Ce qu'il faut retenir du Prix Castel 2024

La table imaginaire de Jean Castel s’enrichit donc, cette année, du Syndrome de l’orangerie de Grégoire Bouillier, paru aux éditions Flammarion. L’auteur, par l’intermédiaire de son alter ego littéraire, le détective Bmore, a pour ambition de restituer la pensée de Claude Monet lorsqu’il peint les nymphéas du musée de l’Orangerie, pensée notamment tournée vers des deuils.

Le club avait mis les tables dans la remise à l’occasion de cette soirée. Cela a donné au visiteur l’impression d’être dans un hôtel particulier, lui permettant de voguer à sa guise entre les étages, du sous-sol au fumoir du troisième étage. C’est ainsi au deuxième étage de la demeure que nous avons été amenés à rencontrer le récipiendaire du prix, Grégoire Bouillier, après qu’il ait remercié le jury dans un discours tenu au sous-sol.

On remarque Grégoire Bouillier par sa discrétion. Il est tel un caméléon parmi la foule. Une fois repéré, nous l’interrogeons sur ses inspirations dans la rédaction de l’ouvrage. Le titre, en premier lieu, est directement inspiré du syndrome de Stendhal, état psychosomatique caractérisé par une situation de transe devant une œuvre d’art à la beauté subjuguante, développée dans Rome, Naples et Florence (1817). La deuxième inspiration de l’auteur est Claude Monet. La figure de l’impressionnisme appartient, nous dit-il, à l’« inconscient collectif des Français » et il nous confie se souvenir de la première œuvre de l’artiste qui l’a marqué : c’était des coquelicots.

C’était, en outre, un plaisir d’autant plus important pour lui que d’être récompensé chez Castel car le lieu a eu beaucoup d’importance dans ses jeunes années. « Castel, ce sont les souvenirs d’une période où je fréquentais beaucoup le quartier de la soif » nous explique-t-il. Pour lui, « revenir ici, c’est comme si j’avais de nouveau des cheveux ».

C’est ainsi que lorsqu’il a été comparé, lors de la remise du prix, à Marcel Proust, il a dû être au moins aussi touché par les propos du banquier Grégoire Chertok, expliquant que Bouillier « écrit comme on danse chez Castel ».

La nostalgie de Grégoire Bouillier est partagée par d’autres figures du monde artistique, présentes aussi au deuxième étage de la demeure, comme Chantal Ladesou qui se rappelle des « années Castel ». Elle décrit le lieu comme le repère d’un petit groupe d’habitués, Jacques Martin, Pierre Bénichou ou encore Jean Yanne et « on savait que si on passait, on les rencontrait » tout comme « les interlopes, les gens marrants, les gens originaux » dit-elle.

Ces « années Castel » ne sont pas absentes de l’imaginaire de ceux qui n’en ont pas été familiers. L’acteur Vincent Elbaz parle ainsi d’une « époque qu’il n’a pas connu ».

Le mythe est bien présent dans l’amoncellement d’œuvres d’art qui font du club un petit musée à lui tout seul. On retrouve notamment une amusante photographie d’un joueur d’échecs signée Robert Doisneau reprise par l’affichiste Raymond Savignac qui dessine son adversaire. On note aussi une grande fresque de Jean-Philippe Delhomme avec les grandes figures du XX è siècle, la moquette aux symboles phalliques de Pierre Frey et les conceptions de Roland Topor parsemées dans la demeure.

Évidemment, Jacques Dutronc qui a immortalisé le lieu en affirmant « aimer les filles de chez Castel » dans sa chanson J’aime les filles a aussi droit à son portrait au rez-de- chaussée, non loin de l’ouvrage de Grégoire Bouillier disposé pour un an dans une vitrine à l’entrée du vestiaire. L’auteur lui-même passera devant son livre lors de ses prochaines sorties à Castel, se voyant offrir une carte de membre pour un an.