La nouvelle saison de la série Succession arrive enfin !

Ont-ils découvert les bienfaits de la méditation transcendantale ? La générosité ? L’empathie ? La bienveillance ? Légué toute leur fortune à des ONG ? S’il nous est impossible de dévoiler les ressorts des intrigues animant cette saison, il nous est cependant autorisé à révéler que non, les Logan restent fidèles à ce qui a fait d’eux les personnages les plus fascinants de récente mémoire  les plus formidablement odieux, chez qui rien n’est propre à les rendre vaguement sympathiques. L’ambiance familiale oscille donc toujours entre Dallas et les Atrides dans le royaume des affaires. Fresque acide, saga caustique, Succession parle autant de pouvoir, de ceux et celles qui le possèdent et, surtout, de ses effets, autant sur ses maîtres que sur leur entourage. Sur cette trame assez classique - aux motifs bibliques et shakespeariens en passant par l’ensemble du répertoire de la tragédie grecque, au choix  - les créateurs de la série ont dessiné des monstres de vanité, d’arrogance et d’avidité, avec un certain talent pour capter un monde hermétique aux problématiques prosaïques, s’accrochant à ses privilèges, incessamment soucieux d’en obtenir toujours davantage. A la vue des sept premiers épisodes de cette nouvelle saison, la mécanique de ce ballet sidérant se grippe, la caricature guette. Moins surprenants, les fils narratifs s’emmêlent un peu, le récit semble contraint par les saisons précédentes à pousser un peu plus loin le curseur des péripéties vers toujours plus d’outrance et à forcer le trait des personnages dont on a bien compris à ce stade de leurs aventures qu’ils étaient irrémédiablement ignobles. Ce manque de nuances, l’incapacité à décliner une palette émotionnelle plus riche, à varier les tonalités, enfin à s’arracher à sa propre légende, figent les personnages telles les victimes à Pompéi de l’éruption du Vésuse, et la narration semble désormais obéir à une équation additionnant distraitement coups bas, vilenies, trahisons, mesquineries dans l’espoir de convoquer de force le charme vénéneux des saisons précédentes. Engoncée dans ses habitudes, elle perd son parfum enivrant, sa puissance corrosive, aux personnages odieux-ses, mais comme par routine. Si ce western moderne ménage encore des moments de plaisir, son absence d’ambiguïté pèse.  Les interprètes, tous et toutes impeccables, les extraordinaires Brian Cox et Jeremy Strong en tête, méritaient un peu mieux que d’incarner des stéréotypes devenus trop prévisibles - en particulier les personnages féminins aux contours bâclés. En 1996, la merveilleuse, et éphémère, série Profit, dépeignait avec plus de sensibilité un univers comparable, plus de profondeur de champ, de délicatesse même, dans l’observation de la cupidité la plus brutale. L’on songe à ces paroles de Leonard Cohen : «And the dealer (en l’espèce, il s’agit du croupier, ndlr) wants you thinking/That it's either black or white/Thank God it's not that simple/In my secret life. » faisant écho à cette formule de Philip Roth : « As an artist the nuance is your task. Your task is not to simplify. » On ne saurait mieux dire. 

Une série créée par Jesse Armstrong. Avec Brian Cox, Hiam Abbas, Nicholas Braun, Sarah Snook, Jeremy Strong, Matthew Macfayden et Kieran Culkin.
À partir du 18 octobre sur OCS.