Prix Médicis pour Le Voyage en France, il est l’auteur d’une vingtaine de livres, dont le dernier En marche! est une hilarante satire politique de la bien-pensance actuelle. Benoît Duteurtre nous parle des Vosges, son lieu d'inspiration. 

<p><em>&quot;Ses rondeurs et ses petits lacs donnent une impression de douceur. Mais la montagne vosgienne a des secrets abrupts et tout un peuple d&rsquo;animaux sauvages. &Agrave; l&rsquo;automne, les pentes de sapins et de h&ecirc;tres prennent des teintes rougeoyantes qui rappellent la for&ecirc;t canadienne. Sauf que c&rsquo;est une for&ecirc;t dessin&eacute;e par l&rsquo;histoire, abritant des chemins, des lieux-dits, des ponts de pierre sous lesquels s&rsquo;&eacute;coulent abondamment les torrents. Les p&acirc;turages des sommets furent en partie d&eacute;frich&eacute;s au Moyen-&Acirc;ge, et mon village conserve toute les marques d&rsquo;un pass&eacute; paysan avec ses vieilles fermes, ses portes d&rsquo;&eacute;tables vo&ucirc;t&eacute;es, sa scierie et sa petite &eacute;glise dont le clocher se dresse au creux de la vall&eacute;e.&nbsp;Est-ce parce que j&rsquo;y vais depuis ma petite enfance que mon corps vibre avec une telle intensit&eacute; ? Ce paysage, alors, se confondait pour moi avec celui des contes de f&eacute;es. On allait chercher du lait dans des masures habit&eacute;es par une famille et quelques vaches sous l&rsquo;immense grenier &agrave; foin ; on construisait des moulins dans les ruisseaux et on cueillait les eurs sauvages au milieu des libellules ; autant de bonheurs secrets qui ressurgissent &agrave; chaque promenade. Tout me pla&icirc;t ici, m&ecirc;me d&rsquo;entendre la pluie tomber sur le toit pendant des jours, ou de me lever soudain, l&rsquo;hiver, devant un paysage enti&egrave;rement blanc qui m&rsquo;oblige &agrave; sortir la pelle pour d&eacute;gager un passage. Le caf&eacute; mijote sur la cuisini&egrave;re &agrave; bois, je travaille &agrave; mon rythme, puis je sors &eacute;couter l&rsquo;eau de la fontaine. Je d&eacute;niche un vieux livre et je me couche en pleine journ&eacute;e pour lire quelques pages de Balzac, ou m&ecirc;me de Cioran qui m&rsquo;enseigne que la vie n&rsquo;est pas digne d&rsquo;&ecirc;tre v&eacute;cue &ndash; ce que je suis heureux de m&eacute;diter en un lieu o&ugrave; je me sens si bien. Et quand le moment vient de rentrer &agrave; Paris, puis que la voiture redescend vers la plaine, je deviens aussi triste que l&rsquo;enfant que j&rsquo;&eacute;tais, regagnant la ville apr&egrave;s les grandes vacances.&nbsp;Quand j&rsquo;affirme que j&rsquo;aimerais rester davantage, voire tout le temps, quelques amis s&rsquo;exclament&nbsp;&ldquo;mais non, tu t&rsquo;ennuieras&rdquo;, &ldquo;tu es trop parisien&rdquo;, &ldquo;tu reviendras en courant&rdquo;. Pourtant, m&ecirc;me apr&egrave;s de tr&egrave;s longs s&eacute;jours, je ne suis jamais parvenu &agrave; ce moment de lassitude o&ugrave; je serais press&eacute; de retrouver l&rsquo;agitation urbaine, tant je me sens chez moi dans cette montagne et toujours impatient d&rsquo;y retourner, d&rsquo;entendre la rivi&egrave;re, d&rsquo;ouvrir la porte, de respirer l&rsquo;odeur du feu de bois, et de contempler ma jolie vall&eacute;e au milieu des for&ecirc;ts.&quot;</em></p>


Dans les Vosges avec Benoît Duteurtre

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