Le nouveau visage du Qatar
Texte par Luc Duroy
Photos par Édouard Pellicci
En donnant carte blanche aux plus grands architectes internationaux pour dessiner le visage de ses nouveaux quartiers comme West Bay, Katara et The Pearl, mais aussi en permettant à ces artistes de renommée mondiale de signer ses superbes musées, l’Émirat se montre fidèle à son projet de développement. Un ambitieux projet qui entend faire de Doha une place économique de premier plan et proposer aux visiteurs un tourisme différent. L’art contemporain, le sport, les plaisirs balnéaires viennent s’ajouter à la découverte d’un pays fier de ses traditions et de son histoire. C’est le même pays qui vous invitera à suivre une course de chameaux à Shahaniyah, à admirer le travail des faucons chasseurs dans le désert, mais aussi à piloter un hors-bord sur la baie ou à perfectionner votre swing sur ses parcours de golf. Ses atouts, l’Émirat tient à les mettre en valeur au profit d’un tourisme haut de gamme et de qualité.
Avec son quartier d’affaires digne de Hong Kong, Shanghai ou Manhattan, la capitale de l’Émirat n’a plus grand chose à voir avec ce qu’elle était il y a encore quelques décennies. Volontairement plus tournée vers la culture et le sport que sa voisine Dubai, elle a plongé dans le XXIe siècle et devrait poursuivre son processus de modernisation au cours des prochaines années. Mais, alors que la cité s’étend dans ses nouveaux quartiers et se développe même sur la mer, à l’image de The Pearl, l’archipel artificiel entièrement gagné sur les eaux du golfe persique où se déploient hôtels, marinas et villas privées, Doha n’oublie pas l’ancienne Al Bidda et son histoire. Si les dhows traditionnels des pêcheurs d’huîtres perlières ont été reconvertis en bateaux de croisière sur la baie, le souk waqif, lui, a retrouvé toute la vitalité d’antan. Les bâtiments ont été reconstruits à l’identique et l’endroit a miraculeusement conservé son atmosphère authentique. On s’y promène sous les passages couverts où s’agite une foule de porteurs qui transportent vos courses sur des brouettes... et l’on prend le temps de deviser aux terrasses, en fin d’après-midi, quand la nuit apporte un peu de fraîcheur. Fumer le narghilé en regardant passer les flâneurs est un sport national auquel les Qataris semblent très attachés. Comme ils sont fans inconditionnels de shopping, ainsi que le prouve le succès des malls commerciaux, Lagoona Mall, Landmark Mall, The Pearl Qatar, Villagio Mall... Les plus grandes marques internationales sont présentes dans ces paradis du shopping et des loisirs où les familles déambulent autant pour le plaisir d’acheter que pour profiter de l’ambiance climatisée qui permet d’oublier les 50 °C de l’été qatari... S’ils se déplacent beaucoup en voiture, les habitants de Doha aiment se promener sur la Corniche du front de mer qui s’étend, en forme de fer à cheval, sur 8 km, depuis le musée d’Art islamique jusqu’au Sheraton, au pied des gratte- ciel de West Bay. Katara avec sa promenade qui borde une grande plage publique, son magnifique grand amphithéâtre de 5 000 places, ses restaurants et ses galeries d’art, est aussi un des lieux les plus fréquentés de cette capitale qui compte près d’un million d’habitants sur une population totale de 2,4 millions pour l’ensemble du pays.
Business, séjours balnéaires sur les plages des grands hôtels, visites des musées, raids en 4x4 dans le désert... le tourisme au Qatar a de multiples facettes. S’y ajoute le sport qui prend ici une dimension toute particulière avec l’Aspire Academy, un site exclusivement réservé aux sports. Il déploie, sur plusieurs dizaines d’hectares, à côté du célèbre Khalifa Stadium actuellement en cours d’agrandissement, des stades, des centres d’entraînement. C’est ici que les joueurs du PSG viennent se remettre en forme au cœur de l’hiver...
