Il faut d’abord réussir à décrocher son regard de l’horizon, des noces de la lumière et de l’eau, et ça, ce n’est pas une mince affaire... Pourtant, la ville présente bien d’autres merveilles, 100 % urbaines celles-ci, à travers tous ces grands noms de l’architecture qui y ont laissé leur signature. En 1943, les dynamitages allemands ont dévasté le quartier du Vieux-Port et laissé des milliers de sinistrés. Après-guerre, s’ouvre donc la période de la Reconstruction avec ses grands projets, ses grands chantiers, ses grandes luttes aussi, entre les “starchitectes” d’alors. Le Corbusier, soutenu directement par l’État, trouvera l’occasion de concrétiser là, à l’écart du centre-ville, son projet expérimental d’Unité d’habitation en béton brut de la manière la plus aboutie : la Cité radieuse. Aujourd’hui, boulevard Michelet, le monolithe corbuséen, genre de paquebot brutaliste, arbore plus que jamais ses couleurs primaires et son air de défi. On vient de loin pour le voir. Le bâtiment est habité par des particuliers, souvent d’inconditionnels du Maître, mais deux appartements classés dont un témoin sont destinés à éclairer les visiteurs sur la façon dont Le Corbusier (avec l’aide de Perriand, Prouvé, Xenakis, Candilis) a voulu créer des “machines à vivre”, et offrir les “équivalents de la richesse” aux plus modestes. Dans une des “rues intérieures” (comme on doit dire), un hôtel-restaurant, une boulangerie et la belle librairie-maison d’édition Imbernon attestent de la (sur)vie de la place du village vertical. L’école maternelle reçoit toujours les enfants de l’immeuble (et du quartier), qui ont la jouissance d’une cour de récréation et d’une pataugeoire sur le toit-terrasse, où l’on retrouve également un théâtre en plein air et le centre d’art MaMo dans l’ancien gymnase. Dans le centre-ville, sur le Vieux-Port, Fernand Pouillon (“élève” d’Auguste Perret, employé, lui, à reconstruire Le Havre) parvient à imposer sa vision moderne, mais moins radicale et conceptuelle que celle de Le Corbusier, adoucie par l’usage de matériaux traditionnels comme la pierre, la céramique, le bois et le fer forgé. En déambulant entre le quai du Port et le quartier de la Tourette, on découvre ainsi toute une série d’immeubles 50s avec loggias, moucharabiehs et portes d’entrée travaillées, sculptées, ornementées, qui attestent de l’esprit de conciliation de Pouillon. “Le Corbusier est un créateur, je suis un continuateur”, disait-il. Le jeune architecte, moins clivant que son aîné, laissera son empreinte dans une grande partie de la vieille ville, comme un trait d’union entre passé et avenir, Orient et Occident, fidèle à l’esprit de la capitale de la Méditerranée.
CARNET DE ROUTE
Où dormir?
La Résidence du Vieux-Port. Cet hôtel signé André-Jacques Dunoyer de Segonzac est une plongée dans les années 50, avec une vue plein cadre sur le Vieux-Port. Idéal pour découvrir le quartier de le Reconstruction. (Hotel-residence-marseille.com)
Les Bords de Mer. Récemment ouvert sur la Corniche, à 5 minutes à pied du Vieux-Port, cet hôtel les pieds dans l’eau offre une vue époustouflante sur la mer. Le spot parfait pour combiner visites et farniente. (Lesbordsdemer.com)
À ne pas manquer :
Mucem. Jusqu’au 2 septembre, l’expo “Jean Dubuffet, un barbare en Europe”. L’inventeur de l’art brut, à la fois peintre, écrivain, sculpteur, critique, n’a eu de cesse de remettre en question l’art et la culture de son temps, et d’ouvrir de nouvelles voies de création. (Mucem.org)
Galerie moderne/s. Juste derrière le Vieux-Port, en allant vers le Panier, cette microgalerie toute neuve aux allures d’appartement moderniste propose des objets d’art et de design originaux des années 30 à 80. (38, rue Henri-Tasso)
Brasserie Les Fenêtres, hôtel Intercontinental - Hôtel Dieu. Il serait déraisonnable de repartir sans avoir goûté au milkshake de bouillabaisse signé du chef de file de la gastronomie marseillaise, l’étoilé Lionel Levy.