En mai est sorti au cinéma le dernier film de Guillaume Canet, Nous Finirons Ensemble, suite attendue après le succès des Petits Mouchoirs qui avait fait découvrir au plus grand nombre le Cap Ferret. Depuis, stars et anonymes accourent sur cette presqu'île sauvage qui donne à chacun l'impression de vivre dans un décor de cinéma. 

Il y a neuf ans, sortait sur les &eacute;crans&nbsp;Les Petits Mouchoirs,&nbsp;film choral r&eacute;alis&eacute; par Guillaume Canet, encens&eacute; par le public&nbsp;(5,2 millions d&rsquo;entr&eacute;es), malmen&eacute; par la critique (Lib&eacute;ration&nbsp;parlait des &ldquo;Copains d&rsquo;abord&nbsp;&agrave; la moulinette de&nbsp;Plus belle la vie&rdquo;) et snob&eacute; par le milieu (deux nominations de second r&ocirc;le aux C&eacute;sar). Ici ou l&agrave; &ndash; pour l&rsquo;enfoncer ou le sauver &ndash; on &eacute;voquait&nbsp;Vincent, Fran&ccedil;ois,&nbsp;Paul et les autres&nbsp;de Claude Sautet ou&nbsp;Mes meilleurs copains&nbsp;de Jean-Marie Poir&eacute;.

 
Pour son film &ndash; tr&egrave;s inspir&eacute; de sa propre vie &ndash;, Canet avait en effet r&eacute;uni une bande, sa bande. Celle que le petit monde du cin&eacute;ma appelait &ldquo;la bande du Tr&eacute;sor&rdquo;, du nom des Productions du Tr&eacute;sor dirig&eacute;es par Alain Attal, qui a d&rsquo;abord produit court-m&eacute;trage (Guillaume Canet), premier long-m&eacute;trage (Gilles Lellouche), avant de voir r&eacute;colter statuette des Oscar (Jean Dujardin) et compression de C&eacute;sar (Fran&ccedil;ois Cluzet). Une famille de cin&eacute;ma qui aime&nbsp;celui des ann&eacute;es 70, l&rsquo;humour et qui ne se prend pas trop au s&eacute;rieux. Compl&eacute;t&eacute;e de quelques &eacute;l&eacute;ments ext&eacute;rieurs, parmi lesquels les com&eacute;diens Pascale Arbillot, Laurent Lafitte (connu de Gilles Lellouche depuis le cours Florent), Marion Cotillard ou encore Val&eacute;rie Bonneton, la bande &ldquo;authentique&rdquo; ne pouvait que fonctionner. Mais dans cette liste, Guillaume Canet convoquait, pour cette semaine de vacances entre potes, un personnage qui avait son importance : le Cap Ferret. Celui-ci devenait, en 2010, pour qui l&rsquo;ignorait encore, cet endroit o&ugrave; l&rsquo;on mange des hu&icirc;tres avec un gars sympa (Jean-Louis) interpr&eacute;t&eacute; par Jo&euml;l Dupuch devenu depuis l&rsquo;ostr&eacute;iculteur le plus c&eacute;l&egrave;bre de France, un lieu o&ugrave; l&rsquo;eau pouvait &ecirc;tre aussi bleue qu&rsquo;en M&eacute;diterran&eacute;e et o&ugrave; les plages &agrave; perte de vue pouvaient faire oublier la prise de t&ecirc;te du syst&egrave;me de mar&eacute;es. Ici, le d&eacute;cor naturel de ce lieu de vill&eacute;giature, &agrave; trois quarts d&rsquo;heure de Bordeaux, faisait partie de l&rsquo;histoire.

 
En mai 2009, quelques mois avant le tournage, la petite &eacute;quipe &eacute;tait alors venue y passer quelques jours, comme pour dompter le Bassin. Ici, ils ont appris les rudiments de la r&eacute;gion :&nbsp;&ldquo;Arcachon est plus populaire, le Pyla plus sophistiqu&eacute; et le Cap Ferret &ndash; dire le&nbsp;Ferret &ndash; plus authentique&rdquo;, explique William Joinau qui a cr&eacute;&eacute; en 1997 La Maison du Bassin, h&ocirc;tel de bois &agrave; une minute &agrave; pied de l&rsquo;eau, &nbsp;et qui a s&eacute;duit le PDG du Groupe Accor S&eacute;bastien Bazin au point&nbsp;de devenir, en 2015, le propri&eacute;taire des lieux.

