Terroir, mon beau terroir
“J’ai dû découvrir le champagne vers l’âge de 4 ou 5 ans, en compagnie de ma sœur, en finissant les fonds de verre, confie le chef de caves Cyril Brun. Mes premières dégustations sérieuses ont eu lieu dix ans plus tard, je suis né dans une famille de vignerons-négociants, c’était tout naturel ! J’ai vite appris à goûter des vins très différents. Mon premier poste dans l’œnologie était dans le Bordelais, pour le domaine Haut-Brion; cette expertise m’a beaucoup servi. Il faut apprendre à être curieux, ce qui est essentiel quand on travaille dans ce domaine.
J’adore particulièrement l’étape de l’assemblage. On peut customiser un vin, modifier tel ou tel détail, combiner des éléments paradoxaux, la fraîcheur et le capiteux, mettre en avant des aspects imprévus par la théorie. Je me plonge régulièrement dans nos archives, deux fois par an, je fais une dégustation verticale, en remontant jusque dans les années 70. Comparer les profils des millésimes est très instructif, par exemple la cuvée de 2018 partage la gour- mandise de celle de 2006.
Si les fondamentaux du vieillissement vont changer, et que la maison va les accompagner, les recettes d’un assemblage réussi n’ont pas tellement évolué. Il faut être capable de reproduire un certain style, lui être fidèle, tout en accom- pagnant son rajeunissement, aller vers la nouvelle clientèle, plus friande de fraîcheur que dans les années 90 ou début 2000, quand les vins demandés étaient un peu plus lourds. L’autre grand débat actuel porte sur le dosage en sucre. Nous sommes aux alentours de 11 grammes, ce qui pour moi est le bon équilibre. Il faut faire de la pédagogie sur ce point. Avec cette valise (réalisée en série limitée à 300 coffrets à 450 euros chacun), on avait envie de partager, nos coups de cœur, en faisant découvrir quatre crus de chardonnay, pour montrer notre travail, faire partager notre passion, faire voyager, mettre en lumière les synergies.
Nous travaillons sur 80 hectares, avec un certificat HVE de niveau 3 (Haute Valeur Environnementale, certification née en 2012, qui atteste que l’ensemble de l’exploitation, par ses pratiques, participe à la préservation des zones naturelles des parcelles et de leur proche environnement, ndlr). Nous couvrons ainsi environ 80% de nos raisins, on sera à 100% d’ici 2026, 2027. C’est une question éthique et de survie, nos acheteurs nous disent que, très vite, cela ne sera même pas la peine d’envoyer des échantillons de dégustation si la conversion n’est pas complète. J’ai un double rapport à la dégustation : quand je suis en mode professionnel, je décrypte tout, chaque gorgée, chaque bulle... Mais à la minute où je passe en mode privé, après un petit laps de temps, mon plaisir est plus spontané. Il m’est impossible de vivre ce métier sans plaisir, le critère émotionnel est essentiel. Un champagne réussi ? Un champagne que l’on finit !”