo;Le style fran&ccedil;ais est une syntaxe &agrave; la fois limpide et complexe : c&#39;est une fa&ccedil;on de proportionner, de voir, l&#39;&oelig;il agit comme un outil de mesure. Il est donc important pour nous de le nourrir esth&eacute;tiquement.&rdquo; Une volont&eacute; adoss&eacute;e &agrave; l&rsquo;expertise des ouvriers d&rsquo;art qui, souvent issus du compagnonnage, poss&egrave;dent le d&eacute;sir et la capacit&eacute; d&#39;allier tradition et modernit&eacute;. &ldquo;Dans certains pays o&ugrave; la culture est plus r&eacute;cente, les comp&eacute;tences techniques sont pr&eacute;sentes mais il manque parfois les r&eacute;f&eacute;rences et l&#39;inspiration&rdquo;, ajoute Zana.

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Comment le designer de mobilier qualifie-t-il ses propres r&eacute;alisations ? &ldquo;Aujourd&#39;hui nous &eacute;voluons, me semble-t-il, dans un mobilier assez compliqu&eacute;, je tente donc de cr&eacute;er des pi&egrave;ces aux constructions simples, confortables, porteuses de lignes fluides. Ce d&eacute;sir d&rsquo;&eacute;pure s&lsquo;accompagne de l&rsquo;utilisation de tr&egrave;s beaux mat&eacute;riaux, et du souci constant d&rsquo;&eacute;viter la surcharge d&#39;informations.&rdquo; 
Dans l&rsquo;alc&ocirc;ve et la salle &agrave; manger, des c&eacute;ramiques de Fernand L&eacute;ger et de Georges Jouve, des dessins d&rsquo;Adel Abdessemed, une toile de Laurent Grasso et des photographies d&rsquo;Hiroshi Sugimoto continuent d&rsquo;entonner leur petite musique.

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Agence Charles Zana 
13, rue de Seine, 75006 Paris 
ouverture du Showroom L&rsquo;Annexe courant 2018 
<a href="http://www.zana.fr">www.zana.fr</a>

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Charles Zana, Sottsass addict !

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