 
&ldquo;La Maison du Bassin, c&rsquo;est &ccedil;a qui, au d&eacute;part, a fait d&eacute;couvrir le Cap Ferret aux &eacute;trangers, Allemands, Italiens, Anglais&rdquo;, explique-t-il. S&rsquo;adressant &agrave; un plus grand public que les magazines de voyage internationaux, le film&nbsp;Les Petits Mouchoirs,&nbsp;diffus&eacute; ensuite &agrave;&nbsp;la t&eacute;l&eacute;vision, a fait son effet, attirant pas mal de &ldquo;curieux&rdquo;, au grand regret des Bordelais qui voulaient garder leur presqu&rsquo;&icirc;le pour eux, comme tous ces villages secrets et pleins de charme, connus de quelques initi&eacute;s, qui finissent par attirer des mar&eacute;es de touristes.&nbsp;La crainte rappelle celle de Fran&ccedil;oise Sagan dans&nbsp;Avec mon meilleur souvenir&nbsp;&agrave; propos d&rsquo;un autre petit port c&eacute;l&egrave;bre du Sud de la France :&ldquo;Il n&rsquo;y eut qu&rsquo;une ann&eacute;e qui parut normale &agrave; mes amis et &agrave; moi- m&ecirc;me : celle o&ugrave; Saint-Tropez nous appartint (bien entendu),&nbsp;celle o&ugrave; nous f&ucirc;mes seuls &agrave; user et abuser de la mer, de son sable, de sa solitude et de sa beaut&eacute;.&rdquo;

 
Malgr&eacute; la proph&eacute;tie tant &eacute;voqu&eacute;e, jamais r&eacute;alis&eacute;e, le spectre trop&eacute;zien fait trembler le Cap Ferret. R&eacute;cemment la propri&eacute;taire de la boutique de d&eacute;coration face &agrave; l&rsquo;embarcad&egrave;re a bien failli s&rsquo;&eacute;touffer quand elle s&rsquo;est entendu demander par des passagers fra&icirc;chement arriv&eacute;s : &ldquo;Alors, o&ugrave; est-ce qu&rsquo;on peut voir les vedettes?&rdquo; Bien s&ucirc;r, l&rsquo;&eacute;t&eacute; dernier le producteur Dimitri Rassam (fils de Carole Bouquet et Jean-Pierre Rassam) et Charlotte Casiraghi attendaient leur b&eacute;b&eacute; dans une maison des &ldquo;44&rdquo;, les 44 hectares situ&eacute;s &agrave; la pointe de la presqu&rsquo;&icirc;le, o&ugrave; il fait bon dire, dans les d&icirc;ners parisiens, que l&rsquo;on y poss&egrave;de &nbsp;une maison (c&rsquo;est le cas d&rsquo;Audrey Tautou). Hugo S&eacute;lignac&nbsp;&ndash; producteur ex&eacute;cutif des&nbsp;Petits Mouchoirs&nbsp;&ndash; y a aussi trouv&eacute; refuge en &eacute;t&eacute;.&nbsp;&ldquo;Quand il tournait, Guillaume nous appelait pour nous dire qu&rsquo;il faisait du surf entre deux journ&eacute;es de tournage,&nbsp;confie un producteur,&nbsp;alors &ccedil;a laisse r&ecirc;veur.&rdquo;&nbsp;Mais avant m&ecirc;me&nbsp;Les Petits Mouchoirs,&nbsp;le Cap Ferret avait d&eacute;j&agrave; vu d&eacute;filer certaines gloires du cin&eacute;ma fran&ccedil;ais comme Lino Ventura, Roger Vadim ou encore Alain Delon qui passait des heures devant l&rsquo;h&ocirc;tel de la plage o&ugrave; il r&eacute;sidait. Dans l&rsquo;une des sc&egrave;nes de&nbsp;Nous finirons ensemble,&nbsp;Canet semble s&rsquo;amuser du choc des cultures entre ces Ferret-Capiens de c&oelig;ur et leurs &ldquo;stars&rdquo; nouvellement h&eacute;rit&eacute;es. Sa grosse Audi gar&eacute;e sur un parking de supermarch&eacute;, Gilles Lellouche &ndash; dans le r&ocirc;le de l&rsquo;acteur qui a r&eacute;ussi &ndash; se voit somm&eacute; de d&eacute;gager, qu&rsquo;il soit &ldquo;connu&rdquo; n&rsquo;y change rien.&ldquo;&Agrave; vrai dire, les gens viennent ici pour &ecirc;tre libres&rdquo;, explique l&rsquo;un des marchands immobiliers qui a effectu&eacute; plusieurs transactions au cours des dix derni&egrave;res ann&eacute;es, avant de se reprendre :&nbsp;&ldquo;ou au moins penser qu&rsquo;ils sont libres. L&rsquo;id&eacute;e ici, c&rsquo;est qu&rsquo;on peut &ecirc;tre pieds nus si l&rsquo;on en a envie, en short si &ccedil;a nous chante et n&rsquo;&ecirc;tre personne si on veut se faire oublier&rdquo;. Exactement comme dans&nbsp;Les Petits Mouchoirset&nbsp;Nous finirons ensemble. Comme si la fiction avait fini par inspirer&nbsp;la r&eacute;alit&eacute; et que chacun, l&rsquo;&eacute;t&eacute; venu, int&eacute;grait l&rsquo;&eacute;quipe d&rsquo;un m&ecirc;me film mis en sc&egrave;ne par Guillaume Canet.

