Klapisch est-il le nouveau Truffaut ?
Le cinéma français aime les Candide. Pendant vingt ans, François Truffaut va suivre son Antoine Doinel. Pendant dix ans, Cédric Klapisch va pister son Xavier Rousseau. Jean-Pierre Léaud est né une seconde fois dans "Les Quatre Cents Coups", est tombé amoureux dans "Baisers volés", s’est rangé dans "Domicile Conjugal", a vieilli dans "L’Amour en fuite". C’est un peu la même histoire pour Romain Duris chez Klapisch, le romanesque en plus : son personnage fait le tour du monde, enchaîne un Erasmus en Espagne, un mariage en Russie, une vie dérangée à New York, et toutes les péripéties qui vont avec... Jean-Pierre Léaud, lui, campe l'existence banale d'un homme multiple, idéaliste, volontaire, parfois oisif. Antoine Doinel est Jean-Pierre Léaud, Romain Duris joue Xavier Rousseau.
Jean (le protagoniste de "Ce qui nous lie", joué par Pio Marmaï) est de ceux-là. Un personnage/narrateur qui oscille entre le passé et le présent, qui revoit et vit sa vie en l’espace d'1h53. Pour lui, pas de départ en voyage mais un retour en Bourgogne, sacro-sainte région viticole, pour dire adieu à son père et retrouver sa sœur, Juliette (Ana Girardot), et son frère, Jérémy (François Civil). L’autre protagoniste, c’est le vin, que Klapisch égrappe avec précaution. Les autochtones s’y reconnaissent, les autres découvrent le fameux "banc bourguignon"... Très vite, l’empathie naît de la vraisemblance. On s’identifie à ces gens qui n’ont rien de "super", boivent du café perco, vivent encore chez leurs parents, ne savent pas où ils vont. Les codes ont changé depuis la Nouvelle Vague : le style est plus léché, la caméra, chorégraphiée. Klapisch asssume sa patte et se reconnaît de mille écoles. Alors, au bout du compte, qu'y a-t-il de Truffaut chez Klapisch ? Peu, si ce n'est d'aimer follement l'humain.
"Ce qui nous lie", de Cédric Klapisch, avec Pio Marmaï, Ana Girardot et François Civil, actuellement au cinéma.