Il était inévitable que le monde de Wes Anderson, cinéaste esthète, entre un jour en collision avec l’univers feutré et passionnant des musées. C’est désormais chose faite avec une exposition dont il est le commissaire, à Milan cet hiver.

Organisée à l&rsquo;origine par le Kunsthistorisches Museum de Vienne, qui a confié avec à-propos ses immenses collections aux bons soins du réalisateur et de sa compagne, Juman Malouf, écrivaine, illustratrice et costumière, tous deux commissaires exceptionnels, cette exposition se retrouve cet automne à la Fondation Prada à Milan. Son titre même est aussi énigmatique que ceux des films du cinéaste : &ldquo;La momie de musaraigne dans son sarcophage et autres trésors&rdquo;. Il a fallu plus de deux ans à ce couple de perfectionnistes assumés pour trier dans les quatorze collections &ndash; parmi lesquelles les antiquités romaines, grecques et égyptiennes, le cabinet des monnaies, la collection des instruments de musique historiques, l&rsquo;armurerie impériale ou encore le musée du Théâtre et les animaux empaillés du musée d&rsquo;Histoire naturelle &ndash; ainsi que dans&nbsp;les immenses remises; soit à peu près quatre millions d&rsquo;objets. Le résultat : un choix étonnant de quatre cents pièces (dont la majeure partie n&rsquo;a jamais été exposée) recouvrant une période de plus de cinq mille ans; la plus ancienne étant un collier de perles en céramique égyptien et la plus moderne un singe sculpté en bois d&rsquo;Indonésie. Mais, bien sûr, comme pour ses films, où il construit son récit grâce à&nbsp;la chimie entre un décor, un acteur et&nbsp;une musique, c&rsquo;est ici l&rsquo;ensemble de l&rsquo;exposition qui compte, ces centaines d&rsquo;objets narrant chacun une petite histoire&nbsp;faisant partie d&rsquo;un grand tout. On y trouve une salle réservée aux portraits d&rsquo;enfants, une autre consacrée à la couleur émeraude, ou à un bestiaire fabuleux. Des portraits en médaillons de poche du XVIIIe siècle&nbsp;s&rsquo;alignent avec un soin maniaque près de pièces&nbsp;de monnaie. La mise en abyme se poursuit avec des dessins délicats de Juman Malouf représentant certaines &oelig;uvres, comme des doubles fantômes.

Évidemment, tout cela n&rsquo;entre guère dans ce qu&rsquo;on a l&rsquo;habitude de voir dans un grand musée, c&rsquo;est anticonventionnel, anecdotique, chaotique, absurde peut-être, même un peu punk aux yeux d&rsquo;un critique d&rsquo;art. Mais cette exposition correspond néanmoins à la vision de deux artistes singuliers. L&rsquo;art s&rsquo;est toujours invité dans les films de Wes Anderson, que ce soit dans sa photographie même (on ne compte plus les sites Internet qui décomposent les couleurs de ses plans par gammes Pantone) ou dans son décor. Par exemple, personne n&rsquo;a oublié les deux tableaux gigantesques de l&rsquo;artiste mexicain Miguel Calderón représentant des motards dans la campagne avec des masques africains dans un fameux champ- contrechamp de La Famille Tenenbaum (2001). Depuis 2010, la galerie Spoke Art à San Francisco a même créé une exposition annuelle, &ldquo;Bad Dads&rdquo;, où toutes les &oelig;uvres sont inspirées de ses films. Dans cet univers très fétichiste et sentimental, les objets sont toujours dotés d&rsquo;une âme, et deux de ses films&nbsp;&ndash; Fantastic Mr. Fox (2009) et L&rsquo;Île aux chiens (2018) &ndash;, qui ont été tournés selon la technique très astreignante de la stop-motion animation, le prouvent bien en insufflant la vie à des objets inanimés.

Exposition &quot;Spitzmaus mummy in a coffin and other treasures. Wes Anderson and Juman Malouf&quot; &Agrave; la fondation Prada &agrave; Milan, jusqu&#39;au 13 janvier 2020.&nbsp;

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Dans le curieux cabinet du dr Anderson

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