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Nous finirons ensemble,&nbsp;de Guillaume Canet, avec Fran&ccedil;ois Cluzet, Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Pascale Arbillot, Laurent Lafitte, Beno&icirc;t Magimel, Val&eacute;rie Bonneton, Jos&eacute; Garcia. En salles.

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La Maison du Bassin 
J&rsquo;avais une amie qui aurait tu&eacute; si on&nbsp;lui avait piqu&eacute; son briquet orn&eacute; du logo &ldquo;La Maison du Bassin&rdquo; (un phare).&nbsp;Je n&rsquo;avais jamais compris pourquoi jusqu&rsquo;&agrave; voir cet h&ocirc;tel de 11 chambres tout en lattes de bois blanches (fa&ccedil;on Hamptons), pleine de meubles chin&eacute;s par les anciens propri&eacute;taires, Nicole&nbsp;et William Joinau, situ&eacute;e au c&oelig;ur du village des p&ecirc;cheurs, &agrave; une minute&nbsp;du bassin. Aujourd&rsquo;hui, elle fait partie des Kaa Hotels &ndash; une petite cha&icirc;ne propri&eacute;taire d&rsquo;h&ocirc;tels &agrave; Saint-Briac, M&eacute;ribel et ici-m&ecirc;me, &agrave; la t&ecirc;te de laquelle se trouve Martin Bazin, fils du PDG d&rsquo;Accor. 
5, rue des Pionniers, 33970 Cap Ferret. 
T&eacute;l. 05 56 60 60 63. Lamaisondubassin.com

Chez Hortense 
Dans &ldquo;Nous finirons ensemble&rdquo; Bernadette joue son propre r&ocirc;le en apportant l&rsquo;addition. Dans la vraie vie, c&rsquo;est elle qui tient la baraque&nbsp;Chez Hortense, depuis les ann&eacute;es 70. Guinguette sur la plage, sets &agrave; carreaux, assiettes simplissimes et vue &agrave; couper&nbsp;le souffle sur la dune du Pilat. &Eacute;videmment, comme pour les maisons qu&rsquo;on loue ou ach&egrave;te ici, la question ne se pose pas : les tables &ldquo;en premi&egrave;re ligne&rdquo; disent un peu de votre rang. 
Avenue du S&eacute;maphore, Cap Ferret. 
T&eacute;l. 05 56 60 62 56. Ouvert tous les jours en saison et pendant les vacances scolaires. Les week-ends hors saison.

&ldquo;Mon Ferret&rdquo; par Christian Mogu&eacute;rou 
J&rsquo;ai connu le Ferret loin de sa pointe. Loin ici veut dire quelques kilom&egrave;tres, dans&nbsp;le village des Jacquets. Dans une cabane, La R&eacute;gate, lou&eacute;e parfois par Jean-Louis Aubert, charm&eacute; qu&rsquo;il &eacute;tait par le bruit&nbsp;de sa guitare sur le sable, entre la maison de Philippe Starck et le refuge de Jo&euml;l Dupuch, la vraie star du film &ldquo;Les Petits Mouchoirs&rdquo;, film&eacute; par Guillaume Canet qui y passe tous ses &eacute;t&eacute;s. Les Jacquets, comme Petit Piquey, Le Canon, L&rsquo;Herbe, constituent la r&eacute;publique de la presqu&rsquo;&icirc;le du Ferret. Un assemblage, un Tetris incompr&eacute;hensible pour celui qui n&rsquo;augure rien de la g&eacute;ographie. Ils sont des villages &eacute;perdus et sinc&egrave;res, ils forment un ensemble, ils se chor&eacute;graphient sans danser ensemble. Les Jacquets r&eacute;sonnent toujours sans solf&egrave;ge, une plage ouverte vers l&rsquo;horizon, Arcachon&nbsp;en face, le Bassin &agrave; pleine vue, &agrave; pleine bouche, une perspective unique, un sentiment &eacute;tourdissant, un virus malin capable de vous prendre le bide, puis, qui vous braque les yeux, enfin tout ce qui reste &agrave; disposition des sentiments.&nbsp;La vie au Ferret est une exp&eacute;rience, un art de vivre, une presque religion. J&rsquo;y ai tout v&eacute;cu. Et sans doute tout appris. 
Journaliste et &eacute;crivain, Christian Mogu&eacute;rou a co-&eacute;crit avec Pascal Bataille&nbsp;Guide de survie au Cap Ferret,&nbsp;publi&eacute; par les &eacute;ditions Vents Sal&eacute;s.

Le Cap Ferret fait son cinéma

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