MTV : la chaine qui a changé le monde
Les études assurent qu’il y a des précédents, quelque part en Nouvelle Zélande. Certainement, mais MTV est l’équivalent, de manière universelle, de la fusion entre musique et télévision. En fait, c’est exactement ce que signifient ses trois lettres: Music TeleVision.
Comme beaucoup de grandes inventions, elle sort de l’imagination de deux visionnaires: Bob Pittman et John Lack. Deux hommes de radio américain, issus d'un domaine où, contrairement à la France, les stations ne paient pas les maisons de disques pour l’exploitation de leurs produits. Avec une totale effronterie, ils convainquent, à l’aube des années 80, les gros labels de leur donner des clips promotionnels. Excellent modèle d’affaires : une chaine qui diffuse gratuitement ce que d’autres produisent à haut coût.
Et puis il y a l’audace. Le premier clip, émis le 1 aout 1981, n’est autre que Video killed the radio star, des Buggles. Mais après ce coup d’éclat, difficile de s’établir. La chaine dépend des operateurs de câble locaux ou régionaux, qui offrent un nombre limité de canaux à une Amérique encore très puritaine. Devant l'insolence du projet, beaucoup refusent
Impossible donc de capter la chaine, même à New York. L’occasion d’une offensive publicitaire : Mick Jagger, David Bowie et Pete Townshend apparaissent dans une annonce en déclarant « Je veux mon MTV ». C’était David contre Goliath. Et ce David se transforme d’un coup en un géant du business de la musique.
Leur longue liste de « standards and practice » devient le cauchemar des artistes et producteurs, obligés à faire des changements de dernière minute.
Et si, à des débuts, MTV diffuse essentiellement de la pop et du rock, un avertissement de CBS les fait s’intéresser à la musique noire. Le rap prend peu à peu sa place dans les longues playlists vidéo diffusées toute la journée.
Avec les années, la maison gagne en flexibilité. Elle devient une Babylone pour les jeunes artistes qui tous rêvent d’un MTV Unplugged, concerts guitare-voix créés par la chaine et dont certains sont devenus mythiques.
Mais à la fin des années 80, les annonceurs abondent et commencent à transformer l'ancien canal DIY en véritable mine d’or. MTV s’y accroche, quitte à lisser son image et à refuser des productions trop osées. Leur longue liste de « standards and practices », devient le cauchemar des artistes et producteurs, obligés à faire des changements de dernière minute pour coller à la charte. Mais ce sursaut puritain prend un effet inattendu : quand MTV rejette Justify my love, vidéo de Jean-Baptiste Mondino pour Madonna, la version VHS cartonne. Neil Young, qui dénonce la monétisation de la musique, fait une satire de Eric Clapton, Michael Jackson et Whitney Houston dans This note for you. MTV l’interdit, ce qui ne l’empêche pas d’être sacré meilleur clip de 89.
Les clips passent de centre de l’attention à interludes servant à meubler entre les reality shows.
Finie l’époque où la chaine planait au-dessus du bien et du mal. Les clips influencent désormais la publicité, la politique, la mode, la radio, même le cinéma. Hollywood produit des films modulaires, à la façon de Flashdance, dont les videos extraites deviennent des clips, boostant les scores au box-office. Les réalisateurs s’essaient aussi au format du moment, de Scorcese (Bad, de Michael Jackson) à Brian de Palma (Dancing in the Dark, de Springsteen). Un showreel avec des vidéoclips tapageurs sert de tremplin aux plus jeunes. Parmi eux, Anton Corbijn, Spike Jonze, David Fincher ou Michel Gondry.
Mais impossible de croire à l’angélisme de Viacom, société créée par Warner et American Express, qui a déjà racheté la chaine en 86 : les millions d’adolescents qui passent leur journée devant MTV représentent un succulent marché, et la meilleure manière de les fidéliser se trouve dans la télé-réalité, l’humour, les animations et des émissions sur célébrités. Dès 1995 mais surtout au début des années 2000, les clips passent de centre de l’attention à interludes servant à meubler entre les reality shows.
Aujourd’hui, et malgré l’avènement de youtube, MTV reste une galaxie grâce à ses chaines dérivées. La musique se segmente et migre sur VH1, MTV Classic, MTV 2, MTV base etc. Une fragmentation par âge, intérêt musicaux, communautés et même orientation sexuelle avec une chaine dédiée à la communauté LGBT. Ca vous rappelle quelque chose ? Exactement : la toile des toiles. Internet est la nouvelle MTV.