La culture est l’un des aspects les plus importants du tourisme au Qatar. Elle est intimement liée à la découverte de l’art de vivre qatari et au choix d’une architecture qui fait appel aux meilleurs designers internationaux. Partout où porte votre regard, à Doha, vous avez rendez-vous avec un nom célèbre. Dans la zone sportive Aspire dominée par The Torch de Hadi Simaan, on doit le magnifique Dôme au Français Roger Taillibert, et c’est un autre compatriote, Jean-François Bodin, qui a conçu le MATHAF (Arab Museum of Modern Art) avec son étonnante façade couverte d’échafaudages... À West Bay, Burj Qatar (la fameuse Doha Tower) due à Jean Nouvel, reprend la forme phallique d’une autre réalisation de l’architecte, la tour Agbar à Barcelone. Elle voisine avec la Tornado Tower de l’agence SIAT de Munich, tandis que les Zig Zag Towers de GHD Architects se dressent non loin de l’entrée de The Pearl. Fascinante aussi l’imagination déployée par les artistes responsables des différents centres universitaires d’Education City. Il y a vingt ans, l’endroit, ne comptait qu’une école. Grâce aux efforts de Qatar Foundation, c’est aujourd’hui un véritable campus où les étudiants d’une cinquantaine de pays peuvent suivre les cours des enseignants de plusieurs universités américaines (Weill Cornell, Texas A&M, Carnegie Mellon, Georgetown University) dans des bâtiments aux lignes futuristes.
À Doha, la visite des musées peut prendre de deux heures à une journée entière. Elle commencera, bien sûr, par le magnifique musée d’Art islamique. Sa forme pyramidale désigne son architecte, le célèbre Ieoh Ming Pei, auteur de la Pyramide du Louvre. Et c’est Jean- Michel Wilmotte qui signe l’aménagement intérieur de ce superbe endroit où les gastronomes apprécieront la cuisine d’Alain Ducasse dans le cadre aérien du restaurant IMA. Avant de partir, il faut se promener dans le parc construit sur une presqu’île en forme de croissant et admirer l’œuvre monumentale de Richard Serra, comme un phare regardant la baie. Les œuvres d’artistes contemporains ponctuent votre parcours, un peu partout, à travers la ville : Anne Geddes devant l’hôpital des femmes, Louise Bourgeois au Qatar National Convention Center dessiné par Arata Isozaki, Damien Hirst et son Miraculeous Journey au centre de recherche médicale Sidra, Sarah Lucas et son cheval géant Perceval à Aspire Park, Subodh Gupta sur la place du Village Culturel de Katara... Derrière sa promenade très appréciée des habitants de Doha, Katara abrite de nombreuses galeries d’art et centres culturels qui proposent des expositions variées. Le musée qui présente l’héritage maritime du pays a été inauguré en novembre dernier et l’on se presse sur les gradins de l’impressionnant amphithéâtre pour des représentations d’opéra ou des concerts en plein air. La prochaine grande réalisation devrait voir le jour dans plusieurs mois. Il s’agit du Musée national du Qatar, lui aussi confié à Jean Nouvel qui a choisi de lui donner la forme d’une rose des sables. Situé à l’extrémité sud de la Corniche, il abritera le palais Fariq Al-Salatah et son caravansérail. Il ne faut pas hésiter à sortir de Doha pour partir à la rencontre du patrimoine historique du Qatar. Premier arrêt aux Barzan Towers, des tours de guet du XIXe, rénovées. Ensuite, route vers Al Zubarah au nord-ouest de la péninsule. Cette ville côtière fortifiée sur les rives du golfe persique a été détruite au XIXe siècle et finalement abandonnée au début du XXe tandis qu’une couche de sable protégeait les palais en ruine. Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, elle fait l’objet de fouilles archéologiques. Le fort de terre battue qui se dresse en plein désert propose aux visiteurs une intéressante exposition de vestiges. Pour imaginer la vie au Qatar au siècle dernier, on fera un petit voyage de vingt minutes au sud de Doha jusqu’à l’ancien village de pêcheurs de Madinat Al Waqra avec son architecture ancienne typique de l’Arabie.