Loin de la terre battue de Roland-Garros, des techniciens français travaillent dans l’ombre pour que les stars du tennis ne jouent jamais « petit bras ». Plongée au cœur de l’usine Babolat, la marque mythique qui fabrique depuis 1875 les cordages pour les raquettes des rois du circuit ATP.

Rafael Nadal n&rsquo;a jamais mis les pieds &agrave; Corbas, dans la banlieue lyonnaise. Et pourtant, c&rsquo;est l&agrave;, dans une zone industrielle comme il en existe des centaines en France, que le cordage qui lui permet de r&eacute;aliser ses fameux lifts est fabriqu&eacute;. Que ses raquettes sont con&ccedil;ues dans le plus grand secret et que ces &laquo;&nbsp;prolongements de son bras&nbsp;&raquo; sont customis&eacute;s pour lui permettre d&rsquo;esp&eacute;rer gagner une 10e coupe des Mousquetaires, le 11&nbsp;juin prochain. C&rsquo;est l&agrave;, dans un immense b&acirc;timent tr&egrave;s discret, que Babolat continue d&rsquo;&eacute;crire l&rsquo;incroyable histoire qui a d&eacute;but&eacute; en 1875, dans le VIIe arrondissement de Lyon, quand le fondateur Pierre Babolat a invent&eacute; le premier cordage de raquette de tennis en utilisant des boyaux de b&oelig;uf. Une centaine de victoires en Grand Chelem plus tard, Babolat est toujours le num&eacute;ro un mondial du secteur. Et si la soci&eacute;t&eacute; continue d&rsquo;utiliser des boyaux naturels dans son usine de Plo&euml;rmel, en Bretagne, &agrave; Corbas, pas de tripes, juste du synth&eacute;tique.

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Sur ce site, ouvert en 2011, la soci&eacute;t&eacute; a install&eacute; une immense plate-forme logistique par laquelle transitent tous les produits qui sont ensuite envoy&eacute;s aux quatre coins de l&rsquo;Europe. Car la marque familiale, dirig&eacute;e depuis&nbsp;1998 par &Eacute;ric Babolat, ne fabrique plus seulement des cordages. Des raquettes de tennis, de badminton, de paddle mais aussi des chaussures, des balles et toute une gamme textile ont &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute;es par la soci&eacute;t&eacute; lyonnaise qui r&eacute;alise plus de 120&nbsp;millions d&rsquo;euros de chiffre d&rsquo;affaires par an. &laquo;&nbsp;Aujourd&rsquo;hui, on ne joue plus seulement avec du Babolat sur son tamis, mais enti&egrave;rement en Babolat&nbsp;&raquo;, explique Fran&ccedil;ois-Xavier Quesse, Global Product Manager de la marque. Et si la fabrication des raquettes et de la gamme textile est sous-trait&eacute;e en Asie, c&rsquo;est &agrave; Corbas que sont produits les cordages synth&eacute;tiques. Du lundi au samedi matin, les op&eacute;rateurs font les 3x8 pour fabriquer plus de 3,5&nbsp;millions de m&egrave;tres chaque mois. Depuis l&rsquo;ouverture du site, en 2011, l&rsquo;&eacute;quipe de Michel Rocher, le responsable de la production, a fabriqu&eacute; de quoi corder plus de 12,5&nbsp;millions de raquettes&nbsp;! C&rsquo;est l&agrave; que le cordage du joueur amateur comme de Rafael Nadal, Jo-Wilfried Tsonga, David Ferrer ou Aliz&eacute; Cornet voit le jour, gr&acirc;ce &agrave; un process enti&egrave;rement automatis&eacute;.

Des bobines de fibres venues d&rsquo;Allemagne sont install&eacute;es en d&eacute;but de cha&icirc;ne. Elles sont d&rsquo;abord lav&eacute;es dans un bain d&rsquo;alcool puis s&eacute;ch&eacute;es &agrave; l&rsquo;air puls&eacute; avant de poursuivre leur chemin. Du polyur&eacute;thane fondu permet de durcir la mati&egrave;re avant d&rsquo;entamer l&rsquo;&eacute;tape de la torsion o&ugrave; les fibres passent sur un axe qui tourne &agrave; une vitesse de 3&nbsp;500 &agrave; 4&nbsp;000 tours/ minute. &Agrave; la sortie de cette machine, le cordage passe dans un four de cinq m&egrave;tres, et les 400&nbsp;degr&eacute;s fixent la torsion, avant le gainage et le lissage du fil. Une impression &agrave; jet d&rsquo;encre inscrit tous les m&egrave;tres le logo &laquo;&nbsp;Made in France&nbsp;&raquo; et un num&eacute;ro de s&eacute;rie qui permet de garantir la&nbsp; tra&ccedil;abilit&eacute; du produit. En bout de cha&icirc;ne, le cordage est enduit de silicone pour limiter son abrasion. Les 10&nbsp;000&nbsp;m&egrave;tres de fibres d&rsquo;origine ont permis d&rsquo;obtenir 9&nbsp;500&nbsp;m&egrave;tres de cordage qui s&rsquo;enroulent sur des bobines de 30&nbsp;kilos.

