Le meilleur safari se trouve à 40 kilomètres de Paris
Des lions à 40 kilomètres de Paris ! C’est ainsi que Philippe Bouvard annonçait dans un numéro du Figaro de 1968 l’ouverture d’une réserve africaine dans le parc du château de Thoiry, vénérable demeure des comtes de La Panouse construite au XVIe siècle. C’est Paul, dernier du nom, tout juste 81 ans, qui a imaginé ce projet surréaliste afin de sauver de la ruine le domaine familial. Cinquante ans plus tard, dans le beau livre qu’il consacre à cette folle aventure, il écrit : “Les animaux ont sauvé le château mais celui-ci en reproduisant les espèces en voie de disparition préserve la biodiversité de la planète.” Vingt-trois millions de visiteurs plus tard, nul ne songe à lui donner tort. Thoiry est devenu un mythe, une arche de Noé à ciel ouvert où zèbres, koudous, girafes et rhinocéros se promènent en liberté alors qu’à quelques mètres de là se profilent les somptueux jardins à la française et la façade Renaissance du château. “Dans la réserve africaine, les animaux sont en liberté et les visiteurs en cage dans leur voiture”, comme le note très justement Paul de La Panouse. Depuis lors, sont venus s’ajouter nombre d’activités comme la tyrolienne au-dessus de la savane, le camion brousse ou le tunnel des lions, ainsi qu’une réserve américaine où bisons et loups blancs contemplent nonchalamment les automobilistes tandis que des ours viennent gratter à leur vitre. Frissons garantis.
Tout n’a pas été aisé pourtant et le jeune châtelain a failli y laisser la vie. Un jour, alors qu’il prenait la pose pour les photographes, un des éléphants, en rut, l’a chargé quatorze fois de suite avant qu’il ne réussisse à ramper jusqu’aux câbles électriques de leur enclos. Cela n’a entamé en rien son enthousiasme ni son énergie. En témoigne la vigueur avec laquelle il parcourt les salons en enfilade pour évoquer les trésors que recèlent ces pièces, ouvertes à la visite : pastels, tapisseries, tables en marqueterie, porcelaines de Chine ou encore ce piano où Chopin donnait des leçons à l’une de ses aïeules. Là où il est intarissable, c’est sur les proportions du château, imaginées selon la règle du nombre d’or. Petit miracle d’architecture qui fait du bâtiment “le pivot d’un calendrier solaire dont l’horizon est le cadran et les aiguilles sont les axes des transparences des fenêtres.” Au solstice d’hiver, le soleil se couche pile dans l’axe du vestibule central au-dessus de la plaine. Décidément, Thoiry est un miracle.