Sur une autre cha&icirc;ne, Babolat r&eacute;alise les monofils comme le fameux RPM Blast Control de couleur noire utilis&eacute; par Rafael Nadal. De forme octogonale, le fil vient lui aussi d&rsquo;Allemagne et toute la technologie a &eacute;t&eacute; enti&egrave;rement con&ccedil;ue par les ing&eacute;nieurs maison. &laquo;&nbsp;Nous avons des process que nous prot&eacute;geons jalousement car ils nous permettent d&rsquo;avoir une longueur d&rsquo;avance sur nos concurrents&nbsp;&raquo;, explique Michel Rocher.&nbsp;

&Agrave; quelques m&egrave;tres des cha&icirc;nes se trouve un labo o&ugrave; chaque bobine est test&eacute;e m&eacute;caniquement. Dans un dynamom&egrave;tre, une op&eacute;ratrice v&eacute;rifie la r&eacute;sistance du cordage jusqu&rsquo;&agrave; la casse. Boucle, &eacute;tirement classique, n&oelig;ud&hellip; chaque valeur essentielle au cordage est surveill&eacute;e. Dans cette pi&egrave;ce, il fait toujours 20&nbsp;degr&eacute;s et le taux d&rsquo;humidit&eacute; est de 55&nbsp;% pour des tests performants et uniformes. Si un probl&egrave;me survient, on choisit un autre morceau de la bobine et si les tests se confirment, la totalit&eacute; des 9&nbsp;500 m&egrave;tres sont d&eacute;truits pour garantir la qualit&eacute;. &laquo;&nbsp;C&rsquo;est rarissime puisque nous avons 0,1&nbsp;% de d&eacute;chet dans la production&nbsp;&raquo;, pr&eacute;cise&nbsp;Michel Rocher.

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Quand la bobine est valid&eacute;e par le labo, elle passe dans la cha&icirc;ne de conditionnement pour &ecirc;tre d&eacute;coup&eacute;e en sachet de 12&nbsp;m&egrave;tres (la longueur n&eacute;cessaire au cordage d&rsquo;une raquette) ou en bobines de 200&nbsp;m&egrave;tres utilis&eacute;es par les boutiques de cordage. &Agrave; quelques pas de la production des cordages se trouve le labo d&rsquo;essai o&ugrave; tous les produits Babolat passent &agrave; la moulinette. Raquettes de tennis, de badminton ou de paddle, balles, chaussures, textile&hellip; tout est test&eacute; au fil du process de R&amp;D, en passant par des machines de tortures. On y teste la r&eacute;sistance des raquettes, le rebond des balles ou la qualit&eacute; des textiles de mani&egrave;re purement scientifique. &laquo;&nbsp;Mais il y a des choses que l&rsquo;on ne peut pas tester en labo, pr&eacute;cise&nbsp;Sylvain Triquigneaux, le responsable Test et Customisation. Pour les tests sensoriels, on travaille avec des joueurs experts de la r&eacute;gion de Lyon afin de se focaliser uniquement sur le ressenti.&nbsp;&raquo; Ces 40&nbsp;joueurs de bon niveau, au minimum de seconde s&eacute;rie, sont s&eacute;lectionn&eacute;s avec soin. La marque leur fournit des &eacute;quipements qu&rsquo;ils vont tester en live, sur les courts, avant de rendre leur verdict sur leurs qualit&eacute;s et leurs &eacute;ventuels d&eacute;fauts. Les joueurs stars sont &eacute;galement consult&eacute;s sur les produits en d&eacute;veloppement, mais c&rsquo;est dans une autre pi&egrave;ce que Babolat les bichonne. &Agrave; deux pas du labo d&rsquo;essai, Yannick Bizzotto et Guillaume&nbsp;Cambon &laquo;&nbsp;pr&eacute;parent&nbsp;&raquo; les raquettes pour les joueurs sous contrat avec la marque. Car si le mod&egrave;le du commerce est toujours la base, tous les joueurs du circuit ATP customisent leurs raquettes. &laquo;&nbsp;On ne peut pas retirer de la mati&egrave;re, mais on peut en ajouter, poursuit Sylvain Triquigneaux. Nous travaillons &agrave; la carte, selon les d&eacute;sirs de chaque joueur sous contrat. Un joueur comme Rafael Nadal utilise entre 60&nbsp;et 80&nbsp;raquettes par an et nous lui envoyons donc une s&eacute;rie de &laquo;&nbsp;Pure Aero Play&nbsp;&raquo; customis&eacute;es tous les deux mois.&nbsp;&raquo; Sur ces raquettes, le talon est renforc&eacute;, parfois modifi&eacute;. Les techniciens injectent du silicone &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur pour augmenter le poids de la raquette ou ins&egrave;rent des bandes collantes de plomb autour du tamis pour permettre une meilleure tenue au moment de la frappe. Tout se joue au gramme pr&egrave;s et il est impossible de conna&icirc;tre le poids de la raquette utilis&eacute;e par les stars. Ces chiffres sont jalousement gard&eacute;s pour permettre aux joueurs d&rsquo;avoir la sensation d&rsquo;utiliser un secret industriel. &laquo;&nbsp;En moyenne, une raquette vendue dans le commerce qui p&egrave;se 300&nbsp;grammes passe &agrave; 305/310&nbsp;grammes chez les filles pour atteindre 310/320&nbsp;grammes chez les gar&ccedil;ons. Mais des joueurs peuvent monter jusqu&rsquo;&agrave; 362&nbsp;grammes, ce qui est vraiment &eacute;norme&nbsp;!&nbsp;&raquo;, pr&eacute;cisent les deux pr&eacute;parateurs. Lors de notre visite dans l&rsquo;usine de Corbas, nous avons eu en main une &laquo;&nbsp;Pure Aero Play&nbsp;&raquo; pr&eacute;par&eacute;e pour Rafael Nadal. &Agrave; l&rsquo;&oelig;il nu, elle ressemble &agrave; celle que vous pouvez trouver en magasin. Pourtant, c&rsquo;est peut-&ecirc;tre elle qui marquera le point gagnant lors de la finale sur le Central, le&nbsp;11 juin prochain.&nbsp;

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Qui fabrique les meilleures raquettes du monde ?

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